Il n’y a pas si longtemps, il y a à peine deux mois, les médias américains rapportaient que le président Donald Trump avait demandé qu’on prépare des coupes dans le “budget de la Défense” dans le cadre d’un plan d’économies sur les dépenses fédérales. Les réductions prévues dans le budget militaire faisaient partie du programme d’austérité budgétaire plus large de Trump. On rapportait également que le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, avait reçu pour instruction de réduire de “8 %” le budget militaire de l’année 2026.
Pour identifier les économies possibles dans les dépenses fédérales, Trump avait nommé à la tête du ministère consultatif nouvellement créé, le “Ministère de l’Efficacité Gouvernementale” (DOGE), nul autre qu’Elon Musk, l’homme le plus riche du monde. Dans une tribune commune publiée le 20 novembre 2024 dans le Wall Street Journal, Musk et le co-président du DOGE, Vivek Ramaswamy, promettaient des coupes à hauteur de 2 000 milliards de dollars dans les dépenses fédérales. Critiquant le manque de contrôle sur les dépenses du Pentagone, ils annonçaient que ces réductions incluraient aussi le budget militaire.
Fait surprenant, le soutien le plus marqué à Musk est venu du sénateur socialiste-démocrate Bernie Sanders. Ro Khanna, député démocrate issu de l’aile progressiste du Congrès, déclarait sur son compte X que plusieurs élus démocrates membres du Comité des services armés étaient prêts à collaborer avec Musk. Ce dernier lui avait d’ailleurs répondu par un enthousiaste : “Génial !”
Mais le temps passe vite. Et voilà que, lors de la première semaine de ce mois, après une rencontre à la Maison-Blanche avec “le boucher de Gaza”, Netanyahu, Trump a annoncé que le budget militaire pour l’année 2026 s’élèverait à “1 000 milliards de dollars”. Ce chiffre est supérieur de 100 milliards à celui du budget 2025, soit une augmentation de 12 % par rapport à l’année précédente.
Chaque année, des débats sont relancés aux États-Unis sur la nécessité de réduire le budget militaire. Mais à la fin, ces débats s’évaporent dans un compromis bipartisan, les chiffres grimpent, et le budget militaire est voté sans difficulté. Comme toujours, le “complexe militaro-industriel américain”, nourri par les “guerres sans fin”, obtient les financements qu’il souhaite.
Avec son puissant lobbying, ses pseudo-centres de réflexion, ses relais médiatiques et ses connexions au Congrès, ce complexe représente en réalité le “parti le plus influent” des États-Unis. Déjà en 1961, dans son discours d’adieu, le président Dwight D. Eisenhower avait mis en garde le peuple américain contre l’influence politique croissante du complexe militaro-industriel, s’étendant jusque dans les institutions locales et fédérales. Mais cet avertissement, resté célèbre, n’a eu d’autre effet que d’être inscrit dans les livres d’histoire.
Ce budget militaire de 1 000 milliards de dollars sera le plus important jamais adopté depuis la Seconde Guerre mondiale. Certains analystes de la défense soulignent même que si l’on ajoute les dépenses militaires dissimulées dans d'autres ministères, la somme réelle atteindrait 2 000 milliards de dollars. Une telle explosion budgétaire entre clairement en contradiction avec la promesse de Trump de “mettre fin aux guerres sans fin”.
Ce qui frappe également, c’est le silence d’Elon Musk à propos de ce budget militaire faramineux, alors qu’il s’était fermement opposé aux droits de douane imposés par Trump. Sa promesse de réduire les dépenses fédérales de 2 000 milliards de dollars a d’abord été révisée à 1 000 milliards, puis à 150 milliards — autant dire qu’elle est tombée à l’eau.
Autre question brûlante : d’où viendra l’argent pour financer cette hausse du budget militaire ? Certains Républicains au Congrès ont déjà annoncé qu’ils s’opposeraient à toute coupe dans les programmes sociaux destinés aux familles modestes.
Un autre élément digne d’attention : au moment même où Trump annonçait ce budget militaire d’un trillion de dollars, le Pentagone signait un contrat d’environ 6 milliards de dollars avec “SpaceX”, l’entreprise d’Elon Musk. Et selon un article de “Reuters” publié il y a deux jours, “SpaceX” et deux de ses partenaires figureraient parmi les favoris pour développer le bouclier antimissile surnommé “Dôme d’or” (“Golden Dome”) voulu par Trump.
Les deux autres partenaires seraient : “Palantir”, entreprise spécialisée dans les logiciels de systèmes satellitaires et de roquettes, et “Anduril”, producteur de drones. Le patron de Palantir, Peter Thiel, est connu pour ses liens étroits avec le vice-président des États-Unis, J. D. Vance. Palantir travaille aussi avec le ministère israélien de la Défense. Israël, pour les clients du complexe militaro-industriel américain, sert littéralement de “salon de tir à munitions réelles”.
On comprend donc que les débats autour du budget de la Défense aux États-Unis ne tournent pas tant autour de la question des économies à réaliser, mais plutôt autour des secteurs et des entreprises qui vont capter ces milliards. Le véritable enjeu semble être la lutte d’influence entre les techno-libertaires qui investissent le secteur militaire, et le complexe militaro-industriel traditionnel dont ils cherchent à intégrer les rangs.
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