
Le procès de Lafarge, ouvert le 4 novembre 2025 à Paris, marque une étape majeure dans l’histoire judiciaire française. La multinationale est poursuivie pour financement du terrorisme, violation d’embargo et mise en danger d’autrui pour ses activités en Syrie entre 2012 et 2014. Les audiences révèlent des tensions autour du rôle des services de renseignement français, accusés d’avoir bénéficié d’informations transmises par l’entreprise. Plusieurs avocats demandent la levée du secret-défense pour éclaircir ces liens. Ce procès inédit doit se poursuivre jusqu’au 19 décembre.
Les débats rouvrent des questions sensibles concernant les relations entre Lafarge et les services de renseignement français.
Procès Lafarge et renseignement français: une zone d'ombre persistante
Le renseignement militaire torpille la défense de Lafarge
Entendu comme témoin au procès, l'ancien patron du renseignement militaire français, le général Christophe Gomart, a confirmé avoir collecté des informations grâce à un de ses employés, mais nié avoir été averti des paiements aux djihadistes.
Ces éléments nourrissent une question politique sensible: l’État savait-il que Lafarge poursuivait son activité en Syrie malgré des paiements à des groupes armés ? Et ces informations auraient-elles été jugées stratégiques pour la France ?
Les débats rappellent les révélations publiées par Anadolu le 7 septembre 2021. L’agence avait mis en lumière des documents montrant que Lafarge avait financé Daech en informant régulièrement les services français, sans réaction préventive de leur part.
Une affaire judiciaire longue et complexe
En France, les poursuites se poursuivent pour violation d’embargo, financement d’une entreprise terroriste, mise en danger d’autrui et complicité de crimes contre l’humanité. En janvier 2024, la Cour de cassation valide définitivement la possibilité de juger une multinationale pour crimes internationaux commis via une filiale étrangère.
Une défense qui invoque l’implication de l’État français
Les huit personnes poursuivies sont:
- quatre anciens dirigeants français:Bruno Lafont, Christian Herrault, Bruno Pescheux et Frédéric Jolibois
- deux intermédiaires syriens:Firas Tlass et Amro Taleb
- deux responsables sécurité:Ahmad al-Jaloudi et Jacob Waerness
Tous sont accusés d’avoir facilité la poursuite de l’activité syrienne via des paiements à des groupes armés entre 2012 et 2014.
Lafarge, en tant que personne morale, risque une amende d’1,125 million d’euros et des sanctions complémentaires. Les prévenus encourent jusqu’à dix ans de prison et 225 000 euros d’amende.
Le procès, qui doit durer jusqu’au 19 décembre, éclaire les mécanismes de contournement, les décisions internes et le rôle du renseignement dans un contexte de guerre.
À ce stade, aucune preuve ne démontre l’implication directe de l’État. Mais le silence officiel et les témoignages entendus entretiennent la suspicion. Pour plusieurs observateurs, le dossier dépasse désormais le cadre économique pour toucher à la raison d’État et à la géopolitique.









