ColaNext, la boisson pakistanaise emblématique du boycott de Coca Cola en soutien à Gaza au Pakistan.
Fast-food attaqué, listes noires de produits retirés des étals: au Pakistan, le boycott pour soutenir les Palestiniens de la bande de Gaza, bombardée par Israël, donne un coup de pouce inespéré aux rares marques locales, à la peine dans un pays où les enseignes étrangères dominent le marché.
"Parce que ColaNext est pakistanais"
: le slogan qui s'étale sur les immenses panneaux rouges de ce producteur de boissons gazeuses est clair. Et il semble payer.
Les effets du boycott sur le marché pakistanais
En lutte depuis 2016 pour se faire une place entre Coca-Cola et Pepsi - et leurs onéreuses publicités mettant en scène des stars du cricket ou du cinéma -, la petite usine de Lahore, grande ville de l'Est, frontalière de l'Inde, doit aujourd'hui augmenter sa cadence.
Depuis quelques mois, dans le sillage de la campagne mondiale "Boycott, Désinvestissement et Sanctions" (BDS) qui appelle depuis 20 ans à frapper Israël et ses soutiens au portefeuille pour mettre fin à l'occupation et à la colonisation des Territoires palestiniens, les consommateurs pakistanais ont changé leurs habitudes.
Le PDG de ColaNext, Mian Zulfiqar Ahmed, l'assure avec emphase:
"de Karachi, à la pointe sud côtière du pays, jusqu'au nord, tout le pays nous a adoptés".
À travers le pays, le cinquième plus peuplé du monde avec plus de 240 millions d'habitants, en grande majorité musulmans, des restaurants ne servent désormais plus que ses boissons à bulles.
Mais le phénomène pèse peu dans la balance commerciale largement déficitaire du Pakistan - qui achète son quatrième contingent d'importations outre-Atlantique.
Engagement patriotique et choix de consommation
Les produits américains, que leurs liens avec Israël soient établis ou pas, sont bien les principales cibles du boycott au Pakistan: fin mars, des manifestants ont incendié un restaurant KFC au Cachemire, et la filiale pakistanaise de McDonald's a dû se fendre d'un tweet affirmant son
"soutien au peuple de Palestine".
En ligne et parfois sur des affiches en ville, des logos barrés de groupes souvent établis aux États-Unis montrent l'engagement des boycotteurs, Israël étant un allié indéfectible et premier pourvoyeur d'aide militaire à Israël, que le Pakistan ne reconnaît pas.
Maria Iqbal a lancé en novembre sur Facebook "Pakistan Goes Local" qui propose des marques pakistanaises de cosmétiques ou d'agro-alimentaire pour éviter d'acheter à des groupes accusés d'être pro-israéliens.
Sa page Facebook compte aujourd'hui 42 000 membres, un succès qui, dit-elle à l'AFP, la surprend elle-même.
Déjà, en 2008 ou en 2020, après la publication de caricatures du prophète Mahomet au Danemark ou en France, les appels internationaux au boycott avaient mobilisé au Pakistan.
Aujourd'hui, veut croire Mme Iqbal,
"on ne reviendra plus en arrière: le patriotisme des gens s'est réveillé".
"Ils font plus attention maintenant et ils veulent savoir à qui ils donnent leur argent"
, affirme cette Pakistanaise qui travaille dans une association d'aide aux démunis.
Un employé d'un supermarché raconte, sous couvert d'anonymat, les reproches grandissants des clients depuis les bombardements israéliens qui ont fait plus de 37 000 morts à Gaza.
"Des clients nous ont dit: 'pourquoi vendez-vous encore Nestlé ou L'Oréal ?'"
, parmi les plus grands groupes visés par la campagne BDS,
"donc nous avons créé des rayons différents pour les produits d'importation en précisant leur origine",
affirme-t-il.
"Des clients me demandent souvent les alternatives (locales) à certains produits comme les couches ou les colorations pour cheveux"
, assure-t-il encore.
Zaka ur Rehman a fait ce choix. Dans le quartier commerçant de Lahore, ce Pakistanais de 38 ans ne veut
"que des produits fabriqués au Pakistan".
"Je n'achète pas un seul produit qui vient de ceux qui soutiennent Israël ou attaquent Gaza"
, martèle-t-il.
Maqsoud Achiq, lui, assure ne vendre
"aucun produit venu des 151 pays qui soutiennent Israël"
, sans détailler lesquels mais en étalant ses cartons venus de Turquie ou de Malaisie, deux pays majoritairement musulmans, et parfois d'usines pakistanaises.
Même les stars de cinéma s'y sont mises. L'actrice Ushna Shah, par exemple, appelle régulièrement ses près de trois millions de followers sur Instagram et Twitter à
"boycotter les entreprises qui financent le génocide".
D'autres acteurs ou chanteurs, eux, appellent à soutenir les enseignes de burgers et autres donuts locales.
Mais
"certains produits sont très difficiles à boycotter"
dans un pays
"qui dépend largement des importations en matières premières (...) mais aussi en produits finis",
note l'économiste Fahd Ali.
Dans son amphithéâtre de l'Université de Lahore, d'ailleurs, dit-il, souvent, des étudiants viennent lui demander son avis sur le boycott.
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