En Norvège, les policiers n'ont pas la gâchette facile

10:5513/03/2023, lundi
MAJ: 13/03/2023, lundi
AFP
Police norvégienne. Crédit Photo: AA
Police norvégienne. Crédit Photo: AA

Dans le royaume scandinave, chaque policier est titulaire d'une licence décrochée après trois années d'études où il se sera familiarisé, entre autres, à des questions de psychologie, de droit et d'éthique.

Aux antipodes des Etats-Unis où le nombre de personnes tuées par la police a atteint un nouveau record en 2022 (au moins 1.194 selon Mapping Police Violence, soit plus de trois par jour), les policiers en Norvège sont rarement impliqués dans des épisodes mortels.


"Ici, pas de 'spray and pray'
(tir à tout va, ndlr)
",
affirme l'instructeur Espen Olsvik.
"Il faut que le tir soit justifié. Et on ne vide pas son chargeur avec l'espoir de faire mouche à la fin"
, dit-il.

Chaque passage d'un aspirant devant le simulateur est suivi d'un débriefing. Fallait-il ouvrir le feu sur le forcené ? A quel moment ? Comment le neutraliser alors qu'il portait un gilet pare-balles ?


Comparer Etats-Unis et Norvège est hasardeux: les premiers conjuguent inégalités sociales et tensions raciales, l'autre est une société peu peuplée, opulente et égalitaire.


En Norvège, chaque policier est titulaire d'une licence décrochée après trois années d'études où il se sera familiarisé, entre autres, à des questions de psychologie, de droit et d'éthique.


Mais un gouffre sépare aussi les deux nations dans la formation de leurs forces de l'ordre.

Outre-Atlantique, quelques semaines suffisent dans certains Etats pour devenir policier: selon CNN, la formation d'un agent de base en Louisiane (360 heures) est moins longue que celle d'une esthéticienne (500 heures).


Pas de shérifs


Entrer à l'école de police n'y est pas chose aisée: entre 3.000 et 3.500 jeunes se portent candidats chaque année pour 500 places seulement. L'occasion d'un écrémage.


"On a des critères comme le sens de la collaboration, l'ouverture d'esprit, la capacité d'analyse"
, note le responsable des études, Philip Christopher Tolloczko.

"Nous ne voulons pas de shérifs ici"
, dit-il. Au contraire,
"au niveau opérationnel, on s'entraîne beaucoup à la désescalade dans des situations tendues".

Chiffre révélateur, 80% des Norvégiens disent avoir confiance dans leur police.
Mais la question de leur armement est un serpent de mer qui agite régulièrement le royaume.

Si la règle veut qu'ils ne portent pas d'armes --celles-ci sont stockées dans le coffre de leur véhicule--, les policiers peuvent en être équipés à titre temporaire, quand la situation sécuritaire l'exige.


Du provisoire qui tend parfois à durer: après un attentat en juin 2022, 237 jours se sont écoulés avant que les agents cessent de sortir armés ce lundi.


"C'est un problème si la police se militarise"
, estime l'ancien député et maire d'Oslo, Michael Tetzschner.
"Si la mentalité militaire s'installe dans la police, je crains que l'on abaisse le seuil pour l'utilisation des armes à feu".

Les chiffres restent modestes à l'échelle d'un pays de 5,4 millions d'habitants, mais cinq personnes ont été tuées par des tirs policiers depuis le début 2020. Près de deux fois plus que les trois victimes déplorées sur toute la décennie précédente.


La bouche comme arme


A l'école de police d'Oslo, le commissaire Anders Haugerud regarde ses élèves de première année tenter, dans une réplique d'appartement, d'arracher pacifiquement l'identité d'un halluciné qui se prend pour le roi ou d'une femme en pleine psychose, rôles campés par des acteurs embauchés pour l'occasion.


"Il faut avoir le don de la communication",
confie le commissaire qui, en 20 ans sur le terrain, dit n'avoir utilisé sa matraque qu'une fois. Et d'ajouter:

La communication, l'humilité, la confiance... On apprend aussi aux élèves à demander pardon quand ils se trompent.

Les attentats sanglants du 22 juillet 2011 avaient valu à la police de vertes critiques.


Ce jour-là, l'extrémiste de droite Anders Behring Breivik avait tué 77 personnes, notamment des dizaines d'adolescents paniqués qu'il avait pu traquer et abattre pendant 72 interminables minutes sur la petite île d'Utøya.

Fustigée pour sa lenteur, la police met depuis davantage l'accent sur l'entraînement aux situations de crise.


Mais pas que...


"Au sein de la police norvégienne: l'arme la plus importante, c'est la bouche"
, affirme Tore Bjørgo, un chercheur qui enseigne à l'école de police.

À lire également:





#Norvège
#violences policières
#police