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Déforestation: Les failles des crédits carbone

Une étude récente remet en question l'efficacité des crédits carbone dans la lutte contre la déforestation, soulignant des lacunes dans les méthodologies de certification.

18:10 - 12/06/2024 Çarşamba
AFP
Déforestation du Cerrado natif à Sao Desiderio, dans l'État de Bahia, à l'ouest du Brésil, prise le 25 septembre 2023.
Crédit Photo : Florence GOISNARD / AFP
Déforestation du Cerrado natif à Sao Desiderio, dans l'État de Bahia, à l'ouest du Brésil, prise le 25 septembre 2023.

Cette nouvelle étude vient enfoncer les crédits carbone les plus controversés, ceux qui permettent aux entreprises de compenser leurs émissions de CO2 en finançant la protection des forêts de la déforestation, alors que les initiatives pour leur redonner de la crédibilité se multiplient.


Surestimation des bénéfices environnementaux


Cette étude, évaluée par des pairs et publiée mardi dans la revue Global Environmental Change, met en lumière des "problèmes cruciaux" au sein des quatre méthodologies les plus utilisées pour certifier qu'un crédit carbone vendu a bien permis d'éviter qu'une tonne de CO2 ne soit relâchée dans l'atmosphère, en empêchant de la déforestation.


La conséquence est une surestimation des bénéfices environnementaux de ces projets REDD+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts), qui ont généré 436 millions de crédits carbone, soit environ un cinquième des deux milliards de crédits émis dans le monde depuis le début des années 2000.


Deux des auteurs de cette étude, Thales West et Barbara Haya, avaient participé aux recherches qui ont profondément entaché la crédibilité de ces outils financiers ces derniers mois, notamment ceux générés à partir des méthodologies de Verra, un organisme américain qui a certifié près des deux tiers des crédits carbone existants.


Procédés simplistes


Les chercheurs vont cette fois plus loin en affirmant que les quatre méthodologies Verra étudiées utilisent des critères beaucoup trop flous pour estimer la déforestation qui aurait eu lieu sans la mise en place d'un projet de protection financé par les crédits carbone.


Or c'est une donnée clé pour calculer la quantité de CO2 non relâchée dans l'atmosphère grâce au projet.

Ces méthodologies s'appuient, selon eux, sur des
"prévisions simplistes"
qui se basent, par exemple, sur la moyenne de déforestation dans la région au cours des dix dernières années, en
"ignorant les changements politiques et économiques"
advenus pendant la durée du projet et
"qui ont une influence sur les niveaux de déforestation"
, comme au Brésil pour l'Amazonie.

Les chercheurs préconisent eux de comparer a posteriori la zone protégée avec une zone similaire ne bénéficiant pas de financements, pour voir si le projet a réellement permis d'empêcher de la déforestation, ou s'il était inutile.


Problème de méthode


Face aux critiques, Verra a annoncé ces derniers mois le remplacement de ces quatre méthodes par une nouvelle, qui n'a pour le moment été appliquée qu'à cinq projets en développement, sans générer de crédits à ce stade.


En attendant, plus de la moitié des crédits générés grâce aux anciennes méthodologies ont déjà été utilisés par des entreprises pour vendre des vols, des shampoings ou du café
"neutre en carbone".

Le reste est encore en circulation sur le marché et pourrait être utilisé alors qu'il a été montré que leurs bénéfices étaient largement exagérés.

Le Conseil pour l'intégrité du marché carbone volontaire (ICVCM), un organisme privé constitué en 2021 après plusieurs scandales pour évaluer les méthodologies des certificateurs, étudie actuellement la nouvelle proposition de Verra pour lui attribuer ou non son label de qualité des crédits carbone.


Verra a demandé à exclure ses anciennes méthodes de l'évaluation, a indiqué un porte-parole de l'ICVCM.


La décision de ce comité, composé d'experts mais aussi d'acteurs du marché et financé surtout par des fondations de milliardaires, est attendue dans les prochains mois.

Mais pour Barbara Haya, malgré quelques
"améliorations"
, la nouvelle méthode reste basée sur l'approche dénoncée par l'étude: les améliorations
"permettront de réduire la surgénération de crédits mais il y aura toujours des exagérations".

Il faut les
"présumer coupables jusqu'à ce qu'on prouve leur innocence",
explique-t-elle, ajoutant que les entreprises devraient surtout arrêter d'utiliser des crédits carbone et envisager le financement des projets de protection des forêts dans une logique de
"contribution"
à l'atténuation du réchauffement climatique et pas de
"compensation de leurs émissions"
.

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3 ay önce