Ce soir-là, toute sa fierté de pouvoir se déplacer librement en tant que musulmane pratiquante s'est effondrée, lorsqu'un homme, à la gare, lui a arraché son foulard et l'a ensuite agressée.
À l'occasion de la toute première Journée internationale de lutte contre l'islamophobie, qui a été instituée par les Nations unies le 15 mars de chaque année, S***, une musulmane britannique, a raconté à Anadolu l'agression dont elle a été victime et le racisme dont elle a fait l'objet en raison de ses convictions religieuses.
Cette nuit-là, alors qu'elle se trouvait à la gare de St. James's Park à Londres, un homme l'a approchée par derrière pour se tenir très près d'elle. Mal à l'aise, elle a fait un mouvement pour mettre de la distance entre elle et l'homme, mais celui-ci lui a bloqué le passage et l'a injuriée, avant de tirer sur son hijab et de la pousser au sol, où elle s'est cogné la tête sur le carrelage.
"Je suis restée par terre en état de choc, je ne comprenais pas ce qui s'était passé. Je ne savais pas que je m'étais fait mal à la tête. Je ne savais pas que je saignais"
, a-t-elle déclaré en racontant cet incident traumatisant dans un entretien en ligne, pour lequel elle a requis l'anonymat afin de protéger sa vie privée.
Un passant l'a aidée à se relever, tandis que l'agresseur prenait la fuite. La police est arrivée plus tard pour constater le délit, ainsi qu'une ambulance, qui a nettoyé la plaie qu'elle avait au front.
Citoyenne britannique d'origine asiatique, S*** a déclaré qu'il s'agissait de la deuxième attaque islamophobe qu'elle subissait. En novembre 2018, elle se rendait à son travail dans le sud-ouest de Londres lorsqu'une femme dans une voiture lui a fait signe de s'arrêter.
"Excusez-moi, fille au foulard jaune..."
, a-t-elle dit, avant de l'insulter, elle et sa religion, et de démarrer.
S*** dit avoir été secouée par l'incident.
"Non seulement j'ai été bouleversée par les propos de cette femme, mais aussi par le fait qu'il y avait des gens autour d'elle qui la regardaient fixement et qui riaient. J'étais gênée et humiliée. Les gens étaient censés trouver cela méprisable".
Sur l'insistance de son employeur, elle a signalé l'incident à la police, qui a considéré qu'il s'agissait d'un crime raciste. Ce ne sont pas les seuls abus auxquels S*** a dû faire face parce qu'elle est musulmane. Des écoliers l'ont également pointée du doigt en la traitant de
ou de
Ces incidents lui ont fait prendre conscience de la nécessité de se prémunir contre le risque qu'engendre quotidiennement l'islamophobie, expliquant:
"Il y a un grand nombre de gens qui nourrissent beaucoup de haine et qui pensent qu'il n'y a pas de mal à haïr les musulmans. J'ai réalisé que je pouvais aussi être agressée. Je dois être plus prudente. Je ne peux plus me permettre d'être aussi désinvolte qu'avant".
Compatissante à l'égard des autres victimes, S*** a déclaré:
"C'est vraiment malheureux et je suis sincèrement désolée pour toutes les personnes qui ont vécu une telle expérience. Selon les statistiques, les femmes sont beaucoup plus exposées à l'islamophobie parce qu'elles portent un foulard qui les identifie visuellement".
Le ministère britannique de l'intérieur indique que 3 459 musulmans ont été victimes de crimes islamophobes en Grande-Bretagne entre 2021 et 2022, ce qui fait d'eux le groupe le plus nombreux (environ 42 %) à être persécuté en raison de sa foi.
Les crimes racistes se sont multipliés à Londres, avec une augmentation de 188 % depuis 2012-2013, selon la police. Le nombre le plus élevé de crimes motivés par l'islamophobie a été enregistré en 2017-2018, avec 1 667 cas.
Depuis, la police a signalé une baisse annuelle de 50 % du nombre d'incidents jusqu'en 2021-2022, où ils sont repartis à la hausse de 20 % en une seule année.
Brève décision de se défaire de son hijab
À la suite de ces incidents, *S a décidé, pendant une courte période, de ne plus se couvrir la tête car elle craignait d'autres agressions et discriminations.
"J'ai pensé que je serais plus en sécurité si j'enlevais mon hijab. Aussi, pendant une petite période de ma vie, malheureusement, j'ai ôté mon hijab. Le mettre a été très difficile au départ pour moi. Le fait de l'enlever m'a fait souffrir parce que j'avais travaillé si dur, mais en raison des incidents islamophobes injustifiés, j'ai pensé que ma sécurité était plus importante"
, a expliqué la jeune femme.
Cette décision a entraîné un désordre psychologique, dit-elle, précisant:
"J'ai craint pour ma sécurité, j'ai craint pour mon bien-être. Je craignais
(qu'en tant que musulmane)
, j'avais échoué parce que j'avais enlevé mon hijab"
. C'est à cette époque que la jeune femme a pris conscience, non sans ressentiment, qu'elle ne pouvait pas occulter son identité.
Pendant la pandémie de COVID-19, elle a trouvé en elle le courage de se couvrir à nouveau les cheveux. Elle se sentait plus en sécurité car elle travaillait à domicile pendant cette période.
Aujourd'hui, quand elle se couvre la tête, elle se sent plus confiante et plus consciente de la manière de lutter contre les crimes racistes:
"J'ai l'impression d'être à nouveau un peu plus courageuse et de pouvoir m'exprimer. J'en suis très consciente. Les gens sont racistes, certes, mais il s'agit de vivre sa vie du mieux que l'on peut".
Signaler les incidents islamophobes
S*** recommande vivement aux personnes confrontées à des incidents islamophobes de porter plainte auprès de la police. Et ce, tant pour les agressions physiques que pour les agressions verbales.
"C'est une situation extrêmement fâcheuse. Il faut donc la signaler. Même s'il s'agit d'une chose très subtile et que vous n'avez pas été blessé physiquement, si quelqu'un vous a maltraité émotionnellement, si quelqu'un a fait quelque chose d'inapproprié devant vous qui vous fait penser qu'il s'agit d'un crime motivé par l'islamophobie, n'hésitez pas à le signaler",
a-t-elle conclu.