Allemagne: la prison n'effraie pas les militants luttant contre le réchauffement climatique

10:1126/04/2023, mercredi
AFP
Le groupe environnemental "Last Generation" (Letzte Generation) participe  à une action de blocage d'une rue de Charlottenburg à Berlin. Crédit photo: TOBIAS SCHWARZ / AFP
Le groupe environnemental "Last Generation" (Letzte Generation) participe à une action de blocage d'une rue de Charlottenburg à Berlin. Crédit photo: TOBIAS SCHWARZ / AFP

Il a bloqué plusieurs heures le trafic routier afin d'alerter sur le sort de la planète. Pour cet acte militant, Moritz Riedacher fait partie des premiers condamnés à de la prison en Allemagne. Mais sa détermination reste intacte.

"J'ai vraiment beaucoup, beaucoup de mal à digérer le verdict"
, confie à l'AFP le jeune homme de 26 ans, estimant
"disproportionnée"
la peine d'emprisonnement de quatre mois prononcée mi-avril par un tribunal du sud de l'Allemagne.

Encore libre et décidé à faire appel, Moritz Riedacher a continué cette semaine à participer aux opérations de désobéissance civile organisées à Berlin par le groupe activiste Letzte Generation auquel il appartient.



"Nous ne pouvons plus continuer comme avant"
, assène cet étudiant en journalisme qui a suspendu son cursus pour s'engager dans l'action militante en faveur d'une protection du climat.

Les blocages de rues et autres perturbations organisées par Letzte Generation pour faire pression sur le gouvernement allemand sont loin de faire l'unanimité.

Certains élus qualifient les militants de
"terroristes du climat"
.

Leurs actions se sont multipliées ces derniers mois. Et ils se retrouvent de plus en plus nombreux devant les juges.


"Contrainte"


En condamnant Moritz Riedacher et ses compagnons à plusieurs mois de prison, le tribunal de Heilbronn a fait monter les enchères, les juges ayant jusqu'ici surtout prononcé des amendes.


La justice reproche aux activistes d'exercer
"une contrainte"
sur la circulation routière, une infraction punie d'un maximum de trois ans de prison.

Le chef adjoint du syndicat de la police allemande, Heiko Teggatz, estime que le verdict de Heilbronn doit servir d'exemple.

"C'est le seul signal que ces idiots comprennent",
a-t-il déclaré au journal die Welt. Selon lui, les militants devraient faire jusqu'à 30 jours de détention préventive, suivis de procès accélérés avec à la clé de lourdes peines d'emprisonnement.


Le gouvernement du chancelier social-démocrate Olaf Scholz n'a manifesté aucune sympathie pour le mouvement et même les Verts, partenaires de la coalition, ont fait part de leur opposition, estimant que ces méthodes ne permettaient pas de rassembler la population derrière la cause climatique.


"Au contraire, cela irrite les gens, divise la société"
, selon le ministre de l'Économie, l'écologiste Robert Habeck.

Pendant les blocages de rue, des automobilistes s'en sont pris aux activistes, tentant de les dégager alors qu'ils utilisent régulièrement de la glu pour se coller au bitume. Moritz Riedacher note:


En même temps, de plus en plus de gens se montrent solidaires, peut-être parce qu'ils ont été choqués par la sévérité des dernières décisions de justice.

Si sa condamnation est confirmée, il pourrait finir avec un casier judiciaire malvenu au moment de se lancer dans la vie professionnelle.


Plateforme


Comme lui, Irma Trommer a fait face aux juges, en avril à Berlin.


Quel que soit le verdict qui l'attend, la jeune actrice de 26 ans promet de continuer à bloquer la circulation car
"la protection du climat est une question clé dont notre avenir dépend".

Le Parquet estime que les automobilistes se trouvent immobilisés contre leur volonté par les activistes de Letzte Generation.

Toute la question est de savoir où s'arrête le droit de protester et la réponse varie selon les tribunaux.


Les jeunes militants savent exactement ce qu'ils encourent. Les procès eux-mêmes offrent une plateforme qui permet de toucher un large public pour défendre la cause climatique, écrit Letzte Generation sur son site.


L'un d'entre eux, Henning Jeschke a été jusqu'à se coller à une table de la salle d'audience durant son procès.


Le père d'Irma Trommer confie que voir sa fille convoquée devant un tribunal fut
"un choc",
"non pas en raison de ce qu'elle a fait, mais parce qu'elle était jugée pour son engagement pour le climat".

Stefan Diefenbach-Trommer assure à l'AFP ne pas craindre l'impact que les poursuites judiciaires pourraient avoir sur l'avenir d'Irma. Et de lancer:


Quelle est l'utilité d'un super CV ou d'un merveilleux diplôme universitaire si l'on ne peut plus vivre sur Terre ?.

"Avoir un casier judiciaire est un moindre mal par rapport aux conséquences de la crise climatique"
, abonde sa fille.

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