Centres de cyberfraude: pourquoi la Chine, la Birmanie et la Thaïlande passent à l'offensive

15:5027/02/2025, Perşembe
AFP
Des travailleurs et des victimes présumés de centres d'escroquerie se reposent lors d'une opération de répression des activités illicites menée par la Karen Border Guard Force (BGF) à Shwe Kokko, dans la commune orientale de Myawaddy (Myanmar), le 18 février 2025.
Crédit Photo : STR / AFP
Des travailleurs et des victimes présumés de centres d'escroquerie se reposent lors d'une opération de répression des activités illicites menée par la Karen Border Guard Force (BGF) à Shwe Kokko, dans la commune orientale de Myawaddy (Myanmar), le 18 février 2025.

La Chine, la Thaïlande et la Birmanie ont lancé une vaste opération pour rapatrier des milliers de travailleurs exploités dans les centres de cyberfraude situés à la frontière birmano-thaïlandaise.

Ces réseaux criminels, qui génèrent des milliards de dollars, ont prospéré en Asie du Sud-Est, profitant d’une corruption généralisée et d’un faible contrôle des autorités locales.


Comment fonctionnent ces centres de cyberfraude ?


Ces centres, implantés dans des zones comme Shwe Kokko, Myawaddy et Kokang en Birmanie, Bokeo au Laos ou Poipet au Cambodge, sont protégés comme de véritables forteresses. Selon l'ONU, ils abritaient 120.000 travailleurs en Birmanie en 2023, principalement des Chinois, mais aussi des personnes venues de pays en développement d'Asie ou d'Afrique.

Beaucoup sont recrutés sous de fausses promesses d’emploi avant d’être contraints d’opérer sous un régime de quasi-esclavage. Leur mission consiste à escroquer des internautes via des stratagèmes impliquant:


  • Cryptomonnaies
  • Jeux de casino en ligne
  • Paris illégaux
  • Arnaques sentimentales

Les Nations unies ont documenté de graves violations des droits humains dans ces centres : violences physiques et sexuelles, confiscation des passeports, menaces de prélèvement d'organes…


Une répression accrue contre ces réseaux


En 2022, une vaste opération policière a ciblé Sihanoukville (Cambodge), mais les escrocs ont déplacé leurs activités vers la Birmanie, où le conflit civil post-coup d'État de 2021 leur offre un terrain propice.


Face à la pression croissante de Pékin, la junte birmane a été contrainte d’agir. En fin 2023, plusieurs dirigeants présumés de centres de cyberfraude ont été arrêtés dans la province de Kokang, frontalière de la Chine.

En février 2024, une opération de grande envergure a visé Shwe Kokko, entraînant entre le 20 et le 22 février le rapatriement de 600 travailleurs chinois. 7.000 autres devraient suivre dans les prochaines semaines.


Pourquoi agir maintenant ?


Pour la junte birmane, ces activités étaient une source importante de revenus dans une économie en crise. Mais la pression chinoise, couplée aux enjeux de sécurité nationale, a forcé le régime à changer de cap.

Selon Jason Tower, expert à l'Institut des États-Unis pour la paix, Pékin voit ces centres comme une menace :


  • Ils alimentent la colère de l’opinion publique chinoise
  • Certains réseaux criminels sont devenus si puissants qu’ils pourraient défier le Parti communiste chinois
  • La lutte contre ces gangs permet à Pékin de renforcer son influence policière en Asie du Sud-Est, facilitant l’extradition d’opposants

De son côté, la Thaïlande tente de redorer son image en matière de sécurité, essentielle pour attirer les touristes chinois, après plusieurs scandales liés aux trafics transnationaux.


Vers un véritable démantèlement des réseaux criminels ?


Si cette offensive marque une escalade sans précédent, son efficacité reste à prouver.


"Les centres de cyberfraude vont simplement se déplacer, comme ils l’ont déjà fait"
, estime Paul Greening, ancien expert de l'ONU basé à Mae Sot, en Thaïlande. Selon lui, les autorités arrêteront quelques
"chefs sans importance"
, pendant que les vrais responsables échapperont à la justice.

Cependant, la fermeture de l’électricité et de l’approvisionnement en essence par Bangkok à Shwe Kokko montre une volonté accrue d’agir.

Malgré cela, les criminels trouveront probablement d'autres sources d'approvisionnement, nuance Jason Tower.


Conclusion


L'opération menée par la Chine, la Thaïlande et la Birmanie représente un tournant dans la lutte contre les centres de cyberfraude en Asie du Sud-Est. Mais sans une coopération plus large et un véritable engagement à éradiquer la corruption, ces réseaux criminels risquent de se réorganiser ailleurs, perpétuant un cycle d’exploitation.


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