Des migrants éthiopiens "entre la vie et la mort" en Arabie saoudite

10:3510/12/2023, dimanche
AFP
Elles font partie des centaines de milliers de personnes, principalement des Éthiopiens, qui se lancent chaque année sur la route de la Corne de l'Afrique à la recherche d'opportunités en Arabie saoudite. (archive)
Crédit Photo : Solan KOLLI / AFP
Elles font partie des centaines de milliers de personnes, principalement des Éthiopiens, qui se lancent chaque année sur la route de la Corne de l'Afrique à la recherche d'opportunités en Arabie saoudite. (archive)

Cachés dans les montagnes du sud de l'Arabie saoudite, des migrants éthiopiens n'ont qu'un seul objectif: éviter les gardes-frontières qui, d'un seul coup de feu, peuvent mettre fin à leur quête d'une vie meilleure.

Ce n'est qu'à la tombée de la nuit qu'ils osent s'aventurer dans les villages voisins pour chercher des restes de nourriture.


"Nous avons peur de mourir à chaque instant. Nous supplions les gens de nous donner de la farine et du pain, puis nous retournons dans les montagnes"
, explique Mohammed, 30 ans, qui a parlé à l'AFP par téléphone depuis un abri de fortune près de la frontière avec le Yémen.

Les gens ont peur de nous aider à trouver du travail car c'est illégal, nous sommes comme pris entre la vie et la mort.

Chaque année, des centaines de milliers de migrants africains bravent les périls de la
"Route de l'Est"
, qui traverse la mer Rouge et le Yémen en guerre pour atteindre l'Arabie saoudite.

Chaque étape est périlleuse, mais le dernier tronçon, qui va des hauts plateaux du Yémen au sud de l'Arabie saoudite, est le plus meurtrier.


En août, l'ONG Human Rights Watch a accusé les gardes-frontières saoudiens d'avoir tué entre mars 2022 et juin 2023,
"au moins des centaines"
d'Ethiopiens qui tentaient de passer dans le royaume, en utilisant parfois des armes à feu.

Ryad a rejeté ces accusations en les qualifiant d'
"infondées et de sources non fiables"
.

Les entretiens de l'AFP avec six migrants et quatre passeurs - qui ont tous demandé à n'être identifiés que par leur prénom pour des raisons de sécurité - indiquent que même lorsque des Ethiopiens comme Mohammed atteignent le sol saoudien, il sont loin d'être certains de trouver du travail et de changer de vie.


"Comme des déchets"


Mohammed était encore adolescent lorsqu'il est arrivé en Arabie saoudite, en passant par Djibouti et en traversant la mer Rouge caché dans un bateau de pêche.


Les rebelles Houthis ne s'étaient pas encore emparés de Sanaa, et il a pu arriver sans encombre en Arabie saoudite, où son passeur lui a trouvé un emploi de berger.


Il y a trois ans, il a cependant perdu cet emploi et est retourné dans sa région natale d'Oromia, en Ethiopie, où il s'est retrouvé sans ressources.

L'année dernière, il a réuni environ 2.500 dollars pour un second passage en Arabie saoudite, mais cette fois-ci, le voyage a été plus pénible, notamment à la frontière entre l'Arabie saoudite et le Yémen.


"Tous les deux mètres, on trouvait des Ethiopiens morts"
, raconte-t-il.

Les Saoudiens ouvraient le feu sur les Ethiopiens comme si nous n'étions pas des êtres humains, comme si nous étions des déchets.

En août, une source gouvernementale saoudienne a déclaré que ces affirmations étaient infondées et que les autorités respectaient les droits humains.


Rêves en suspens


Le nombre de migrants arrivant en Arabie saoudite a diminué ces derniers mois, ont indiqué des passeurs à l'AFP.


"Il y a au moins 200 arrivées par jour"
, a déclaré un passeur également nommé Mohammed.

Avant, les chiffres étaient plus élevés, mais le contrôle a été renforcé.

Abdi, assistant d'un autre passeur, explique que lorsque les Ethiopiens ont de l'argent, ils sont logés et nourris. Ils dorment, sous garde armée, à plus de dix par chambre, tandis que les passeurs tentent de leur trouver du travail. S'ils n'ont pas de quoi payer, ils sont livrés pour la plupart à eux mêmes, selon lui.


Parmi les rares chanceux, figure Sara, 23 ans, qui a trouvé un emploi de domestique dans une famille de Ryad qui, selon elle, la traite et la paie bien.

Mais parce qu'elle n'a pas de papiers, elle ne quitte jamais la maison de son employeur et dit avoir mis ses rêves en suspens et se
"sentir malheureuse".

Sarah espère néanmoins pouvoir bientôt retrouver des membres de sa famille. Elle a récemment payé avec ses économies 5.000 dollars de frais de passage clandestin pour son frère et son neveu.

Ils ont réussi à passer la frontière. Mais pour l'instant, ils se trouvent dans le sud de l'Arabie saoudite, dans la clandestinité et à la recherche d'un travail.


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