Quel Trump dit la vérité ?

15:4322/06/2025, Sunday
MAJ: 22/06/2025, Sunday
Abdullah Muradoğlu

Le président américain Donald Trump attribuait l’échec de certaines de ses promesses électorales au cours de son premier mandat à ce qu’il appelait l’"État profond". Cette expression désigne un groupe obscur de bureaucrates et d’élites politiques exerçant une influence excessive sur les politiques gouvernementales, indépendamment du pouvoir élu. Pour les partisans de Trump, l’"État profond" est également responsable des "guerres sans fin" qui ont coûté des milliers de vies et des milliards de dollars

Le président américain Donald Trump attribuait l’échec de certaines de ses promesses électorales au cours de son premier mandat à ce qu’il appelait l’"État profond". Cette expression désigne un groupe obscur de bureaucrates et d’élites politiques exerçant une influence excessive sur les politiques gouvernementales, indépendamment du pouvoir élu. Pour les partisans de Trump, l’"État profond" est également responsable des "guerres sans fin" qui ont coûté des milliers de vies et des milliards de dollars aux contribuables américains. En somme, tous les maux de l’Amérique auraient pour origine l’"État profond".


Trump a promis à plusieurs reprises qu’il débarrasserait l’administration fédérale de ces éléments de l’"État profond" s’il obtenait un second mandat. La nomination de Tulsi Gabbard, ancienne démocrate ralliée aux républicains, à la tête du renseignement national, s’inscrivait dans cette logique.


Lors d’un briefing de routine devant le Congrès en mars dernier, Gabbard a déclaré qu’il n’existait pas de preuve indiquant que l’Iran menait un programme systématique visant à se doter de l’arme nucléaire. Interrogé à son retour du sommet du G7 au Canada sur cette déclaration, Trump répondit : "Je me fiche de ce qu’elle dit, ils étaient tout proches de l’arme." Il est difficile de croire que Trump lui-même croit à ce qu’il dit. Il semble plutôt chercher à préparer le terrain pour une éventuelle implication directe des États-Unis dans la guerre d’Israël.


Un prétexte semblable avait déjà été utilisé lors de l’invasion de l’Irak en 2003. Avant les élections de 2016, Trump avait pourtant accusé l’administration Bush d’avoir menti au peuple américain. Il déclarait alors : "Ils ont menti. Ils ont dit qu’il y avait des armes de destruction massive, mais il n’y en avait pas. Et ils le savaient." Le néoconservateur Mark Levin avait vivement réagi à ces propos en qualifiant Trump de "fou radical". Il lui avait lancé : "Tu es un menteur" et accusé d’avoir franchi la ligne rouge.


Aujourd’hui, ce même Mark Levin souffle à l’oreille de Trump : "Bombarde l’Iran, bombarde l’Iran, bombarde l’Iran." Le commentateur conservateur Tucker Carlson, opposé à une guerre contre l’Iran, a publiquement dénoncé les tentatives de Levin pour convaincre Trump de faire entrer les États-Unis en guerre. Le fossé sur la question iranienne au sein du camp trumpiste se manifeste notamment à travers cette opposition entre Levin et Carlson.


En mai dernier, Trump avait encore critiqué les néoconservateurs depuis Riyad. Il connaît bien leur manière de faire. Alors que des pourparlers étaient en cours avec Téhéran, Trump a néanmoins laissé Israël frapper l’Iran, montrant ainsi qu’il réagit davantage à la situation du moment qu’à une stratégie définie. Le fait qu’il ait ensuite donné deux semaines à l’Iran pour conclure un accord va également dans ce sens.


Cette "échéance de deux semaines" est une mauvaise nouvelle pour Israël, qui s’impatiente de voir les États-Unis attaquer l’Iran. Face à cette hâte israélienne, l’Iran fait preuve d’une stratégie de résistance sur le long terme. On peut douter que Trump sache lui-même quelle décision il finira par prendre. Winston Churchill disait en 1939 à propos de la Russie : "C’est une devinette enveloppée de mystère au sein d’une énigme." Les propos incohérents de Trump me rappellent cette phrase.


En réalité, si la situation actuelle a dégénéré, c’est en grande partie à cause de Trump lui-même, qui a annulé en 2018 l’accord nucléaire iranien signé par Barack Obama en 2015. Cédant aux exigences de ses riches donateurs sionistes, Trump avait alors retiré les États-Unis de l’accord. Aujourd’hui, le "lobby Netanyahou" tente de le pousser dans ses retranchements pour torpiller tout espoir de négociation avec Téhéran.


Ce lobby mène une campagne intense pour convaincre Trump que seule la technologie de bombardement américaine pourrait neutraliser les installations nucléaires iraniennes. Mais certains experts estiment qu’un bombardement ne suffirait pas et que cela ouvrirait la voie à une guerre terrestre avec l’Iran. Une telle intervention risquerait d’engendrer un conflit d’abord régional, puis potentiellement mondial. Trump serait-il aveugle à ce piège ?


L’objectif de Netanyahou est de faire en sorte que les États-Unis lancent la première bombe. Il sait très bien ce que cela déclenchera ensuite. Cette première frappe serait le glas de la politique "America First" de Trump. Elle ouvrirait les portes de l’enfer et marquerait le début d’une nouvelle ère où les Américains mèneraient une guerre qui ne sert pas leurs intérêts nationaux, mais ceux d’Israël.


Le "jugement de l’histoire sur Trump" dépendra des décisions qu’il prendra maintenant. Se souviendra-t-on de lui comme de celui qui voulait mettre fin aux guerres sans fin, ou comme de celui qui en a ajouté une nouvelle ? Trump, qui rêve d’un prix Nobel de la paix, risque bien de recevoir à la place, de la part d’Israël, un prix de la guerre, de la destruction et du chaos. Le récit de "l’Amérique d’abord" pourrait bien se transformer en une tragédie intitulée "Le désastre américain".

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