Cameroun: L'Alliance pour une Transition Politique et l'Alliance Politique pour le Changement dans le viseur du gouvernement

La rédaction
17:4619/03/2024, mardi
Yeni Şafak
Crédit Vidéo : Franck Péraise Mballa / Nouvelle Aube
Au Cameroun, l'Alliance pour une Transition Politique (ATP) et l'Alliance Politique pour le Changement (APC) se trouvent actuellement dans le viseur du gouvernement.

Le 12 mars 2024, le Ministre de l'Administration Territoriale (équivalent camerounais du Ministère de l’Intérieur), Paul Atanga Nji, a émis un communiqué officiel interdisant formellement les activités de deux alliances politiques de l'opposition, à savoir l'Alliance Politique pour le Changement (APC) et l'Alliance pour une Transition Politique au Cameroun (ATP). Cette décision semblerait avoir pour but d’entraver toute tentative de déploiement de ces deux mouvements qui ont clairement affiché leur intention de proposer une alternative à la candidature du président Paul Biya en 2025.

La publication de ce communiqué de presse a suscité une vive réaction au sein de l'opinion publique, des observateurs politiques ainsi que de l'un des principaux leaders des deux mouvements, en la personne du Professeur Olivier Bilé, qui dirige l'ATP. Ce dernier se sent particulièrement visé par cette prise de position du Ministère de l'Administration Territoriale (MINAT).


Origine et Objectifs de l'ATP


Fondée il y a deux mois dans le dessein de rassembler les forces et les compétences de l'opposition camerounaise, l'ATP s'est donnée pour mission principale de promouvoir une transition politique pacifique et démocratique au Cameroun. Cette transition vise à réformer et à réorganiser le pays sur les plans institutionnel, politique, électoral, socio-économique et socioculturel.


Dans un contexte marqué par la longévité du président Paul Biya au pouvoir et les spéculations sur une éventuelle guerre fratricide au sein de la majorité présidentielle ainsi que, sur une éventuelle succession familiale susceptible de générer des tensions politiques et sociales (de nombreux analystes politiques présagent que le fils de l’actuel Président seraient un candidat acceptable), une transition paisible et démocratique s'avère cruciale pour garantir la stabilité du pays.
Pour ce faire, l'alliance a entrepris des consultations avec des figures de l'opposition et de la société civile, dont Joshua Osih, leader du Social Democratic Front (SDF), Cabral Libii, Président du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), Maître Akere Muna, ancien candidat malheureux à la dernière élection présidentielle et bâtonnier et Philippe Nanga connu pour être un fervent défenseur des droits de l’Homme.

Elle a cependant en face d’elle l’APC dont le leader est Maurice Kamto du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), soutenu par l’Honorable Nintcheu, un autre éminent cadre du Social Democratic Front (SDF), deux figures majeures, semblant pour l'instant se tenir à distance du projet. Maurice Kamto , candidat malheureux de la dernière élection présidentielle, s’était lui-même mis à dos une partie de l’opposition après avoir boycotté les élections législatives.


L'ATP, une menace pour le pouvoir en place ?


Le Ministre de l'Administration Territoriale a dans son communiqué qualifié l'ATP (tout comme l’APC) de
"mouvement clandestin"
au sens de la loi et a menacé de considérer toute tentative d'organiser des activités sous son nom comme un
"casus belli"
. En effet (selon le communiqué),
"les promoteurs de ces mouvements clandestins sont allés rencontrer en prison des terroristes définitivement condamnés pour des crimes graves planifiés et orchestrés dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest dans le but de nouer une alliance politique"
.

Autrement dit, ces alliances constitueraient une menace car elles sont susceptibles de créer un trouble à l’ordre public ce qui serait inacceptable.

L'ATP : "Nous continuerons à travailler pour le peuple camerounais"


Le leader de l'ATP interviewé par téléphone par un journaliste répond au communiqué qui a provoqué beaucoup d'agitation :


Nous continuerons à travailler pour le peuple camerounais.

Olivier Bilé a souligné que la plateforme ATP est dans son plein droit et que la réaction du Ministre de l’Administration Territoriale est sans importance, car les rassemblements de partis politiques ne sont pas rares au Cameroun, comme en témoigne la coalition autour du parti au pouvoir sous la dénomination de majorité présidentielle ou le G20. Par conséquent, l’ATP ne fera aucun commentaire à ce sujet. En outre, même s'il n'a pas rencontré Ayuk Tabe, le leader sécessionniste "ambazonien" détenu en prison, Olivier Bilé a réaffirmé le droit des prisonniers à recevoir des visites et a précisé que sa plateforme n'avait pas à être mentionnée dans le communiqué si la rencontre avec le sécessionniste en était le prétexte.


Quelles perspectives pour l’opposition camerounaise ?


A la veille des élections présidentielles camerounaises de 2025, l'opposition camerounaise fait face à plusieurs défis et secousses qui pourraient impacter ses perspectives.
Parmi ces défis figurent les divisions internes au sein de l'opposition, les pressions et intimidations du gouvernement en place, ainsi que les difficultés à mobiliser efficacement la population autour d'un projet commun.

Malgré ces défis, l'opposition camerounaise peut saisir l'occasion des élections présidentielles de 2025 pour renforcer son unité, sa stratégie et sa mobilisation ; ce qui apparaît pour l’instant peu envisageable. D’ici là, just wait and see.


Par Franck Péraise Mballa

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