Les Sénégalais choisissent dimanche entre continuité et changement à leur tête

15:4120/03/2024, mercredi
AFP
Un supporter passe devant un drapeau sénégalais avant le meeting de campagne du leader de l'opposition Ousmane Sonko et du candidat à la présidence de la coalition Diomaye Président Bassirou Diomaye Faye à Cap Skirring, au Sénégal, le 16 mars 2024.
Crédit Photo : MUHAMADOU BITTAYE / AFP
Un supporter passe devant un drapeau sénégalais avant le meeting de campagne du leader de l'opposition Ousmane Sonko et du candidat à la présidence de la coalition Diomaye Président Bassirou Diomaye Faye à Cap Skirring, au Sénégal, le 16 mars 2024.

Sept millions de Sénégalais sont appelés ce dimanche à choisir, parmi le candidat du pouvoir et dix-huit concurrents, leur nouveau président, ouvrant ainsi un nouveau chapitre dans une longue saga politique et donnant un nouvel élan au développement du pays, notamment avec les revenus attendus du gaz et du pétrole.

Les dix-huit hommes et une femme qui sillonnent le Sénégal jusqu'à vendredi dans des cortèges colorés proposent une alternative entre changement et continuité.


Le projet de Bassirou Diomaye Faye et d'Ousmane Sonko, le principal duo d'opposition, vise à
"partager équitablement les ressources. Ce qui appartient au Sénégal doit rester au Sénégal, c'est une question de patriotisme",
souligne Gnima Mané, une enseignante de 38 ans, à Ziguinchor (sud).

De son côté, le gouvernement
"a beaucoup fait pour Diourbel"
(centre), rétorque Ousseynou Diène, un lycéen de 19 ans, lors d'un rassemblement d'Amadou Ba, le candidat du pouvoir.
"Nous avons de nouveaux lampadaires, des routes, un stade gazonné à inaugurer",
fait-il remarquer.

Amadou Ba, désigné dauphin par le président sortant Macky Sall, et Bassirou Faye, le
"candidat du changement de système"
et du
"panafricanisme de gauche"
, affirment tous deux pouvoir l'emporter dès dimanche sans nécessiter un second tour, dont la date reste à fixer. L'ancien maire de Dakar Khalifa Sall est également mentionné comme outsider.

Cette élection est qualifiée de
"la plus ouverte"
des douze présidentielles organisées depuis l'indépendance en 1960, selon Sidy Diop, directeur adjoint des rédactions du quotidien le Soleil.

Le scrutin est suivi avec attention, le Sénégal étant considéré comme l'un des pays les plus stables d'Afrique de l'Ouest, même si cette région est souvent secouée par des coups d'État. Dakar maintient des relations étroites avec l'Occident tandis que la Russie renforce ses positions dans la région.


Le président Sall, salué pour avoir renoncé en 2023 à briguer un troisième mandat, a provoqué un choc en annonçant le 3 février le report de la présidentielle à la dernière minute, suite à quoi des manifestations ont fait quatre morts.

Depuis 2021, le Sénégal a connu des troubles dus au bras de fer entre Ousmane Sonko et le pouvoir, combiné à l'incertitude quant à un troisième mandat présidentiel et aux tensions sociales. Des dizaines de personnes ont perdu la vie, des centaines ont été arrêtées, et l'image du Sénégal a été ternie.


Le Conseil constitutionnel a finalement contraint le gouvernement à organiser l'élection le 24 mars. Une amnistie a été votée et des centaines de personnes, dont M. Sonko et M. Faye, détenus pendant des mois, ont été libérées.

M. Sonko, plus populaire et charismatique mais disqualifié par le Conseil constitutionnel, s'est rallié à M. Faye, parcourant ensemble le pays à bord de convois rassemblant des foules de sympathisants enthousiastes.


Le discours souverainiste de M. Sonko, ses critiques à l'égard des élites, des multinationales et de l'influence, selon lui, de la France, résonnent auprès d'une partie de la population, en particulier la jeunesse.


Mais son colistier peine à émerger de son ombre.
"On pourrait se demander s'il n'aurait pas mieux valu qu'il reste en prison",
ironise El Hadji Mamadou Mbaye, enseignant-chercheur à l'université de Saint-Louis.

"Le plus grand danger pour le Sénégal aujourd'hui, c'est Amadou Ba",
estime M. Sonko, un
"fonctionnaire milliardaire"
qu'il accuse de
"servir les intérêts étrangers".

En réplique, M. Ba appelle les Sénégalais à voter
"pour l'expérience et la compétence, plutôt que de confier les rênes du pays à des aventuriers",
critiquant notamment la proposition Faye/Sonko de remplacer le franc CFA par une monnaie sénégalaise.

M. Ba, confronté à trois candidatures dissidentes au sein de la majorité sortante, promet de
"partager la prospérité"
engendrée par le plan de développement de M. Sall, et s'engage à créer un million d'emplois en cinq ans, contre cinq promis par la candidate Anta Babacar Ngom.

Malgré ces projets, le pays reste confronté à une pauvreté persistante, à un taux de chômage officiel de 20 %, et à une émigration de milliers de personnes chaque année.


Le Sénégal rejoindra en 2024 le club des producteurs de gaz et de pétrole, avec l'espoir de bénéficier de milliards de dollars de revenus, mais aussi la crainte que cette manne ne déséquilibre l'économie nationale et n'accroisse la pauvreté.


Les experts estiment peu probable d'importantes fraudes lors du scrutin, mais ne négligent pas les tensions possibles en cas de victoire de M. Ba dès le premier tour, ou en l'absence de M. Faye au second.

Les résultats provisoires pourraient être annoncés dès le soir.


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