Le rapprochement Téhéran-Ryad: des répercussions au Moyen-Orient et au-delà

11:2311/03/2023, samedi
MAJ: 11/03/2023, samedi
AFP
Crédit photo: AA
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De la guerre au Yémen à une progression de l'influence de la Chine au Moyen-Orient: le rétablissement des liens entre l'Arabie Saoudite et l'Iran aura des répercussions dans toute la région et au-delà, estiment des analystes.

Les deux puissances rivales de la région ont annoncé vendredi la reprise de leurs relations diplomatiques d'ici à deux mois à l'issue de pourparlers en Chine. L'Arabie Saoudite sunnite et l'Iran chiite avaient rompu leurs liens il y a plus de sept ans après l'attaque en Iran de missions diplomatiques saoudiennes par des manifestants à la suite de l'exécution par Ryad d'un célèbre religieux chiite.


Les deux puissances régionales soutenant des parties belligérantes dans plusieurs conflits de la région, comme au Yémen en guerre, l'annonce de leur rapprochement était d'autant plus inattendue, insiste l'analyste Dina Esfandiary, de l'International Crisis Group.

"Le sentiment général
(...)
était que les Saoudiens étaient particulièrement frustrés et avaient le sentiment que restaurer les liens diplomatiques était leur carte maîtresse",
explique-t-elle.
"Donc on avait l'impression que c'était quelque chose sur laquelle ils ne voudraient pas céder",
dit-elle, ajoutant:
"C'est très salutaire qu'ils l'aient fait."

L'analyste Hussein Ibish avoue avoir été surpris lui aussi par l'annonce, "
un développement majeur de la diplomatie du Moyen-Orient".

Stratégie saoudienne


Les répercussions de l'accord seront ressenties au Yémen où le gouvernement -soutenu par une coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite- combat depuis 2015 les rebelles Houthi appuyés par l'Iran. Ainsi, dès samedi, des pourparlers entre le gouvernement et les Houthis doivent se tenir à Genève concernant un éventuel échange de prisonniers.


En échange du rétablissement des liens avec Ryad,
"il est très probable que l'Iran se soit engagé à mettre la pression sur ses alliés au Yémen pour qu'ils soient plus coopératifs en vue d'une résolution du conflit dans ce pays",
juge M. Ibish. Mais
"nous ne savons pas encore quels compromis ont été conclus en coulisses",
prévient-il.

En rétablissant ses liens avec l'Iran, l'Arabie Saoudite semble poursuivre une vaste offensive diplomatique qui l'a déjà menée à se rapprocher du Qatar et de la Turquie. Pour les experts, l'absence d'avancées concernant le dossier du nucléaire iranien -l'accord de 2015 étant moribond depuis la sortie unilatérale des Etats-Unis en 2018-pousse Ryad à se positionner pour s'assurer que Téhéran ne dépasse pas certaines lignes rouges.


"Comme les tensions entre l'Iran et les Etats-Unis ne s'apaisent pas, l'Arabie saoudite sait qu'elle va devoir jouer un rôle plus proactif dans la gestion de ses relations avec l'Iran",
note Torbjorn Soltvedt de la société de renseignement sur les risques Verisk Maplecroft. Selon Aron Lund, membre du groupe de réflexion Century International, la Syrie pourrait être la prochaine étape de cette stratégie diplomatique saoudienne.

Le royaume a rompu ses liens avec Damas en 2012, un an après le déclenchement de la guerre civile en Syrie, en particulier à cause des liens étroits entre le régime de Bachar al-Assad et Téhéran. Le rétablissent des liens entre Ryad et Téhéran pourrait donc conduire à un
"rapprochement entre l'Arabie saoudite et la Syrie",
indique M. Lund.

"Victoire diplomatique"


Le rapprochement entre Téhéran et Ryad consacre aussi le rôle de premier plan que la Chine souhaite occuper au Moyen-Orient, selon des analystes. Malgré son engagement croissant dans la région, avec une visite en décembre du président chinois Xi Jinping à Ryad en décembre, la Chine restait perçue comme réticente à s'impliquer dans les dossiers épineux du Moyen-Orient.


Mais l'accord Téhéran-Ryad montre que le pays est prêt à y jouer un rôle prédominant,
"une victoire diplomatique de la Chine et une rupture significative avec l'approche régionale qu'elle a adoptée jusqu'à présent",
souligne Jonathan Fulton, de l'Atlantic Council. Un changement de paradigme en partie pour
"contester la domination des Etats-Unis au Moyen-Orient"
, juge-t-il.

Pour Hussein Ibish, le président américain Joe Biden sera cependant sensible à la stabilité qu'apportera l'accord dans la région. Car
"l'administration Biden a ouvert la voie en soulignant la nécessité urgente de promouvoir la diplomatie plutôt que le conflit au Moyen-Orient, en particulier dans la région du Golfe."

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