Journaux de la flotille 28 : Sur les ailes d’un papillon — trois jours vers Gaza !

09:4629/09/2025, Pazartesi
Ersin Çelik

Il y a quelques mois, la ville d’Ismaïliya en Égypte, que j’avais atteinte au prix de bien des péripéties, se trouvait à 206 kilomètres de Gaza. Cette marche n’avait pas pu être menée à son terme, mais elle avait au moins marqué le début d’une tentative d’accès depuis la mer. Depuis un mois maintenant, je me trouve à bord de la Flotte mondiale Sumud, qui a pris la mer pour atteindre Gaza depuis la Méditerranée. Après des entraînements terrestres en Italie, nous naviguons en mer depuis le 13 septembre.

Il y a quelques mois, la ville d’Ismaïliya en Égypte, que j’avais atteinte au prix de bien des péripéties, se trouvait à 206 kilomètres de Gaza. Cette marche n’avait pas pu être menée à son terme, mais elle avait au moins marqué le début d’une tentative d’accès depuis la mer.


Depuis un mois maintenant, je me trouve à bord de la Flotte mondiale Sumud, qui a pris la mer pour atteindre Gaza depuis la Méditerranée. Après des entraînements terrestres en Italie, nous naviguons en mer depuis le 13 septembre. Les activistes venus de Barcelone vivent sur des embarcations depuis plus d’un mois. Comme je l’ai déjà écrit dans les précédents
"Journaux de la flotille",
tracer cette route est une chose — la tenir en est une autre, et toute la difficulté réside là. Mais l’existence même d’un itinéraire menant à Gaza confère à cette mission civile une détermination capable de surmonter les pires épreuves.


Aujourd’hui, il ne nous reste que quelques jours pour atteindre notre objectif. Avant-hier soir, nous avons quitté la baie de Crète où nous avions mouillé depuis trois jours. Je l’ai souvent répété : attendre était la chose la plus usante ! Et nous le savions tous : Gaza, sous le joug d’un blocus inhumain, est elle-même lasse d’attendre le reste du monde.


Direction GAZA


La flotte continue sa route avec 42 bateaux opérationnels, près de 600 activistes et membres d’équipage ; cela fait environ 24 heures que nous sommes en mer sans interruption. Après ce point, la seule terre à laquelle nous pourrons accoster sera Gaza. La nuit dernière, le vent a soufflé fort et les vagues ont secoué nos embarcations. Mais au lever du jour, la mer s’est calmée. Naviguer sans arrêt nous a fait du bien. Même si le temps risque de se gâter à nouveau dans les prochaines heures, nous nous sommes habitués.


Dans trois jours, nous serons à Gaza


J’ai enfin la réponse à la question que l’on me posait sans cesse : quand serons-nous au large de Gaza ? D’après les dernières informations de nos capitaines, au moment où vous lirez ces lignes — en matinée — nous serons à 350 milles marins des côtes de Gaza. Si les conditions météorologiques restent favorables et qu’aucun obstacle inattendu ne se présente,
il nous restera environ trois jours de mer.
Nous pouvons dès lors commencer à compter les heures. Les paroles du capitaine Hüsamettin nous ont réconfortés :
"Pendant les prochaines heures, notre cap est strictement la Bande de Gaza."

L’excitation nous gagne. Nos conversations et nos échanges ne portent plus que sur Gaza. Ce matin, sur le bateau de notre journaliste Yaşar Yavuz, un papillon jaune s’est posé sur sa poitrine droite. On se demande bien ce qu’un papillon vient faire en pleine mer, et pourtant il était là, sur son cœur. Yaşar a filmé la scène en disant :
"Je sais que ta vie sera courte, mais tu viens avec nous à Gaza."
Un ami a déjà comparé ce petit être à
"un papillon qui va étouffer le feu de Gaza"
— une image poétique qui dit l’innocence et la détermination.

Avec le temps, j’ai compris que ceci n’est pas seulement un voyage en mer : c’est un effort pour maintenir la dignité humaine face au siège le plus impitoyable de notre époque. Chaque visage à bord est la preuve vivante de cet engagement. Sur le pont, un médecin, tasse de café à la main, regarde l’horizon : il est venu pour prêter sa voix à ses collègues frappés dans les hôpitaux. Dans la salle des machines, un jeune ingénieur suant sous le bruit des moteurs tient bon. Une mère italienne, qui puise du courage en regardant la photo de ses enfants dans sa cabine, lutte pour dire aux mères de Gaza qu’elles ne sont pas seules.


La résistance passive


Nous discutons aussi de ce qui nous attend dans trois jours. Nous révisons les tactiques de résistance passive apprises en Italie, au cas où une obstruction illégale nous attendrait. Personne n’a de fronde en main : notre
"arme"
est la caméra qui diffusera en direct au monde entier, et notre autre arme est l’humanité à laquelle nous ne renoncerons jamais.

La peur existe, bien sûr — la peur de ne pas parvenir à atteindre Gaza et de laisser notre promesse inachevée. Mais l’héritage du Mavi Marmara pèse sur nos épaules. Ce jour-là, ceux qui étaient à bord n’ont pas seulement essayé de briser un blocus ; ils ont tenté de percer la muraille de la peur du monde. La lumière percée par leur acte éclaire aujourd’hui notre route. Ce voyage est aussi un hommage, une dette de respect envers ces héros.



Et puis il y a ce papillon jaune…


Le frêle être posé sur la poitrine de Yaşar est la meilleure synthèse de cette mission. Il rappelle que la force n’est pas forcément matérielle : même ce qui paraît le plus fragile peut apporter de l’eau au feu le plus immense. Nous, près de 600 personnes, avançons avec l’obstination de ces battements d’ailes. Comme ce papillon, nous voulons montrer que l’espoir peut exister dans l’obscurité la plus totale et que l’impossible peut être tenté.


Trois jours… Que représentent trois jours pour Gaza ? Peut-être des centaines de bombardements, des milliers d’heures de faim, d’autres pertes humaines. Pour nous, trois jours sont l’aboutissement d’un mois d’attente, d’une longue nostalgie et d’une colère accumulée au nom de l’humanité. Nous allons frapper, de notre chair, de nos os et de nos âmes, le mur illégitime que l’on a bâti avec le fer et le feu. Que nos bateaux coulent, que notre route soit interrompue : même si la flotte n’atteint pas son but, elle aura atteint sa finalité. Elle crie encore une fois à la conscience sourde du monde :
Gaza est là, et l’humanité aussi, au milieu de la mer !
Dans trois jours, ce ne seront pas que des bateaux qui viendront à Gaza ; ce sera l’humanité elle-même, qui heurtera la rive de sa conscience oubliée. Sur cette rive, ensemble, nous tenterons un nouveau départ.


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