France : Le projet d’interdiction du voile révèle une dérive "illibérale", selon une rabbine

La rédaction avec
18:1313/11/2025, jeudi
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Pour la rabbine, ce discours révèle une inversion des principes de la démocratie libérale.
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Pour la rabbine, ce discours révèle une inversion des principes de la démocratie libérale.

La volonté du Rassemblement national d’interdire le port du voile islamique dans l’espace public relance les polémiques autour de la liberté religieuse et de la laïcité en France. Dans une tribune parue mardi dans Libération, la rabbine Myriam Ackermann-Sommer répond directement à Jordan Bardella, qu’elle avait déjà interrogé en juin lors d’un débat télévisé sur LCI.

Par voie de tribune, la normalienne et docteure en littérature dénonce une
"conception profondément illibérale de la société"
, dans laquelle l’État s’arrogerait le pouvoir de dire quels signes religieux sont acceptables.

Le président du RN affirme vouloir interdire
"uniquement le voile islamique"
, qu’il présente comme une
"affirmation d’un projet politique"
. Une position que la rabbine juge arbitraire, floue et juridiquement infondée.

"Aucun texte de loi français [...] ne permet de cibler précisément ledit “voile islamique”"
, rappelle-t-elle, soulignant que la loi de 2010 vise uniquement la dissimulation du visage, sans dimension religieuse.


Une inversion des principes de la démocratie libérale


Ackermann-Sommer interroge la faisabilité d’une telle interdiction : comment distinguer un voile porté pour des raisons spirituelles d’un voile perçu comme politique ? Elle dénonce une logique qui assimile systématiquement les femmes musulmanes voilées à une menace, les privant ainsi de leur statut de citoyennes à part entière :


Une femme voilée ne témoigne plus d’une foi, mais d’une allégeance politique.

Pour la rabbine, ce discours révèle une inversion des principes de la démocratie libérale. Là où l’État devrait garantir la liberté de conscience, le projet du RN reviendrait à restreindre cette liberté au nom d’un ordre idéologique :


La démocratie n’est pas le règne de la majorité sur les consciences – c’est la protection de chacun contre l’arbitraire.

Dans sa tribune, elle refuse aussi l’idée que des signes religieux pourraient être jugés acceptables ou non selon la confession à laquelle ils renvoient. Elle rappelle que, bien qu’étant juive, elle porte également un couvre-chef religieux dans l’espace public, tout comme certaines chrétiennes.


C’est pourquoi elle se sent concernée au premier chef par une interdiction qui, sous prétexte de cibler
"l’islam politique"
, risque de généraliser une méfiance à l’égard de toute visibilité religieuse.


Soutenir les femmes


Elle met en garde contre une dynamique liberticide : ce qui est interdit aujourd’hui à une catégorie pourrait demain l’être à d’autres. Et s’il faut, selon elle, soutenir les femmes qui, dans d’autres contextes, subissent l’obligation de porter le voile, cela ne doit pas justifier qu’on l’interdise à celles qui le choisissent librement dans une démocratie.


La tribune se termine par un plaidoyer pour la défense des droits des minorités religieuses.
"Ce qui est en cause, ce n’est pas un simple bout de tissu. C’est la capacité de la démocratie à protéger ses minorités"
.

Une alerte lancée à l’ensemble de la société face aux logiques d’exclusion, dont les effets pourraient ne pas s’arrêter au voile.


À l’approche des échéances électorales, le débat autour du voile reste l’un des marqueurs identitaires les plus instrumentalisés par l’extrême droite.


37 % des femmes voilées ont déclaré avoir subi des injures


Selon une étude de la DILCRA (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT), 60 % des femmes qui portent souvent le voile ont déjà été discriminées au moins une fois, contre 44 % pour celles qui ne le portent jamais. Par ailleurs, 37 % des femmes voilées ont déclaré avoir subi des injures ou insultes à caractère diffamatoire.


Le Collectif contre l’islamophobie en Europe a recensé 828 signalements d’actes islamophobes en 2023, contre 527 en 2022, soit une hausse de 57 %. Parmi ces signalements, plus de 80 % visaient des femmes. Ces données soulignent à quel point les femmes musulmanes, en particulier celles qui sont identifiées comme croyantes, demeurent les premières cibles des actes islamophobes en France.


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