Accord Chypre-Liban: Quel avenir énergétique en Méditerranée ?

La rédaction avec
13:102/12/2025, Salı
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Le président de la République turque de Chypre du Nord, Tufan Erhürman, le 21 novembre 2025 à Lefkosa.
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Le président de la République turque de Chypre du Nord, Tufan Erhürman, le 21 novembre 2025 à Lefkosa.

Le nouvel accord de délimitation des zones économiques exclusives entre l'administration chypriote grecque et le Liban suscite des critiques pour ses conséquences sur les droits des Chypriotes turcs et la stratégie énergétique de la Türkiye.

Après avoir conclu des accords similaires avec Israël et l’Égypte, l'administration chypriote grecque a signé le 26 novembre un nouvel accord avec le Liban. Les leaders Nikos Christodoulides et Joseph Aoun ont redéfini les zones économiques exclusives en utilisant la méthode de la ligne médiane, en tenant compte des frontières maritimes entre le Liban et Israël au sud, et le Liban et la Syrie au nord.


L’accord précise également le point de convergence des zones maritimes de l'administration chypriote grecque, du Liban et de la Syrie.


Critiques libanaises et implications régionales


Si l’accord est présenté comme une mesure stratégique offrant une sécurité juridique pour les investissements dans les projets énergétiques régionaux, il est vivement critiqué au Liban pour son déséquilibre au détriment du pays. L’opposition libanaise dénonce un
"compromis sur la souveraineté"
et une perte d’environ 5 000 km² de zones maritimes.

Malgré les déclarations du président Aoun selon lesquelles la coopération
"n’exclut personne"
, la Türkiye et la République turque de Chypre du Nord (RTCN) ont réagi négativement.

Ankara souligne que l'administration chypriote grecque ignore les Chypriotes turcs, partenaires égaux sur l’île, et la position stratégique de la Türkiye, le pays riverain disposant du littoral le plus long. La République turque de Chypre Nord considère l’accord comme
"nul"
, rappelant que la partie grecque ne représente pas le peuple turc chypriote et ne peut prendre de décisions unilatérales sur l’ensemble de l’île.

Le rôle de l’Union européenne


La crise économique libanaise, aggravée par l’explosion du port de Beyrouth en 2020, rend le Liban dépendant de l’aide financière occidentale. Le premier versement d’un plan d’aide de 1 milliard d’euros de l’UE semble lié à la signature de l’accord.


Par ailleurs, l'administration grecque devrait jouer un rôle plus actif au Liban lors de sa présidence du Conseil de l’UE et dans le cadre d’un futur
"accord méditerranéen".

Conséquences pour la Türkiye et la RTCN


L’accord pourrait accélérer les explorations d’hydrocarbures et renforcer la coopération énergétique de l'administration grecque avec Israël, l’Égypte et d’autres pays. Cela risque d’affaiblir les politiques énergétiques de la Türkiye et de menacer son ambition de devenir un hub régional de l’énergie.


Le nouvel accord pourrait également faciliter un futur accord entre l'administration grecque et la Syrie sur la délimitation des ZEE, au détriment des droits des Chypriotes turcs.


Réactions et mesures possibles


La RTCN pourrait renforcer ses revendications sur les zones maritimes en redéclarant des licences couvrant les blocs annoncés par l'administration du sud, affirmant ainsi l’égalité des droits des Chypriotes turcs.


La Türkiye pourrait conclure un accord de délimitation maritime avec la Syrie, basé sur les coordonnées de l’accord de 2011 avec le RTCN, afin de protéger ses intérêts.


La déclaration unilatérale de ZEE par la partie grecque, ignorant les droits des Chypriotes turcs et de la Türkiye, contrevient au droit international
. La résolution de l’ONU de 1962 sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles souligne que ces ressources appartiennent au peuple du territoire concerné.

Les accords unilatéraux de la GKRY avec l’Égypte (2003), le Liban (2007) et Israël (2010) ont contribué à la complexité des tensions actuelles en Méditerranée orientale.


L'administration grecque pourrait chercher à conclure un prochain accord de ZEE avec la Syrie, soutenue politiquement par l’UE et les États-Unis. Ces initiatives renforcent sa position régionale mais accroissent les risques d’instabilité et compliquent la recherche d’une solution équitable pour la RTCN et les Chypriotes turcs.


Propos recueillis auprès du Dr Soyalp Tamçelik, enseignant en relations internationales à l’Université Hacı Bayram Veli d’Ankara.

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