Qu’ont réellement demandé les dirigeants européens à Ankara ?

10:252/12/2025, mardi
MAJ: 2/12/2025, mardi
Yahya Bostan

Les relations entre l’Occident et Ankara sont en train d’être redéfinies après douze années d’une période d’attente. Nous parlons d’un nouveau type de relation. Mais son nom n’est pas encore posé, et son cadre reste flou. La seule certitude est que les relations ne reprendront pas là où elles s’étaient arrêtées il y a douze ans. Car, durant ces douze années, beaucoup de choses ont changé. La Türkiye a changé. La région a changé. Le monde a changé. L’ambition des États-Unis de se recentrer sur la

Les relations entre l’Occident et Ankara sont en train d’être redéfinies après douze années d’une période d’attente. Nous parlons d’un nouveau type de relation. Mais son nom n’est pas encore posé, et son cadre reste flou. La seule certitude est que les relations ne reprendront pas là où elles s’étaient arrêtées il y a douze ans. Car, durant ces douze années, beaucoup de choses ont changé. La Türkiye a changé. La région a changé. Le monde a changé.


L’ambition des États-Unis de se recentrer sur la Chine et de bâtir une nouvelle architecture est désormais évidente. Les faiblesses de l’Europe, si arrogante les jours fastes, sont apparues en période de crise. C’est pourquoi les relations entre l’Occident et Ankara vont être redéfinies en fonction de cette nouvelle réalité. Bien sûr,
"l’Occident"
n’est pas un bloc homogène. Washington est une chose, Londres une autre, tandis que Bruxelles/L’UE — dominée par l’axe Berlin-Paris — relève d’une dynamique différente. Sur les questions de sécurité, les limites institutionnelles de l’UE laissent même émerger une perspective européenne qui dépasse Bruxelles. Ainsi, même si l’on vise un cadre global avec l’Occident, il devient indispensable de s’asseoir séparément avec chacun.

Le dossier de l’adhésion européenne est clos


Les récents échanges diplomatiques avec l’Allemagne s’inscrivent dans ce contexte. Le chancelier Merz était à Ankara il y a quelques jours. Le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan s’est ensuite rendu à Berlin. Le ministre allemand Wadephul a évoqué, lors d’une conférence de presse commune, la nécessité d’ouvrir une nouvelle page avec La Türkiye.
Fidan, de son côté, a rappelé que l’adhésion à l’UE restait un objectif stratégique pour Ankara.

C’est la ligne officielle présentée publiquement. Pourtant, le débat sur l’adhésion appartient désormais à l’avant-fetret, à une époque révolue. L’idée d’un nouveau type de relation avec l’Europe circule de manière bien plus affirmée à Ankara. On y entend désormais ceci:
"Nous avons deux sujets fondamentaux avec l’Europe: l’Union douanière et la libre circulation. Il faut les régler. En matière de défense, ils ne peuvent de toute façon pas dire non à Ankara. Autrefois, parler de partenariat privilégié était une manière de nous rabaisser. Mais les temps ont changé. Une relation flexible avec l’UE, semblable aux partenariats stratégiques développés par des pays comme le Royaume-Uni ou la Norvège, nous serait bien plus utile."

Si Ankara en arrive là, c’est en raison de l’enlisement des processus décisionnels européens et de leur lourd bagage politique. Même sur un sujet stratégique comme la sécurité européenne, l’UE n’a pu dépasser le veto grec concernant les crédits SAFE. Hier, les travaux ont commencé concernant les pays candidats à l’accès au programme. Le Royaume-Uni et La Türkiye n’y figurent pas. Les sources diplomatiques rappellent cependant qu’une candidature reste possible prochainement, et que rien n’est encore perdu. Mais l’attitude d’Athènes et de l’administration chypriote est déjà connue. Le ministre grec de la Défense, Dendias, évoquant les investissements militaires prévus en mer Égée, qualifie La Türkiye de
"menace la plus visible".

L’entretien marquant de Hakan Fidan


Dans ce contexte, l’interview accordée par Fidan au Welt am Sonntag se distingue par les questions posées et les réponses apportées. Il y formule cette question essentielle:
"Si les États-Unis ne maintiennent plus leur présence en Europe, quelle architecture de sécurité doit être mise en place?"
Et il y répond lui-même:
"Le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, La Türkiye et l’Italie doivent avant tout se réunir et orienter ce débat."

Comme je l’ai indiqué plus haut, une perspective européenne dépassant l’UE est désormais sur la table en matière de sécurité. Dans ce cadre, outre l’OTAN, la Coalition des volontaires pour l’Ukraine — mise en place pour renforcer la coopération de défense — occupe une place importante. La Türkiye en est un membre.
On y discute notamment du futur système de garanties en cas de paix en Ukraine, ce qui revient à réfléchir à une architecture européenne de sécurité allant au-delà de l’UE.

Dernière réunion: elle s’est tenue la semaine dernière, après que le controversé plan de paix de Trump a été remis sur la table. Le président Erdoğan y participait. C’est dans cette réunion que Macron a déclaré que
"des soldats français, britanniques et turcs pourraient être déployés en Ukraine"
. Les dirigeants européens y ont évalué les mesures communes possibles, tout en cherchant à comprendre les intentions exactes de Poutine. Et il apparaît qu’ils posent directement la question au président Erdoğan:
"Que veut faire Poutine? Erdoğan doit nous l’expliquer."

Certains dirigeants de l’UE ne saisissent pas l’ampleur de ce que provoque la guerre en Ukraine. Leur vision ne dépasse pas les attentes de pays à petites ambitions, comme Athènes. Les relations entre La Türkiye et l’Europe seront redéfinies au-delà du cadre de l’UE.
Dans ce contexte, il faudra particulièrement suivre de près l’axe Ankara-Londres.
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