À la mi-juillet, alors que les manifestations faisaient rage au Bangladesh, Sheikh Hasina projetait encore une aura d'invincibilité, ayant gouverné le pays pendant plus de 15 ans, avec quatre mandats consécutifs en tant que Première ministre.
Tout cela a pris fin en quelques semaines, car ce qui avait commencé par des étudiants protestant contre un système de quotas dans les emplois publics s'est transformé en un vaste mouvement antigouvernemental qui a contraint Mme Hasina à démissionner et à quitter le pays à bord d'un hélicoptère militaire, lundi dernier.
Voyage en Chine
Le 8 juillet, Mme Hasina a entamé une visite bilatérale de quatre jours en Chine, après un voyage en Inde deux semaines auparavant. Ces voyages constituaient ses premiers engagements diplomatiques de haut niveau depuis sa réélection en janvier.
L'Inde et la Chine ont joué un rôle crucial dans l'équilibre diplomatique de Mme Hasina, New Delhi étant un allié politique et Pékin un partenaire économique majeur.
Ces commentaires ont suscité un flot de critiques, Ruhul Kabir Rizvi, co-secrétaire général du parti nationaliste du Bangladesh (BNP), suggérant que le voyage de Mme Hasina en Chine avait été essentiellement sanctionné par New Delhi, ce qui impliquait qu'elle était sous l'influence de l'Inde.
Bien que la Chine n'ait pas fait de déclaration dans ce sens, les résultats financiers du voyage de Hasina ont alimenté la rumeur.
Rhétorique 'Razakar' et violence
À son retour de Chine, Mme Hasina a donné sa conférence de presse habituelle, une pratique qu'elle a suivie après chaque voyage bilatéral.
Tout au long de son long mandat, Hasina était connue pour son interaction régulière avec les médias. Lors de ses conférences de presse, les journalistes lui témoignaient souvent un certain respect et posaient rarement des questions qui la poussaient à sortir de sa zone de confort.
Toutefois, lors de la conférence de presse du 14 juillet, Mme Hasina est apparue anormalement fatiguée et manquait de son assurance habituelle.
Ce qualificatif a suscité l'indignation générale, transformant une manifestation pacifique en un soulèvement violent.
Les étudiants protestataires ont organisé une marche massive pour exprimer leur colère face aux commentaires de Mme Hasina, en scandant un slogan provocateur:
Qui êtes-vous ? Je suis Razakar... Dit qui ? Un autocrate.
Plutôt que de répondre sérieusement aux griefs des étudiants, plusieurs hauts dirigeants de la Ligue Awami ont aggravé la situation en vilipendant encore davantage les manifestants.
Le 15 juillet, des militants de la BCL ont pris pour cible les manifestants et ont même bénéficié de la protection de la police. Le lendemain, les affrontements violents avaient fait au moins six morts dans tout le pays.
Manque d'empathie
Après l'effusion de sang, Hasina s'est adressée à la nation, mais son discours n'a montré aucune empathie envers les manifestants décédés et n'a pas reconnu son rôle dans l'escalade du mouvement initialement pacifique.
Pour les étudiants, il s'agissait d'une lutte pour la dignité plutôt que d'une simple réforme des quotas.
Au lieu de rendre visite aux familles endeuillées, Mme Hasina a donné la priorité à l'inspection des biens endommagés, ce qui n'a fait qu'attiser la colère des étudiants et du grand public.
Les médias sociaux ont rapidement été inondés de critiques sur le manque d'empathie perçu par Hasina, et une vague croissante de mécontentement a commencé à déferler sur la population.
Appel à la démission
Le 3 août, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant le monument Shaheed Minar, à Dhaka, la capitale, pour demander une seule chose: la démission d'Hasina.
La foule était diverse, comprenant des personnes qui avaient auparavant soutenu le gouvernement d'Hasina, et tous ont exprimé leur frustration face au refus d'Hasina de s'excuser pour la mort d'un si grand nombre d'étudiants.
Malgré l'indignation croissante, les responsables de la Ligue Awami ont semblé sous-estimer l'ampleur de la colère du public.
Le 4 août, le ministre d'État à l'information et à la radiodiffusion, Mohammad Ali Arafat, accusait encore l'opposition d'avoir mal guidé les étudiants et affirmait que le gouvernement ferait preuve de fermeté face à l'agitation.