L'OMC impuissante face à la vague protectionniste

La rédaction avec
17:307/04/2025, lundi
AFP
Le siège de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), organisation intergouvernementale, à Genève le 5 février 2024.
Crédit Photo : Fabrice COFFRINI / AFP
Le siège de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), organisation intergouvernementale, à Genève le 5 février 2024.

Malgré son rôle de régulateur du commerce mondial, l'OMC se retrouve paralysée face aux droits de douane imposés par les États-Unis, en raison d’un système de règlement des différends bloqué.

Souvent qualifiée de
"gendarme du commerce mondial"
, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se retrouve en réalité pieds et poings liés face à la montée du protectionnisme. Ses moyens d'action sont limités, d’autant plus que les États-Unis ont neutralisé le mécanisme chargé de régler les conflits commerciaux.

Alors que plusieurs pays contestent la légalité des nouvelles taxes douanières imposées par l’administration Trump, beaucoup s’interrogent sur leur compatibilité avec les règles de l’OMC. Voici quelques repères sur cette organisation basée à Genève.


Une gouvernance par les États membres


L’OMC ne fait pas partie du système des Nations unies. Contrairement à d'autres institutions comme la Banque mondiale ou le FMI, le pouvoir n’y est pas centralisé entre les mains d’un conseil d’administration ou d’un directeur exécutif.


L’OMC est dirigée par ses 166 membres, représentant 98 % du commerce mondial. Ce mode de gouvernance, basé sur le consensus, limite les marges de manœuvre du secrétariat général, qui joue principalement un rôle consultatif.

Depuis mars 2021, l'organisation est dirigée par la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, première femme et première Africaine à occuper ce poste. Elle ne peut toutefois pas se prononcer sur la conformité des politiques commerciales, même si sa voix reste influente sur la scène internationale.


Depuis la réélection de Donald Trump, Mme Okonjo-Iweala a adopté une approche diplomatique prudente. En novembre dernier, elle a affirmé avoir
"hâte"
de collaborer avec le président américain et a jugé
"prématuré"
de commenter ses menaces tarifaires. Plus récemment, elle a appelé les membres à
"garder leur calme"
et à ne pas
"rendre coup pour coup".

Le système d’arbitrage paralysé


Clé de voûte de l’OMC, le mécanisme de règlement des différends est en crise depuis plusieurs années. L’organe d’appel, composé de juristes spécialisés, est inopérant depuis décembre 2019, faute de juges nommés.


Les États-Unis bloquent les nominations, une pratique amorcée sous Barack Obama et poursuivie par Donald Trump puis Joe Biden. Washington reproche à l’organe d’appel de dépasser son mandat en interprétant trop largement les règles du commerce et en empiétant sur la
"sécurité nationale".

Lors d’une réunion en mars 2025, les États-Unis ont une nouvelle fois opposé leur veto à une proposition de 130 membres visant à relancer la sélection des juges. Il s’agissait du 85e blocage consécutif, rendu possible par la règle du consensus.


Appels suspendus, sanctions impossibles


Sans possibilité de recours effectif, les États membres ne peuvent pas demander de compensation en cas de violation des règles commerciales. Cette compensation ne prend pas la forme d’une amende, mais d’une concession équivalente, comme une baisse tarifaire.


Même si les voies d’appel sont paralysées, certains pays continuent de déposer des appels dits "dans le vide". Ceux-ci suspendent l’application des décisions de première instance, qui restent donc lettre morte.


Selon l’OMC, plus d’une trentaine de décisions sont aujourd’hui gelées par ce mécanisme, notamment à l’initiative des États-Unis et de la Chine.

En attendant une réforme, une trentaine de membres, dont l’Union européenne et la Chine, ont mis en place une procédure alternative de règlement des différends. Les États-Unis, eux, refusent toujours d’y participer.


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