L’Institut Lissen, nouvelle victime de l’islamophobie d’État en France

David Bizet
14:5413/05/2025, mardi
Yeni Şafak
Lettres de l'alphabet sur le site de l'Institut Lissen, struture de soutien scolaire et d'enseignement de la langue arabe à Colombes, en banlieue parisienne, fermé par les autorités françaises.
Crédit Photo : Institut Lissen / Archive
Lettres de l'alphabet sur le site de l'Institut Lissen, struture de soutien scolaire et d'enseignement de la langue arabe à Colombes, en banlieue parisienne, fermé par les autorités françaises.

La fermeture de l’Institut Lissen à Colombes, officiellement justifiée par des manquements à la sécurité incendie, s’inscrit selon ses responsables dans un climat islamophobe croissant en France. L’établissement conteste vigoureusement les accusations d’"islamisme" diffusées par le préfet sans preuve ni audition contradictoire. Ce cas s’ajoute à une série de décisions visant des structures éducatives musulmanes comme les lycées Al-Kindi à Lyon et Averroès à Lille, qui ont vu leur financement public supprimé. L’Institut Lissen dénonce une stratégie étatique visant à étouffer les institutions musulmanes sous couvert de lutte contre l’"islamisme".

Une fermeture aux relents politiques


Le 7 mai 2025, le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné la fermeture immédiate de l’Institut Lissen à Colombes. Ce centre de formation proposait depuis plusieurs années des cours d’arabe, de français et du soutien scolaire pour des enfants et des adultes.


Officiellement, la décision est fondée sur
"des manquements avérés aux règles de sécurité incendie"
, ce que l’institut ne conteste pas, affirmant avoir engagé des travaux de mise en conformité
"comme cela est la règle pour les commerces ou toutes structures se trouvant dans ce type de situation".

Mais c’est l’autre versant de l’affaire qui suscite la colère des responsables de l’institut. Dans un communiqué publié le 12 mai, l’Institut Lissen
"conteste avec la plus grande vigueur les accusations 'd'islamisme' que le Préfet a diffusé dans les médias sans aucune autre preuve que le seul soupçon et la diffamation".

Une absence de contradictoire


Les responsables de Lissen dénoncent un traitement partial et un manque total de dialogue.
"Aucun des responsables opérationnels de la structure, ou même les usagers des cours dispensés n’a été entendu ou auditionné"
, déplorent-ils. Ils affirment se tenir
"à la disposition des autorités pour répondre à toutes leurs questions"
, mais regrettent que
"tout est à charge".

Cette méthode, qualifiée de
"politique de surenchère"
, vise selon eux à désigner des boucs émissaires: "
Il est demandé d'offrir des têtes 'd'islamistes' à tout crin, quitte, comme en l'espèce, à travestir ou faire fi de la réalité".

Une islamophobie institutionnalisée


La fermeture de l’Institut Lissen intervient dans un climat national tendu, marqué par une multiplication de mesures à l’encontre des institutions musulmanes.


Après le retrait du contrat d’association du lycée musulman Al-Kindi à Lyon en janvier 2025, puis celui du lycée Averroès à Lille fin 2023, c’est une nouvelle structure musulmane qui se voit brutalement empêchée de fonctionner.

Ces décisions, bien que justifiées officiellement par des considérations administratives ou pédagogiques, apparaissent de plus en plus comme des stratégies d’étouffement économique.


À Lyon, la fin du contrat d’Al-Kindi a privé l’établissement de 2 millions d’euros annuels de subventions. À Lille, la rupture avec Averroès a entraîné une perte de financement estimée à près de 1,4 million d’euros.


Une volonté de museler toute initiative musulmane


Les accusations d
’"islamisme"
, souvent floues et non étayées, deviennent une arme politique pour neutraliser des espaces éducatifs autonomes. Pour Lissen, "
tout ce qui ressemble, touche de près ou de loin aux musulmans est volontiers 'islamismisé' afin d'alimenter la fracture entre les Français et servir des objectifs politiques nauséabonds".

L’institut affirme que s’il avait constaté des propos ou comportements contraires à la loi chez des intervenants ou des usagers, il aurait pris
"en responsabilité"
les mesures qui s’imposent.
"Nous demeurons attachés au respect des valeurs de la République",
conclut-il dans un appel au dialogue et à la justice.

Un étrange deux poids deux mesures


Il est de plus en plus curieux de voir la France se poser en défenseuse inflexible des minorités religieuses dans le monde musulman — souvent les chrétiens d’Orient ou certaines minorités ethniques - tout en multipliant, sur son propre territoire, les mesures d’exception à l’encontre de sa principale minorité: les musulmans.


Au nom de la laïcité, devenue un outil de contrôle à géométrie variable, des écoles musulmanes sont fermées, des associations dissoutes, des prédicateurs expulsés, des lieux de culte surveillés ou interdits.


Ce que l’on présente comme une
"lutte contre l’islamisme"
se transforme progressivement en politique d’asphyxie systématique de toute autonomie musulmane. À la moindre suspicion, c’est la fermeture administrative, la stigmatisation médiatique, ou la marginalisation sociale.

Une posture internationale paradoxale


Et pourtant, à l’international, la même République française multiplie les déclarations enflammées pour dénoncer la persécution des minorités religieuses dans les pays dits musulmans.


Ces prises de position, souvent motivées par des enjeux diplomatiques ou géostratégiques, contrastent violemment avec le traitement réservé aux citoyens de confession musulmane dans l’Hexagone.


La France s’inquiète du sort des chrétiens en Irak ou des Coptes en Égypte, mais dissout des associations musulmanes sur la base de
"suspicions d’entrisme idéologique".
Elle critique la fermeture de lieux de culte à l’étranger, mais ferme des mosquées sur son propre sol pour des raisons administratives, sans décision judiciaire ni procédure contradictoire équitable.

Une hypocrisie de plus en plus visible


Cette posture devient intenable. Le double discours de la France sur la liberté religieuse mine sa crédibilité. Elle ne peut prétendre défendre les minorités religieuses ailleurs tout en opprimant juridiquement et politiquement une partie importante de sa propre population.


Il serait temps d’admettre qu’on ne peut être le chantre des libertés quand, chez soi, on restreint les droits de millions de citoyens pour des raisons de sécurité floues et souvent infondées.


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