Pakistan et la quête d’un "ordre mondial juste"

10:091/12/2025, Pazartesi
MAJ: 1/12/2025, Pazartesi
Yasin Aktay

Lors du Congrès de la Jamaat-e-Islami (JI) organisé au Pakistan, la direction du mouvement a réuni, autour du thème "À la recherche d’un ordre mondial juste" , une centaine de participants internationaux pour une journée complète de discussions sous forme de table ronde. La revendication d’un "ordre juste" portée par la JI au Pakistan relève bien sûr d’un débat interne, que le pays devra résoudre selon ses propres dynamiques. Mais les signaux indiquent que la nouvelle direction du mouvement entend

Lors du Congrès de la Jamaat-e-Islami (JI) organisé au Pakistan, la direction du mouvement a réuni, autour du thème
"À la recherche d’un ordre mondial juste"
, une centaine de participants internationaux pour une journée complète de discussions sous forme de table ronde.

La revendication d’un
"ordre juste"
portée par la JI au Pakistan relève bien sûr d’un débat interne, que le pays devra résoudre selon ses propres dynamiques. Mais les signaux indiquent que la nouvelle direction du mouvement entend mener ce combat pour un système plus démocratique et plus équitable de manière plus active. Ces indices, on peut les lire dans la personnalité du nouveau leader, dans son discours et dans la base sociologique qui le soutient. En parallèle, la JI manifeste clairement sa volonté d’échanger avec des acteurs internationaux — en particulier des responsables politiques et intellectuels du monde musulman pour qui l’Islam constitue la question centrale — afin de partager des expériences et de réfléchir ensemble à un horizon commun. Rien n’est plus naturel pour un mouvement islamiste : penser avec les autres peuples musulmans, partager les mêmes préoccupations, viser des objectifs communs.
Cela implique aussi de construire un horizon politique commun et d’élargir autant que possible le champ de vision collectif.

Les discussions autour d’un système mondial à repenser


La table ronde, modérée par Asım Luqman Qazi, directeur des relations internationales de la JI, comportait trois volets. Dans le premier, intitulé "Reconfigurer la gouvernance mondiale – Vers un ordre international démocratique", les questions clés étaient les suivantes : les pays en développement doivent-ils constituer des coalitions régionales plus puissantes pour renforcer leur capacité de négociation collective ? Quels pourraient en être les avantages et les risques ? Quels types d’incitations — économiques, politiques ou sécuritaires — pourraient encourager les grandes puissances à accepter un système de gouvernance mondiale plus équitable ?


Les deux autres panels portaient sur
"Les fondements moraux et spirituels d’un ordre mondial juste"
et sur
"Un nouveau contrat pour l’humanité".

Plusieurs responsables politiques de La Türkiye ont pris la parole, parmi eux Fatih Erbakan, président du Parti de la Nouvelle Prospérité, Mahmut Arıkan, président du Parti de la Félicité, ainsi que le député AKP Burhan Kayatürk. Tous ont souligné l’importance de mener ces discussions à un tel niveau et ont rappelé les efforts du président Erdoğan pour défendre une vision plus juste de l’ordre mondial.


Le rôle symbolique du Pakistan et le moment historique


L’intervention d’Hemmam Said, ancien président du Front d’Action islamique de Jordanie, a particulièrement marqué les esprits. Selon lui, le lieu même de la rencontre — le Pakistan — en disait long. Dans un monde où aucun pays, y compris au sein du monde musulman, n’a été fondé explicitement sur le principe de l’Islam depuis la chute de l’Empire ottoman en 1918, le Pakistan constitue une exception historique. Créé pour offrir une patrie aux musulmans, il représente à la fois une consolation pour l’ensemble des musulmans et une responsabilité majeure.


Le second point souligné par Said concernait le moment choisi pour cette rencontre : elle a lieu après l’Opération Déluge d’Al-Aqsa. Ce n’est pas la première réunion organisée depuis, mais l’événement est lourd de sens. L’opération a bouleversé les équilibres mondiaux, contraint les États et les sociétés à repenser leurs positions et déclenché de nouvelles dynamiques. Partout, les populations cherchent une alternative à un système qui ne produit rien d’autre que génocides, instabilité, insécurité et injustice.


J’ai moi-même assisté ces derniers mois à de nombreuses rencontres sur ce thème. Il y a un mois à peine, l’Université islamique de science et technologie de Gaziantep a organisé un symposium similaire réunissant des penseurs et acteurs musulmans de nombreux pays pour réfléchir aux voies d’un monde plus juste.


Gaza, l’épreuve de vérité pour l’ordre mondial


Mais un point essentiel mérite d’être noté : le peuple de Gaza n’a pas attendu que l’ordre mondial se transforme, ni organisé des conférences pour proposer des alternatives. Il savait pertinemment que ces démarches n’avaient jusqu’ici donné aucun résultat. L’ordre mondial repose sur la force, non sur la miséricorde ; il ne protège ni les faibles ni les vulnérables. Le système onusien, conçu de manière à bloquer toute véritable intervention, le prouve. Le droit de veto détenu par cinq grandes puissances empêche toute justice et ne permet pas d’arrêter les massacres ou les violations du droit.
Nous l’avons vu en Syrie, au Myanmar, en Inde face aux politiques d’apartheid visant les musulmans, dans le cas du Haut-Karabakh occupé pendant des années, et en Libye.

Depuis longtemps, le président Erdoğan souligne la nécessité de réformer le système onusien, en répétant que
"le monde est plus grand que cinq"
. Il met en lumière l’incapacité structurelle d’un système qui n’apporte aucune solution. Et il a montré à plusieurs reprises ce qu’il est possible de faire face à cet ordre défaillant : en Libye, en Somalie et plus récemment en Azerbaïdjan, La Türkiye est intervenue pour rectifier des situations injustes, au bénéfice des populations concernées.

Les Syriens ont également agi par eux-mêmes après quatorze ans d’attente d’un soutien international qui n’est jamais venu. Le peuple afghan aussi a résisté avec patience et détermination pour renverser l’ordre imposé.
Et les habitants de Gaza, n’attendant plus rien ni du système mondial ni même du monde musulman, ont décidé de prendre leur destin en main lorsque les secours espérés ne sont jamais arrivés.
Ils ont affirmé leur liberté et, comme le monde entier peut désormais le constater, ils sont aujourd’hui les êtres les plus libres de cette planète. Face à un système hostile, ils ont appliqué un principe clair :
"Préparez contre eux toute la force que vous pouvez".

En brisant l’ordre établi, Gaza a renversé les paradigmes dominants des relations internationales et révélé les fondements racistes et discriminatoires dissimulés sous les discours de modernité, de droits humains, de démocratie, de science et de progrès.


Dans le sillage de cette rupture historique, du Pakistan à La Türkiye et dans bien d’autres pays, une recherche plus structurée d’un horizon politique commun émerge progressivement, donnant forme à l’esprit du temps.

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