En poussant la France à mettre fin à son opération Barkhane et en l'invitant à embarquer ses soldats du sol malien, le pouvoir militaire dressait le prélude à un retrait du G5 Sahel, dont le Mali est, au moins économiquement, l'élément le plus fort, ou plutôt le moins fragile.
C'est que ce groupe réunissant la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et le Mali, a eu beau afficher des résolutions de mener des actions communes institutionnalisées, en matière de développement et, surtout, de lutte en bloc contre le terrorisme au Sahel, il était perçu, dès sa création (février 2014), comme la "succursale" politique locale de la France, de ses bataillons sur place et de ses intérêts dans la région.
Un mort-né ?
La France ne s'en est jamais cachée et c'était de bonne guerre. Pour servir ses intérêts, c'est par son influence et sous son contrôle, en effet, qu'elle a amené l'Union européenne à être le principal pourvoyeur de fonds, dans cet espace, très riche en ressources naturelles.
À charge pour Paris de lui apporter la coopération et le soutien sécuritaires, à travers formations, armement et équipements, ainsi que de monter des opérations militaires anti-terroristes qui allaient s'élargir et dont la dernière en date était Barkhane.
Aussi ceux qui assuraient que le G5 Sahel est né, à l'instigation de Paris et sous sa pression, n'étaient-ils pas tellement dans le faux. Lui avoir prédit inefficience, turbulences et même disparition à échéance, n'était pas si insensé que cela. Les arguments ne manquaient effectivement pas pour cette approche.
À commencer par le financement des programmes, autant de développement socio-économique que sécuritaire, qui dépendait et dépend toujours essentiellement de l'UE et qui s'est constamment fait "chronique", particulièrement par les aléas et les engagements imprévus de l'Europe, dont la gestion de la crise des vagues de réfugiés syriens, la pandémie du coronavirus, la constante immigration irrégulière et, plus récemment, le conflit russo-ukrainien.
Or, c'est en gros de ces aides et de ces subventions que dépend la réalisation des projets de développement commun et, par voie de conséquence, le Programme du travail annuel budgété (PTAB), établi par le Comité national de coordination des pays du G5 Sahel.
Mais il n'y a pas que la dépendance financière qui handicapait le G5 Sahel, depuis sa naissance. Les priorités et les volontés politiques des décideurs des cinq pays étaient, en effet, disparates. À titre d'exemple, il n'y a pratiquement pas eu de coopération entre Bamako N'Djamena (Tchad) ou Ouagadougou (Burkina Faso).
Et quand on sait que, souvent, dans cette région, comme ailleurs en Afrique, les orientations fondamentales changent avec le changement des dirigeants, cela tourne au chamboulement, quand il s'agit de renversements militaires. Or, le G5 Sahel en a connu, ces dernières années, deux au Mali, un au Burkina et un autre au Tchad.
Aveux et constat d'échec
Quoi qu'il en soit, le G5 Sahel, réduit à quatre, n'en a pas moins gardé sa dénomination première, espérant un rapide retour de Bamako. C'est, en tout cas, ce qu'ont souhaité les présidents Mahamet Idriss Déby Itno et Mohamed Ould El-Ghazouani, lors du dernier Sommet "stérile" des chefs d'Etat de N'Djamena, le 20 février dernier, au cours duquel le Tchad a passé le flambeau de la présidence à la Mauritanie et où la junte militaire de Ouagadougou s'est fait représenter par un simple ministre.
Cela ne semble pas être pour demain. Bamako a tourné le dos à la France et choisi un nouveau bloc. Le désormais G4 Sahel, plus moribond que jamais, suivra-t-il l'exemple ?
L'auteur de ce texte d'opinion est Slah Grichi, journaliste et ancien rédacteur en chef du journal La Presse de Tunisie.