Référendum israélien à New York…

Le célèbre néoconservateur américain, professeur Francis Fukuyama, auteur du livre emblématique La Fin de l’Histoire, déclarait récemment dans une interview qu’Israël commençait à perdre le soutien de l’opinion publique aux États-Unis et en Europe. Selon Fukuyama, la véritable question pour Israël concerne les "jeunes Américains". Il soulignait que les réactions de ces jeunes face à ce qui se passe à Gaza seraient durables, ajoutant : "Cela ne mettra pas en danger l’aide militaire et économique que les États-Unis apportent à Israël, mais cela l’érodera à long terme."

Fukuyama notait qu’en raison du fort soutien des conservateurs républicains et de l’opposition du courant progressiste-gauche du Parti démocrate, Israël se retrouvait pris au cœur de la polarisation partisane américaine. Il affirmait ne pas croire que cette situation pourrait s’inverser à l’avenir. Le principal danger pour Israël, selon lui, serait l’élection à la présidence américaine d’un démocrate tenant ses distances avec Israël. Par ailleurs, Fukuyama indiquait que les motivations des Américains séculiers et libéraux non juifs à soutenir Israël s’étaient affaiblies.

Aux États-Unis, ce ne sont pas seulement les jeunes démocrates, mais aussi les jeunes électeurs républicains qui se détournent massivement du soutien à Israël. Même si les démocrates de l’establishment évitent d’en parler publiquement, il est désormais admis que le soutien inconditionnel de l’administration Biden à Israël a joué un rôle majeur dans la défaite de Kamala Harris à l’élection présidentielle de 2024.

D’ailleurs, les primaires du Parti démocrate pour la candidature à la mairie de New York ont ouvert un nouveau chapitre dans le conflit entre les "jeunes démocrates" et les "centristes démocrates". Lors de cette élection, c’est Zohran Mamdani, un Américain musulman d’origine indo-ougandaise âgé de 33 ans, qui s’est démarqué. Membre de l’Assemblée de l’État de New York, Mamdani a devancé Andrew Cuomo, ancien gouverneur de l’État de New York. Cuomo, qui avait aussi été procureur général de l’État, avait occupé un poste ministériel sous l’administration Clinton.

Dans ces primaires, les centristes démocrates ont soutenu Cuomo. Ce dernier, fervent défenseur d’Israël, compte également parmi les avocats du Premier ministre israélien accusé de génocide, Benyamin Netanyahou. Cuomo a également bénéficié du soutien de milliardaires proches de Trump comme Bill Ackman. Les partisans de Cuomo ont qualifié Mamdani d’"antisémite" en raison de ses critiques à l’égard du génocide perpétré par Israël à Gaza. Mamdani avait même déclaré que, s’il était élu maire, il entreprendrait des démarches pour faire arrêter Netanyahou en cas de visite à New York.

Malgré une campagne intense visant à faire passer Mamdani pour un antisémite dans une ville comme New York, qui abrite la deuxième plus grande population juive après Tel-Aviv, Cuomo et ses soutiens n’ont pas obtenu l’effet escompté. Mamdani a même reçu un soutien important de la part de Juifs non sionistes. Les analystes notent que les électeurs de la ville ne se laissent plus convaincre par les justifications classiques empêchant toute critique d’Israël.

Les primaires à New York ont ainsi fait office de mini-référendum sur Israël. Le magazine Politico, dans un article daté du 17 juin, titrait : "Cuomo pour Israël, Mamdani pour la Palestine." Ce seul titre suffisait à illustrer la nature du duel entre Mamdani et Cuomo.

La victoire de Mamdani a rendu fous les néoconservateurs pro-israéliens et les trumpistes hostiles à l’immigration. Certains néoconservateurs sont allés jusqu’à affirmer que Mamdani, qui se définit comme "socialiste démocratique à l’américaine", était un "islamiste". Certains ont même demandé à ce que Trump expulse Mamdani, devenu citoyen américain en 2018. De son côté, Trump a publié sur ses réseaux sociaux : "Ce qui devait arriver est arrivé. Les démocrates ont dépassé les limites. Zohran Mamdani, un fou communiste à 100 %, a remporté les primaires démocrates et est en route vers la mairie."

Le célèbre commentateur de droite Matt Walsh s’est lamenté : "Moins de 25 ans après le 11 septembre, New York est conquise." Walsh a également souligné que 40 % de la population new-yorkaise est née à l’étranger. Stephen Miller, l’architecte des politiques migratoires de Trump à la Maison-Blanche, a quant à lui déclaré sur son compte X : "La ville de New York est le plus grand avertissement de ce qui arrive à une société qui ne peut pas contrôler l’immigration."

La victoire inattendue de Mamdani est considérée comme un tournant dans le long conflit qui oppose les "jeunes démocrates" aux "démocrates centristes" au sein du Parti démocrate. Parmi les soutiens de Mamdani figurait la sénatrice Elizabeth Warren, qui a également soutenu Bernie Sanders. Elle a déclaré : "La campagne inspirante de Zohran montre ce que les mouvements populaires peuvent accomplir quand nous luttons pour des politiques courageuses."