Inondations au Brésil: Un lourd prix à payer pour le secteur agricole

11:4410/05/2024, пятница
AFP
Vue aérienne des inondations à Eldorado do Sul, État de Rio Grande do Sul, Brésil, prise le 9 mai 2024.
Crédit Photo : Nelson ALMEIDA / AFP
Vue aérienne des inondations à Eldorado do Sul, État de Rio Grande do Sul, Brésil, prise le 9 mai 2024.

Au Brésil, les pluies torrentielles qui ont frappé le sud du pays vont coûter cher au secteur agricole, moteur de l'économie locale et nationale, déjà éprouvé par des événements climatiques extrêmes.

Géant agricole, le Brésil a notamment assis sa puissance sur le soja, dont il est le premier producteur et exportateur mondial. Or, l'État du Rio Grande do Sul, frappé depuis la semaine dernière par ces inondations historiques, est l'une des grandes régions brésiliennes productrices de cet oléagineux essentiel à l'élevage.


Le Rio Grande do Sul tablait cette année sur une récolte record supérieure à 22 millions de tonnes de soja, mais les intempéries pourraient affecter jusqu'à cinq millions de tonnes de graines, a déclaré à l'AFP Luiz Fernando Gutierrez, analyste au cabinet Safras e Mercado.

Avant les pluies,
"un quart des champs de soja restaient à récolter", "une partie des cultures va pourrir et être perdue, l'autre aura des rendements plus faibles que prévu",
prévient-il.
"Des zones de stockage ont aussi probablement été affectées".

Si le Brésil peut espérer maintenir cette saison son rang mondial pour le soja, les inondations devraient réduire ses résultats. Une performance déjà prévue à la baisse par rapport à 2023 en raison de précédentes fortes pluies dans le Sud, mais aussi d'une sécheresse dans le Centre-Ouest au tournant de l'année.


Incontournable dans l'assiette des Brésiliens, le riz inquiète aussi. Le Rio Grande do Sul en est de loin la première région productrice du pays, avec 6,9 millions de tonnes produites l'an dernier. Environ 15% des cultures restaient à récolter avant la catastrophe, selon l'Institut régional d'assistance technique et de vulgarisation rurale (Emater).

Pour parer à tout manque mais aussi lutter contre la spéculation sur les prix, Brasilia a d'ores et déjà annoncé l'importation de riz étranger.


Aucun moyen d'accéder aux cultures


Depuis sa maison perchée sur une colline de Nova Santa Rita, dans la région de la métropole Porto Alegre, Nilvo Bosa, président d'une coopérative de petits paysans, observe, impuissant, l'étendue des dégâts.


"Nous n'avons aucun moyen d'accéder à nos champs, qui sont sous quatre ou cinq mètres d'eau"
, se désole-t-il.
"En l'espace d'un an, nous avons subi une sécheresse et trois inondations, dont celle-ci, qui a atteint un niveau jamais vu".

Le Rio Grande do Sul subit aussi des perturbations dans ses usines de transformation de viande. Sur les dix sites touchés, la plupart ont repris en partie ou totalement leurs activités mais deux restent paralysés, a annoncé l'Association brésilienne de protéine animale.

La région est responsable de 11% de la production brésilienne de viande de poulet et de près de 20% de celle de viande porcine, des denrées dont le Brésil est le premier et quatrième exportateur mondial.


"Pour rétablir le secteur (agricole), nous avons besoin d'un fonds de garantie soutenu par le gouvernement"
, presse Gedeao Pereira, président de la Fédération agricole régionale.

Selon les experts, ces pluies torrentielles, tout comme les autres événements climatiques extrêmes qui se sont enchaînés ces derniers mois au Brésil, sont liées au réchauffement climatique, à quoi s'ajoute depuis l'an dernier l'impact du phénomène météorologique naturel El Niño.


Pour l'ingénieur agricole Eduardo Assad, le Brésil va
"commencer à assister à de fortes pertes de récoltes"
et sa production pourrait être
"menacée"
si le secteur ne prend pas les mesures nécessaires, passant par une meilleure protection du sol et de la biodiversité.

Selon le rapport publié l'an dernier par MapBiomas, consortium d'ONG et d'universités brésiliennes, les activités agricoles étaient le principal vecteur de la déforestation au Brésil en 2022, à hauteur de 95,7%.

Le gouvernement du président Luiz Inacio Lula da Silva peut se targuer d'avoir fait drastiquement baisser l'an dernier la déforestation en Amazonie, plus grande forêt tropicale de la planète qui joue un rôle vital contre le changement climatique via l'absorption des émissions de carbone.


Au-delà, il s'agit de rendre le modèle agricole brésilien plus durable et de développer des techniques d'adaptation au réchauffement.

"Nous avons beaucoup investi dans les systèmes d'intégration culture-élevage-forêt, la récupération des pâturages dégradés, l'utilisation de bio-intrants, la culture sans labour",
explique Paula Packer, une responsable de l'agence publique de recherche agronomique (Embrapa).

"Mais le secteur est très conservateur et il reste encore beaucoup à faire".

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