Maroc : la jeunesse descend dans la rue pour des réformes sociales

17:1830/09/2025, mardi
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Des manifestants scandent des slogans lors d'une manifestation menée par des jeunes dans une zone commerciale de Rabat, le 29 septembre 2025, pour réclamer des réformes dans les secteurs de la santé publique et de l'éducation. Des dizaines de jeunes ont été arrêtés le 29 septembre au Maroc, lors du troisième jour de manifestations réclamant des réformes dans les domaines de l'éducation et de la santé publique, selon un groupe local de défense des droits humains et des journalistes de l'AFP.
Crédit Photo : Abdel Majid BZIOUAT / AFP
Des manifestants scandent des slogans lors d'une manifestation menée par des jeunes dans une zone commerciale de Rabat, le 29 septembre 2025, pour réclamer des réformes dans les secteurs de la santé publique et de l'éducation. Des dizaines de jeunes ont été arrêtés le 29 septembre au Maroc, lors du troisième jour de manifestations réclamant des réformes dans les domaines de l'éducation et de la santé publique, selon un groupe local de défense des droits humains et des journalistes de l'AFP.

​​​​​​​Ces derniers jours, plusieurs villes marocaines, dont Rabat, Casablanca, Agadir, Tanger, Tissa, Fès et Oujda, ont été le théâtre de manifestations organisées par des jeunes de la génération "Z" (nés entre 1996 et 2009), réclamant des réformes dans l’éducation et la santé, la création d’emplois et une lutte effective contre la corruption.

Ces rassemblements, interdits par les autorités, ont surpris observateurs et analystes par leur ampleur, leur forme et leurs revendications, soulevant des questions sur le contexte et la manière de répondre à cette mobilisation des jeunes.


Les participants demandent une meilleure attention à leur situation, la création d’emplois et un soutien social qui ne se limite pas aux projets liés à l’organisation de la Coupe du Monde 2030.


De l’écran à la rue


Dans les jours précédant les manifestations, des appels à manifester ont circulé sur les réseaux sociaux, notamment pour les 27 et 28 septembre. Après l’interdiction des premiers rassemblements et les réactions qui ont suivi, les jeunes ont décidé de manifester à nouveau le 29 septembre.


Malgré les renforts de sécurité, les jeunes sont descendus dans la rue pour revendiquer des réformes dans les secteurs de l’éducation et de la santé, ainsi que la lutte contre la corruption. Plusieurs ont été arrêtés, puis relâchés après minuit, après la rédaction de procès-verbaux dans les commissariats, selon des droits de l’homme.

Selon le correspondant d’Anadolu et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, de nombreux jeunes ont été arrêtés alors qu’ils prévoyaient des rassemblements dans plusieurs villes, notamment Rabat, Casablanca, Agadir, Tanger, Tissa et Oujda. Les autorités ont notamment empêché un rassemblement prévu à la place Bab El Had à Rabat et ont dispersé d’autres rassemblements à Casablanca et Agadir.


Intervention des forces de l’ordre


Dans sa première déclaration officielle, relayée par l’Agence de presse marocaine, un responsable de la sécurité anonyme a indiqué que l’intervention des forces publiques pour empêcher des rassemblements appelés par des entités inconnues s’inscrivait
"dans une approche équilibrée visant à préserver l’ordre public et garantir la sécurité des forces et des manifestants"
.

Il a précisé que,
"conformément à une décision des autorités locales interdisant les rassemblements dans plusieurs villes marocaines sur la base d’appels inconnus diffusés sur les réseaux sociaux, les forces publiques ont appliqué les protocoles de sécurité habituels samedi et dimanche derniers"
.

Le responsable a insisté sur le fait que les personnes arrêtées ont été soumises aux procédures judiciaires conformément aux formalités et garanties légales. Aucun blessé ou violence n’a été enregistré à l’encontre des manifestants ou des forces de l’ordre, et aucun dommage matériel n’a été signalé, selon l’agence.

Les autorités ont affirmé qu’elles ne permettraient pas de menacer la sécurité publique ou de perturber l’ordre public à travers des appels anonymes sur les réseaux sociaux, sans recours au cadre légal des rassemblements.


Réalisations du gouvernement en chiffres


Le Premier ministre Aziz Akhannouch a rappelé, dans une interview diffusée le 10 septembre sur la télévision publique, l’importance du programme de soutien social direct, précisant que 97 % des demandes des familles souhaitant en bénéficier ont été traitées.


Aujourd’hui, 4 millions de familles bénéficient du soutien financier, soit 12 millions de citoyens, dont un million de plus de 60 ans et 5,5 millions d’enfants. Le nombre de bénéficiaires d’aides aux veuves a également progressé de 75 000 à près de 300 000, qu’elles aient des enfants ou non.

Dans le secteur de la santé, Akhannouch a annoncé l’augmentation du nombre de places dans les facultés de médecine, en insistant sur la nécessité de disposer de ressources humaines suffisantes et de garantir des conditions de travail adaptées pour éviter que le personnel médical ne quitte le secteur public ou n’émigre.


Le Premier ministre a souligné que son gouvernement avait réalisé de nombreuses avancées sociales et économiques malgré les défis climatiques difficiles ayant affecté le secteur agricole, pilier de l’économie nationale.


"La santé d’abord, pas la Coupe du Monde"


Lors des manifestations, les participants ont scandé des slogans exigeant des réformes dans les secteurs de la santé et de l’éducation, et refusant que les projets liés à la Coupe du Monde 2030, organisée par le Maroc avec l’Espagne et le Portugal, soient prioritaires.


Les slogans comprenaient :
"Le peuple veut faire tomber la corruption",
"Liberté, dignité, justice sociale"
, et
"Pas de Coupe du Monde, la santé d’abord"
.

En décembre 2024, la FIFA avait attribué à la candidature Maroc-Espagne-Portugal l’organisation de la Coupe du Monde 2030, qui sera accueillie par six villes marocaines : Rabat, Casablanca, Tanger, Fès, Marrakech et Agadir.

Un participant a déclaré que les revendications des jeunes étaient principalement sociales : réforme de l’éducation et de la santé, création d’emplois et vie digne, visant également à réduire l’émigration illégale.


Le gouvernement, par la voix de son porte-parole Mustapha Baitas en janvier dernier, a indiqué avoir pris plusieurs mesures pour lutter contre la corruption, notamment via la stratégie nationale 2016-2025, qui aurait atteint 76 % de ses objectifs.


Le Premier ministre a souligné que la confrontation et la stigmatisation n’aidaient pas à la lutte contre la corruption. Selon des statistiques officielles, la corruption absorberait 5 à 7 % du PIB du pays, soit environ 140 milliards de dollars.

Akhannouch a également rappelé que l’une des priorités actuelles était de revitaliser le marché du travail et de dynamiser l’économie, donnant espoir à de larges segments de la population inactive. Ces efforts ont permis la création d’environ 600 000 emplois en peu de temps.


Intervention des organisations et partis


Après le premier jour de manifestations, plusieurs associations de défense des droits humains et partis politiques sont intervenus. Les organisations non gouvernementales, telles que l’Association marocaine des droits humains, la Ligue marocaine pour la citoyenneté et les droits de l’homme et la Ligue marocaine pour la défense des droits humains, ont condamné l’usage de la force contre des manifestations pacifiques.


Elles ont tenu le gouvernement pour responsable de la détérioration des conditions sociales et des violations des droits constitutionnels, exprimant leur
"choc et colère"
face au recours à une approche sécuritaire et à l’usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques. Elles ont demandé la libération immédiate de tous les détenus et l’ouverture d’une enquête complète sur les violations constatées.

Ces organisations ont rappelé que ces manifestations, organisées par des jeunes via les réseaux sociaux, étaient pacifiques et portaient des revendications sociales et économiques, principalement liées aux droits à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à la vie digne, à la lutte contre la corruption et l’inflation.

Le parti d’opposition Justice et Développement a également critiqué le gouvernement pour son incapacité à gérer ces protestations pacifiques et l’a tenu pour responsable de la dégradation de la situation sociale. Le parti a appelé à une réponse proactive, sérieuse et responsable face à ces mobilisations sociales.


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