Après des années de discussion et une nuit entière d'ultimes tractations, les eurodéputés et représentants des États membres ont trouvé mercredi matin un accord, dénoncé par les défenseurs des droits humains, sur l'épineuse réforme du système migratoire européen.
Hasard du calendrier, cette percée est intervenue peu après l'adoption en France d'une loi controversée sur l'immigration, qui a provoqué une crise dans le camp du président Emmanuel Macron en raison du soutien de l'extrême droite.
Le pacte asile et migration, présenté par la Commission européenne en septembre 2020, est une nouvelle tentative de refonte des règles européennes, après l'échec d'une précédente proposition en 2016 dans la foulée de la crise des réfugiés.
Il prévoit notamment un contrôle renforcé des arrivées de migrants dans l'UE, des centres fermés près des frontières pour renvoyer plus rapidement ceux n'ayant pas droit à l'asile, et un mécanisme de solidarité obligatoire entre pays membres au profit des États sous pression migratoire.
L'accord politique devra encore être formellement approuvé par le Conseil (États membres) et le Parlement européen.
L'objectif est une adoption finale de l'ensemble des textes avant les élections européennes de juin 2024, alors que la question de l'immigration accapare le débat politique dans de nombreux pays européens, sur fond de montée des partis d'extrême droite et populistes.
Solidarité obligatoire
La réforme discutée à Bruxelles conserve la règle actuellement en vigueur selon laquelle le premier pays d'entrée dans l'UE d'un demandeur d'asile est responsable de son dossier, avec quelques aménagements. Mais pour aider les pays méditerranéens, où arrivent de nombreux exilés, un système de solidarité obligatoire est organisé en cas de pression migratoire.
Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d'asile (relocalisations) ou en apportant un soutien financier.
Cette procédure s'appliquera aux ressortissants de pays pour lequel le taux de reconnaissance du statut de réfugié, en moyenne dans l'UE, est inférieur à 20%.
Le Parlement européen a obtenu des garanties sur un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux dans ces procédures à la frontière, sur les conditions d'accueil des familles avec jeunes enfants, sur l'accès à un conseil juridique gratuit pour les migrants, a indiqué à l'AFP l'eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe), rapporteure de l'un des textes.
Il prévoit là encore une solidarité obligatoire entre les États membres et la mise en place d'un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d'asile que les procédures habituelles, avec un allongement possible de la durée de détention aux frontières extérieures du bloc.
L'UE connaît actuellement une hausse des arrivées irrégulières, ainsi que des demandes d'asile. Sur les onze premiers mois de l'année 2023, l'agence Frontex a enregistré plus de 355.000 traversées des frontières extérieures de l'UE, soit une hausse de 17%. Les demandes d'asile quant à elles pourraient atteindre plus d'un million d'ici la fin 2023, selon l'Agence de l'UE pour l'asile (EUAA).