La guerre de l’or au Soudan

13:331/11/2025, samedi
Taha Kılınç

Depuis près de deux ans, le Soudan agonise, pris dans les griffes d’une guerre civile d’une violence inouïe. Mais les événements ont désormais pris une tournure qui attire l’attention du monde entier. Les images venues du Darfour témoignent d’un véritable génocide. Contrairement à celui perpétré par Israël à Gaza, cette fois, c’est au sein même du monde musulman qu’une tragédie se déroule : les victimes et les bourreaux partagent la même foi. Le parcours sanglant de Mohamed Hamideti Commençons par

Depuis près de deux ans, le Soudan agonise, pris dans les griffes d’une guerre civile d’une violence inouïe. Mais les événements ont désormais pris une tournure qui attire l’attention du monde entier. Les images venues du Darfour témoignent d’un véritable génocide. Contrairement à celui perpétré par Israël à Gaza, cette fois, c’est au sein même du monde musulman qu’une tragédie se déroule : les victimes et les bourreaux partagent la même foi.


Le parcours sanglant de Mohamed Hamideti


Commençons par le principal acteur visible de cette barbarie, avant d’évoquer son soutien caché et ses motivations. Le commandant des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Hamideti, est né en 1975 à Kutum, dans le nord du Darfour. Dès sa jeunesse, à l’instar des hommes de sa tribu, il s’est lancé dans le commerce de chameaux, dirigeant d’importantes caravanes entre le Soudan, le Tchad, le Nigeria et la Libye. Peu avant l’éclatement de la guerre civile au Darfour, ses frères furent tués lors d’un raid mené par une tribu rivale — un drame qui le poussa à créer sa propre milice.


En 2003, lorsque des tribus se soulevèrent contre le gouvernement central de Khartoum, déclenchant une insurrection qui allait se transformer en guerre civile, Hamideti rejoignit les combats avec ses hommes. Rapidement, son groupe gagna plus d’influence que l’armée régulière soudanaise. Ces combattants, connus sous le nom de
"Janjawids"
, allaient bientôt devenir synonymes de terreur.

Le mot
"Janjawid"
possède trois origines possibles. Certains affirment qu’il désigne d’anciens pillards tchadiens ; d’autres qu’il vient d’un bandit du Darfour nommé Hamid Janjawid ; et selon l’explication la plus répandue, il s’agirait d’un mot local signifiant
"cavaliers armés"
. Quelle que soit la véritable étymologie, une chose est sûre : sous la direction d’Hamideti, les Janjawids ont commis d’innombrables crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Des dizaines de milliers de personnes ont été massacrées, et près d’un million ont dû fuir leurs foyers.

L’ombre dorée des Émirats arabes unis


Au fil du temps, Hamideti a aussi perfectionné ses talents diplomatiques. En 2006, au plus fort de la crise du Darfour, il rencontra à Khartoum le président soudanais Omar el-Béchir. Le gouvernement avait toujours nié s’appuyer sur les Janjawids pour écraser la rébellion, mais cette rencontre confirma le contraire. Par décret présidentiel, les troupes d’Hamideti furent intégrées à l’appareil d’État sous le nom de
"Forces de protection des frontières",
avant de devenir en 2011 les
"Forces de soutien rapide".

Ces unités se transformèrent peu à peu en un
"État dans l’État"
. Elles participèrent activement au coup d’État militaire du 11 avril 2019, qui renversa Béchir. Ironie tragique : l’un de ceux qui avaient fait chuter l’ancien président n’était autre qu’Hamideti, l’homme qu’il avait lui-même promu et armé.

Après la chute de Béchir, le Soudan devint le théâtre d’un affrontement entre puissances arabes. Le général Abdel Fattah al-Burhan, chef du gouvernement officiel, reçut le soutien de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, tandis qu’Hamideti s’adossa aux Émirats arabes unis (EAU). La guerre atroce qui ravage aujourd’hui le pays est alimentée par les armes lourdes, les munitions et les avions de combat fournis par Abou Dhabi aux Forces de soutien rapide.


Pourquoi une telle implication des EAU ? Pour l’or.
Le Soudan regorge de réserves aurifères colossales. Durant le premier semestre 2025, près de 8,8 tonnes d’or ont été officiellement exportées du Soudan vers les Émirats. Bien que le gouvernement soudanais sache que son or finance son ennemi, il continue ces ventes pour subvenir aux besoins vitaux de la population.
Mais la majorité de l’or quitte le pays par des voies illégales, transitant clandestinement vers Dubaï avant d’être revendu sur les marchés mondiaux.

Derrière cette
"guerre de l’or"
sanglante, menée sur les cadavres de civils soudanais, se cachent aussi d’autres acteurs — bien connus dans le monde de la finance internationale. Inutile de les nommer : chacun devine de qui il s’agit.
#Soudan
#or
#Hamideti
#Darfour
#Émirats arabes unis
#Abdel Fattah al-Burhan
#guerre civile
#Janjawid
#crimes de guerre
#Afrique