Vif intérêt de la Chine et l'Inde pour l'élection au Bhoutan aux frontières stratégiques

10:295/01/2024, Cuma
MAJ: 5/01/2024, Cuma
AFP
Le Premier ministre du Bhoutan, Lotay Tshering, donne une conférence de presse à la Chancellerie à Berlin, le 13 mars 2023.
Crédit Photo : JOHN MACDOUGALL / AFP (archive)
Le Premier ministre du Bhoutan, Lotay Tshering, donne une conférence de presse à la Chancellerie à Berlin, le 13 mars 2023.

Enclavé entre l'Inde et la Chine, le royaume du Bhoutan se prépare à l'élection d'un nouveau parlement le 9 janvier, que les deux géants rivaux regardent avec vif intérêt, lorgnant sur des frontières stratégiques, préviennent les analystes.

Un
"accord de coopération"
signé entre le Bhoutan et la Chine en octobre après des négociations sur leur frontière nord controversée a suscité l'inquiétude de l'Inde, qui considère depuis longtemps le Bhoutan comme un Etat tampon, fermement placé dans son orbite.

Le Bhoutan est
"l'un des derniers obstacles" à
la tentative chinoise d'exercer une influence en Asie du Sud, a déclaré à l'AFP Harsh V. Pant, professeur de relations internationales au King's College de Londres.

Mais l'Inde est déterminée à ne pas céder de terrain à la Chine, inquiète d'une série d'accords commerciaux et d'importants prêts conclus par Pékin, notamment avec le Bangladesh, le Népal, les Maldives et le Sri Lanka, dans ce qu'elle considère comme sa zone d'influence.


Le Bhoutan et la Chine n'entretiennent pas de relations diplomatiques formelles à ce jour. L'Inde a en revanche supervisé de facto la politique étrangère du Bhoutan, dans le cadre d'accords qui ont duré jusqu'en 2007.

Dans un rapport publié en décembre, le centre de réflexion britannique Chatham House montre des photos satellite de ce qu'il présente comme un
"programme non autorisé de construction d'implantations"
chinoises dans la région frontalière nord du Bhoutan, qui pourrait
"devenir un territoire chinois permanent",
en cas d'accord frontalier.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a souligné à l'AFP la
"détermination"
de Pékin
"à œuvrer pour une résolution rapide de la question frontalière et l'établissement de relations diplomatiques"
avec le Bhoutan.

"Implications d'une portée considérable"


Pékin espère qu'un accord
"consolidant ses acquis dans le nord du Bhoutan puisse conduire à des relations diplomatiques formelles et à l'opportunité d'attirer Thimphou dans son orbite",
estime Chatham House.

"Un tel accord aurait des implications d'une portée considérable pour l'Inde",
relève le professeur Pant.

New Delhi voit d'un mauvais œil l'affirmation de la puissance militaire croissante de Pékin tandis que leur frontière commune de 3.500 kilomètres demeure une constante source de tensions.


En 2017, soldats indiens et chinois s'étaient fait face 72 jours durant sur le plateau contesté du Doklam, à la jonction des territoires indien, chinois et bhoutanais. L'Inde y avait envoyé des troupes pour empêcher la construction d'une route militaire par la Chine.

Le plateau n'est situé qu'à quelques dizaines de kilomètres du corridor de Siliguri, une étroite bande de terre surnommée
"cou de poulet"
, seule liaison territoriale entre les plaines du nord de l'Inde et ses Etats du nord-est, constituant un point vulnérable.

L'Inde et la Chine se sont affrontées dans une guerre-éclair en 1962 qui avait vu les soldats indiens humiliés par les troupes chinoises.


New Delhi craint qu'en cas d'accord sur la frontière nord du Bhoutan,
"l'attention ne se tourne vers le territoire de l'ouest du Bhoutan que la Chine conteste, y compris le plateau de Doklam",
explique Chatham House.

D'autant plus que cet accord semble
"imminent",
selon Suhasini Haidar, rédactrice en chef du service diplomatique du quotidien The Hindu.

"Resserrer les liens"


Selon les analystes, les électeurs du Bhoutan, dont la superficie est comparable à celui de la Suisse, et qui abrite 800.000 habitants, s'inquiètent davantage du chômage élevé et de l'émigration des jeunes pour chercher un emploi à l'étranger.

La relation du Bhoutan reste cependant cruciale avec l'Inde, son plus grand partenaire commercial et sa principale source d'investissements. La monnaie locale est de plus rattachée à la roupie indienne.


"Tout gouvernement arrivant au pouvoir cherchera à resserrer les liens"
, estime Mme Haidar.

En décembre, le roi du Bhoutan, Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, a annoncé la création d'une zone économique spéciale le long de sa frontière avec l'Inde.


Les deux candidats au poste de Premier ministre du Bhoutan promeuvent un rapprochement avec New Delhi pour relancer l'économie du pays, dont le produit intérieur brut atteint à peine 3 milliards de dollars.


L'Inde a annoncé une série de projets de transports, notamment une ligne ferroviaire vers le Bhoutan, mais qui dépendent en grande partie des investisseurs indiens.


"Le Bhoutan recherchera des investissements auprès d'autres pays",
prédit Mme Haidar, soulignant que si Thimphou accueille des fonds en provenance de Chine ce sera
"significatif".

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