L'actrice et scénariste française, Judith Godrèche.
L'un des symboles les plus forts du Festival de Cannes: devenue une figure de proue du mouvement #MeToo en France, l'actrice Judith Godrèche présentera mercredi un court-métrage qu'elle a réalisé pour dénoncer les violences sexuelles.
Une façon de redonner un visage à un millier de victimes, face aux
"fantasmes"
qui accompagnent la libération de la parole sur les agressions sexuelles, confie celle qui se tourne désormais vers la réalisation et prépare un long-métrage.
Question: Quelle était l'idée de votre film, intitulé
"Moi aussi"
?
Réponse:
"Il y a cette idée du 'comme toi, ça aussi je l'ai vécu', d'un lien, d'un écho. L'idée c'était de dire vous avez le droit de venir même si vous ne voulez pas être filmé, vous pouvez être de dos, vous pouvez être flouté. Ces personnes semblent partager un même sentiment de honte. Comment transformer la honte ? Pas en fierté, personne n'est fier de s'être fait abuser sexuellement. Mais partager quelque chose dont on pourrait toutes et tous se dire, 'on a fait ça ensemble et on peut en être fier'".
Question: Pourquoi emmener ce film à Cannes, un lieu très symbolique, fréquenté avant sa chute par le producteur Harvey Weinstein, dont vous avez dénoncé les agissements ?
Réponse:
"Le cinéma a une fonction symbolique, divine quasiment. On est l'actrice principale d'un film qui va à Cannes, ça vous donne un statut. Me dire que les gens anonymes qui sont dans ce film vont être les acteurs principaux d'un film qui va à Cannes, c'est ce statut-là qui m'intéresse. (...) Il s'agit aussi d'ouvrir une conversation. Dans le fond elle ne peut exister que si ce film est diffusé dans une très grande salle".
Question: Avez vous mis des conditions à votre venue, sur la façon dont le festival prendra en compte la prévention des violences sexuelles ?
Réponse:
"Ça me fait rire, le nombre de fantasmes qui sont projetés sur moi ! Je passe ma journée à entendre que je suis au courant de ci, que j'ai fait ça, que des fantasmes ! Je ne suis au courant de rien, j'apprends des histoires de liste (d'acteurs qui seraient mis en cause) de la même manière que mon voisin de palier. Je n'ai aucune conversation avec (le délégué général du festival) Thierry Frémaux sur quoi que ce soit d'autre que"
l'heure de projection.
Question: Quelle est aujourd'hui votre vision du mouvement #Metoo dans les médias ?
Réponse:
"Il y a une prise de conscience, mais elle passe par un effet d'annonce trop mis en scène".
Ce n'est pas très spectaculaire de se faire abuser, ce n'est pas très drôle, ce n'est pas très théâtral.
(Les victimes) doivent aller porter plainte ou parler à un avocat, mais contrairement à ce qu'on pense, je ne conseille à personne d'aller parler à la presse. Quand il nous est arrivé quelque chose de grave, ça prend déjà tellement de temps d'arriver à se le formuler à soi-même (...)
Il y a des angoisses qui sont réelles et la raison pour laquelle les personnes n'arrivent pas à parler, c'est parce qu'elles ont peur de perdre leur boulot. Donc cette espèce de cirque, je ne trouve pas ça productif. Ca crée des peurs dans tous les sens, des fantasmes, des haines, et ça développe des rapports humains qui dans le fond sont pas très constructifs.
Je recueille des témoignages qui sont à 90% des histoires d'inceste. La tristesse de la réalité c'est ça: la société, ce n'est pas que le cinéma".
Question: Comment avez-vous réagi à l'annulation d'une condamnation de Harvey Weinstein ?
Réponse:
"C'est très violent. Heureusement qu'il est encore condamné en Californie. Mais surtout, je me suis dit, comment est-ce qu'il a encore des sous, quand on sait combien coûtent des avocats américains ? Je n'ose même pas imaginer les sommes d'argent que d'autres ne pourront jamais dépenser pour se défendre".
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