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La contre-offensive ukrainienne de l'automne, préparée jusqu'à Washington, s'est soldée par un échec avec de lourdes pertes et des gains territoriaux faméliques.
Un an après son ennemi, l'Ukraine a commencé à son tour à bâtir des fortifications le long de la ligne de front, signe qu'elle se prépare pour une guerre longue, alors qu'elle a pour l'heure perdu l'initiative opérationnelle.
Lundi (11 mars), le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué
"deux mille kilomètres de travaux pour renforcer les fortifications existantes et en créer de nouvelles".
Une information que le ministère de la Défense britannique avait évoquée la veille, faisant état de
, fossés anti-char, tranchées d'infanterie, champs de mines et positions défensives fortifiées.
Le ministère estimé sur X:
L'établissement de positions défensives majeures est indicatif d'un conflit d'attrition et signifie que toute tentative pour les percer sera probablement accompagnée de fortes pertes.
La ligne en question répondra à la
russe établie en 2023 dans l'est de l'Ukraine, qui comprend trois couches de défense dans la profondeur, destinées à la fois à épuiser les forces ennemies et à rendre plus difficile la prise de contrôle d'une zone après une percée militaire.
La réponse ukrainienne sera probablement moins élaborée, moins profonde, mais répond dans l'urgence à sa pénurie de munitions.
"Les responsables ukrainiens disent déjà que le temps est le facteur clef qui les empêche de construire quelque chose qui ressemble à la ligne Sourovikine"
, explique Ivan Klyszcz, du Centre international pour la défense et la sécurité (ICDS), en Estonie.
Mais ce dispositif est
"nécessaire car la rareté des munitions et la baisse du moral (des troupes) ont clairement placé l'Ukraine sur la défensive".
"Maximiser" les pertes ennemies
La contre-offensive ukrainienne de l'automne, préparée jusqu'à Washington, s'est soldée par un échec avec de lourdes pertes et des gains territoriaux faméliques. Cette guerre, plus encore peut-être que beaucoup d'autres, a donné raison à la défense sur l'attaque.
Et l'objectif des deux camps est d'infliger le maximum de pertes à l'adversaire sur la durée.
Zelensky veut
"maximiser le nombre de morts et de blessés côté russe"
, résume pour l'AFP Seth Jones, vice-président du think tank américain CSIS, rappelant que
"ce type de fortifications a été efficaces"
par le passé.
En Russie, les observateurs contactés par l'AFP minimisent les conséquences de l'annonce ukrainienne.
Ces lignes
"prouvent que l'Ukraine a réalisé que son offensive avait échoué. Leur éventuel succès dépend de leur qualité"
et notamment de la part du budget détourné par la corruption, endémique en Ukraine, estime ainsi l'expert indépendant Alexandre Khramtchikhine.
En référence à la ville forteresse, sur le front Est, tombée mi-février aux mains des Russes, Vassili Kachine, de l'École supérieure d'économie à Moscou, ajoute:
Est-ce qu'ils ont assez d'effectifs pour les construire et ensuite pour les défendre ? L'armée russe a déjà percé des fortifications ukrainiennes plus solides à Avdiivka.
Dans tous les cas, Kiev n'aurait changé ni de paradigme militaire ni d'objectif politique: libérer les provinces du Donbass (Est) ainsi que la Crimée, prise par la Russie en 2014. Mais elle doit tenir compte des réalités du conflit.
"Les Ukrainiens se sont appuyés sur des fortifications depuis l'été 2022"
, soulignent des analystes de l'institut privé de renseignement britannique Janes.
La vraie différence aujourd'hui, c'est qu'ils ne vont plus se concentrer seulement sur la proximité immédiate de la ligne de front.
Mais aussi solidifier leurs positions de l'arrière pour réduire
"la probabilité que l'adversaire n'exploite des succès tactiques".
À Kiev, on cultive l'espoir de voir les sanctions contre la Russie épuiser ses capacités à poursuivre longtemps l'effort de guerre. À Moscou, on rêve de réduire encore l'aide financière et militaire occidentale à Kiev. L'enjeu: tenir.
changerait et l'Ukraine
viserait
"à prolonger le conflit jusqu’au moins 2025",
selon Vassili Kachine.
Même si le front semble figé, la guerre
"se trouve moins dans une impasse que dans une phase de 'recharge', les deux belligérants tentant de se doter des moyens d'emporter la décision à l'horizon 2025-2026"
, assure pour sa part l'Institut français des relations internationales (Ifri) dans un rapport diffusé cette semaine.
Seth Jones juge
mais pas établi, que ces fortifications deviennent des
Mais
"cela ne signifie pas forcément que c'est le début des négociations",
tempère-t-il.
"Il faudra encore une année ou deux avant que les deux parties ne soient disposées à discuter".