
La Türkiye modernise sa marine avec des frégates İSTİF, des sous-marins Reis et un futur porte-avions, renforçant sa puissance militaire dans un monde bouleversé et plus incertain.
Le contexte des opérations navales devient de plus en plus complexe et dangereux. La guerre en Ukraine a montré comment les drones navals armés et les missiles antinavires ont mis en difficulté la flotte russe de la mer Noire. Le croiseur Moskva, navire amiral de la flotte russe, a ainsi été l'une des premières et des plus spectaculaires pertes du conflit.
Par ailleurs, les capacités asymétriques mises en avant par les Houthis au Yémen constituent une menace sérieuse, notamment dans les points géopolitiques stratégiques, avec un impact potentiel sur le transport maritime international. Une grande partie du commerce mondial repose toujours sur la navigation, et les navires commerciaux turcs ont parfois été la cible d’attaques houthies.
Dans ce contexte international, la Türkiye se distingue parmi les pays membres de l’OTAN par sa modernisation navale. Si elle mène à bien son projet de construction de 31 nouveaux navires de guerre, elle disposera de l'une des marines les plus performantes en Méditerranée et, potentiellement, de la flotte la plus étendue en termes d’inventaire. Cet article se concentrera sur les projets les plus notables de la marine turque.
Frégates de classe İSTİF
L'un des aspects marquants de la modernisation de la marine turque est l’augmentation significative de son inventaire de frégates. Forte de l'expérience industrielle et militaire acquise avec la construction des quatre corvettes de classe Ada, la Türkiye a intégré ces avancées technologiques à la classe İSTİF à partir du cinquième navire.
En 2023, la frégate TCG İstanbul (F-515) est entrée en service, marquant le début d'une nouvelle famille de frégates. Sept autres plateformes seront construites. Une particularité de ce programme est que certaines de ces frégates seront produites dans des chantiers navals privés, renforçant ainsi la capacité industrielle du pays.
Les infrastructures navales et les capacités de production de navires de guerre sont des éléments essentiels de la compétition stratégique mondiale. Aux États-Unis, l’essor des capacités de production navale chinoises est l’un des sujets de préoccupation majeurs dans les cercles stratégiques.
Sous-marins de classe Reis: discrets et stratégiques
Un autre développement majeur concerne les sous-marins, avec un programme de plusieurs milliards de dollars. La Türkiye se dote de sous-marins de classe Reis équipés d’un système de propulsion anaérobie (AIP), lui conférant un avantage stratégique considérable.
Les sous-marins sont souvent comparés à des tireurs d’élite embusqués dans une forêt sombre : leur simple présence, même supposée, peut perturber les opérations ennemies. Un sous-marin peut paralyser les activités d’une flotte adverse. Son silence et son autonomie sous-marine sont donc des facteurs cruciaux.
Les sous-marins à propulsion diesel-électrique sont discrets, mais doivent remonter périodiquement à la surface pour recharger leurs batteries. À l’inverse, les sous-marins nucléaires peuvent rester submergés très longtemps, mais leur propulsion est plus bruyante. Les sous-marins AIP offrent un compromis en combinant discrétion et endurance accrue sous l’eau.
Leur armement revêt une importance stratégique. Ils seront dotés des missiles antinavires Atmaca et des torpilles lourdes AKYA. Toutefois, l’ajout du missile de croisière Gezgin marquera une avancée significative. S’il est opérationnel, ce missile conférera à la flotte sous-marine turque une capacité similaire à celle des missiles Tomahawk américains ou Kalibr russes, renforçant ainsi le rôle stratégique de ces plateformes.
Destroyer de défense aérienne TF-2000
Le projet TF-2000 est un autre programme majeur de construction navale. Il vise à doter la Türkiye d’une capacité de défense aérienne avancée. Ce projet a été approuvé dès 2007 par le Comité exécutif des industries de défense, mais sa mise en œuvre effective a pris du temps.
Les récents conflits, notamment la guerre en Ukraine et les attaques des Houthis, ont montré l’importance croissante des menaces telles que les drones, les missiles balistiques antinavires et les missiles de croisière. Le TF-2000 fournira une protection clé contre ces menaces pour les groupes de combat navals turcs.
Ce type de destroyer se distingue par son architecture de capteurs sophistiquée, nécessitant des capacités de traitement de données considérables. De plus, il sera équipé de la famille de missiles de défense aérienne Siper. Grâce à ses missiles longue portée et haute altitude, il ne se limitera pas à la protection de sa propre flotte, mais pourra également jouer un rôle dans des missions d’interdiction maritime (A2/AD).
Avec le soutien d’un groupe de combat adapté, le TF-2000 pourrait ainsi sécuriser des points de passage stratégiques et imposer des restrictions d’accès à certaines zones maritimes. Combiné aux sous-marins de classe Reis et aux drones navals armés turcs, il formera un dispositif de dissuasion maritime efficace.
Le futur porte-avions turc
Enfin, l’un des projets les plus ambitieux et médiatisés concerne la construction d’un porte-avions national. Posséder un porte-avions est un indicateur clé des ambitions géopolitiques d’un pays.
Après la mise en service du TCG Anadolu, un navire d’assaut amphibie pouvant être utilisé comme un mini-porte-avions, la Türkiye vise la construction d’un véritable porte-avions. Une fois ce projet réalisé, elle rejoindra un cercle restreint de pays de l’OTAN – les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Italie – disposant de telles capacités.
Contrairement à d’autres marines, la Türkiye mise sur des systèmes aériens sans pilote pour ses opérations embarquées. Grâce à son expertise dans les drones armés, elle prévoit d’intégrer des appareils comme le KIZILELMA et l’ANKA III sur son futur porte-avions. Du côté des aéronefs pilotés, le HÜRJET devrait être le principal chasseur embarqué, tandis que le drone TB-3 devrait également être intégré à cette plateforme.