Les cinq défis qui attendent le gouvernement intérimaire du Bangladesh

La rédaction
17:467/08/2024, Çarşamba
AFP
Des militants du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) se sont rassemblés près d'une affiche de la présidente du BNP, Khaleda Zia, lors d'un rassemblement à Dhaka le 7 août 2024.
Crédit Photo : AFP /
Des militants du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) se sont rassemblés près d'une affiche de la présidente du BNP, Khaleda Zia, lors d'un rassemblement à Dhaka le 7 août 2024.

Le futur gouvernement intérimaire du Bangladesh sera confronté à de grands défis, dont le rôle de l'armée et le redémarrage de l'économie, avertissent les analystes.

Muhammad Yunus, 84 ans, pionnier de la micro-finance et lauréat du prix Nobel de la paix, a été chargé de former ce gouvernement intérimaire après la dissolution du Parlement et la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina lundi, ainsi que la prise de contrôle du pouvoir par l'armée.

Voici cinq questions clé auxquelles la nouvelle administration devra s'attaquer:


Armée


Le gouvernement intérimaire devrait être dirigé par des civils, mais le futur rôle de l'armée n'est pas clair.
"Les dirigeants militaires joueront un rôle majeur dans la supervision de ce gouvernement intérimaire, même s'ils ne le dirigent pas officiellement"
, estime Michael Kugelman, directeur de l'Institut de l'Asie du Sud au Wilson Center, à Washington.

Alors que des foules euphoriques ont célébré le renversement de Sheikh Hasina, après des semaines de manifestations initiées par des étudiants protestant contre les quotas d'emploi dans la fonction publique, ce sont les militaires qui ont changé la donne. Leur décision de ne pas se joindre à la police et aux autres forces de sécurité pour réprimer les manifestations dans le sang, rompant leur loyauté autrefois inébranlable à l'égard de la Première ministre, a entraîné sa chute.


Désormais,
"beaucoup de Bangladais craignent que l'existence d'un gouvernement intérimaire à long terme n'offre à l'armée une plus grande latitude pour s'implanter"
, explique Michael Kugelman. Elle semble toutefois
"beaucoup moins encline aujourd'hui à vouloir jouer un rôle actif et central dans la politique qu'elle ne l'était il y a plusieurs décennies"
, ajoute-t-il.

Sécurité


Plus de 400 personnes ont été tuées au cours des semaines d'affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité. Depuis la fuite de Sheikh Hasina, la police a signalé des représailles contre ses alliés.


Les organisations de défense des droits humains et les diplomates au Bangladesh ont fait part de leur préoccupation concernant des attaques contre les minorités considérés par certains comme des partisans inébranlables du parti de l'ancienne Première ministre, la Ligue Awami.


"
La première tâche du gouvernement intérimaire devrait être d'assurer la protection du droit à la vie, à la liberté d'expression"
et
"de trouver le moyen de désamorcer tout risque de nouvelles violences"
, juge Smriti Singh, d'Amnesty International.

Le politologue Ali Riaz, de l'université d'Etat de l'Illinois (États-Unis), estime que si les forces de sécurité soutenaient un gouvernement à la
"neutralité avérée"
, la situation serait
"susceptible de se calmer"
. Les syndicats de police ont annoncé de leur côté que leurs membres s'étaient mis en grève mardi
"jusqu'à ce que (leur) sécurité"
soit assurée.

Économie


Le Bangladesh, naguère l'un des plus pauvres au monde, a enregistré une croissance annuelle moyenne de plus de 6% depuis 2009 et a dépassé l'Inde en termes de revenu par habitant en 2021. Cependant, les dividendes de la croissance économique ont été partagés de manière inégale.


Les troubles ont par ailleurs ébranlé l'industrie de l'habillement, les usines ayant été fermées au plus fort des violences.


Le fabricant de vêtements Hula Global, qui fournit de grands magasins américains, a indiqué qu'il avait déjà déplacé une partie de sa production.


Le pays devra donc s'atteler à rassurer, alors que les 3 500 ateliers de confection du Bangladesh représentent environ 85% des 55 milliards de dollars d'exportations annuelles du pays, le deuxième exportateur mondial de vêtements en valeur, après la Chine.

Élections


Sheikh Hasina avait remporté son cinquième mandat en janvier lors d'élections largement discréditées.
"Si le mouvement de protestation a bénéficié d'un soutien aussi large, c'est en partie parce que le pays n'a pas organisé d'élections concurrentielles depuis 15 ans"
, selon Thomas Kean, analyste à l'International Crisis Group.

"Le gouvernement intérimaire doit s'atteler à la longue tâche de reconstruire la démocratie au Bangladesh, qui a été gravement érodée ces dernières années"
, ajoute l'analyste, d'autant que l'opposition y est
"faible et divisée"
.

Justice


Depuis la chute de Sheikh Hasina, le chef de la police et un général de haut rang ont été limogés. Les personnes arrêtées lors des manifestations ainsi que certains prisonniers politiques ont commencé à être libérés.


De nombreux manifestants exigeront que Sheikh Hasina, actuellement en Inde, et ses alliés soient traduits en justice. Selon Thomas Kean, de Crisis Group, les nouvelles autorités
"devront mener une enquête crédible sur les événements tragiques de ces dernières semaines"
.

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