"Bientôt on va les faire exploser vos merde de mosquée comme en chine au Japon et en serbie." C’est l’un des nombreux commentaires qui sont apparus sous la publication de Marion Maréchal Le Pen. Et j’ai laissé les fautes volontairement, parce qu’elles montrent parfaitement le paradoxe : ceux qui parlent d’intégration et d’identité nationale sont bien souvent les premiers à maltraiter la langue qu’ils prétendent défendre. Et malgré cela, ils s’arrogent le droit de décider qui serait "assez français"
"Bientôt on va les faire exploser vos merde de mosquée comme en chine au Japon et en serbie."
C’est l’un des nombreux commentaires qui sont apparus sous la publication de Marion Maréchal Le Pen.
Et j’ai laissé les fautes volontairement, parce qu’elles montrent parfaitement le paradoxe :
ceux qui parlent d’intégration et d’identité nationale sont bien souvent les premiers à maltraiter la langue qu’ils prétendent défendre.
Et malgré cela, ils s’arrogent le droit de décider qui serait
"assez français"
ou non.
La vidéo de Marion Maréchal devant la mosquée Eyyub Sultan
Tout est parti d’une vidéo dans laquelle Marion Maréchal se filme devant la mosquée Eyyub Sultan de Strasbourg et déclare qu’elle n’est
"pas à Istanbul mais à Strasbourg".
L’idée est très claire : présenter une mosquée française comme un élément étranger, comme une anomalie, comme une menace. Elle ne parle pas d’architecture, elle ne parle pas d’urbanisme. Elle parle d’une présence religieuse que, selon elle, la France ne devrait pas tolérer.
Marion Maréchal Le Pen relance une polémique en qualifiant le vote “d’arme” pour s’opposer à la mosquée de Strasbourg, alors que les actes islamophobes explosent en #France. #islamophobiepic.twitter.com/iZky2O3wLJ
— Nouvelle Aube - Yeni Şafak Français (@nouvelleaubefr) December 2, 2025
Ce n’est donc pas une discussion sur la laïcité. Pas un débat sur l’organisation du culte. Pas une question de sécurité.
C’est un message simple : l’islam n’aurait pas sa place en France.
Et elle le dit en utilisant une mosquée comme décor politique, exactement comme on choisit un fond d’écran pour renforcer un discours prédéfini.
La laïcité instrumentalisée
Le plus frappant dans ses propos, c’est l’incohérence assumée. Elle rejette les prières de rue. Mais elle rejette aussi les mosquées. Elle affirme que la religion doit être privée, tout en s’attaquant aux lieux privés où les musulmans pratiquent leur foi. Elle parle de défense de la République, mais c’est la liberté de culte qu’elle vise en réalité.
Qu’on ne s’y trompe pas : son discours ne cherche pas l’équilibre. Il cherche l’exclusion.
Le but est de restreindre, étape par étape, la présence musulmane dans l’espace public et dans l’espace privé.
Un appel à la violence qui ne dit pas son nom
Ce qui devient dangereux, ce n’est plus seulement ses déclarations. Ce sont les réactions qu’elles provoquent. Sous ses vidéos, des milliers de commentaires parlent de
"faire exploser"
, "rayer",
"dégager"
les mosquées. Des appels explicites à passer à l’acte. Et ils restent là, publics, visibles, banalisés.
Crédit Photo : Nouvelle Aube /
De nombreux appels à la violence passent inaperçus aux yeux des autorités françaises, qui continuent de considérer les musulmans comme des citoyens de seconde zone malgré des déclarations affirmant le contraire.
On se souvient pourtant que des associations ont été dissoutes et des mosquées fermées parce que des commentaires haineux n’avaient pas été supprimés assez vite.
Mais lorsque ces appels à la violence concernent des musulmans, et qu’ils apparaissent sous les publications de responsables politiques ou de médias nationaux, il n’y a plus personne.
Pas un rappel à la loi. Pas une enquête. Pas une réaction institutionnelle.
On découvrira peut-être un jour que la laïcité ne protège pas tout le monde de la même manière.
Tout devient "islamisme", même l’existence
D’ailleurs, l’argument principal de Marion Le Pen, c’est l’accusation d’
"islamisme"
. Ce mot permet aujourd’hui d’englober tout ce qui touche à l’islam :
prier, jeûner, porter un voile, entrer dans une mosquée.
Comme l’explique l’islamologue Olivier Roy dans son entretien pour le site ORIENT XXI :
"Aujourd’hui, toute visibilité de la pratique religieuse de l’islam est vue comme une manifestation de l’islamisme, un terme fourre-tout qui n’a plus grand-chose à voir avec la définition qu’il avait reçue en sciences politiques".
Ainsi, toute visibilité religieuse musulmane est interprétée comme une menace.
On ne distingue plus croyance et politique. Et plus le mot est flou, plus il devient utile pour accuser n’importe qui.
Certains affirment que les musulmans voudraient effacer la culture chrétienne. Mais l’histoire dit autre chose. L’arrivée des musulmans en France dans les années 60 s’est faite
"en pleine déchristianisation du pays"
, toujours selon Roy. La société française avait déjà commencé à s’éloigner de la pratique religieuse. Et ce ne sont pas les musulmans qui demandent la fin des crèches, des jours fériés ou des traditions chrétiennes. Il ne faut pas oublier que Jésus et Moïse sont des prophètes respectés.
On oublie aussi qu’à une époque, quand il n’y avait pas de mosquées, ce sont des Églises qui ont ouvert leurs portes aux musulmans pour qu’ils puissent prier. Personne n’y voyait une menace. La coexistence ne posait pas de problème jusqu’à ce que certains décident d’en fabriquer un.
Les raccourcis dangereux
Aujourd’hui, un sondage suffit à transformer des adolescentes qui portent le voile en
"islamistes".
Et lorsqu’on ne sait plus quoi dire, on sort l’argument des
"Frères Musulmans"
, même si aucune structure, aucun parti, aucun média en France ne s’en réclame. C’est devenu une étiquette pratique pour faire taire les critiques et discréditer ceux qui ne rentrent pas dans le cadre politique dominant.
Et lorsqu’on cite les pays du Golfe où le mouvement est interdit, on oublie toujours de préciser que ces États sont des monarchies autoritaires qui interdisent tout ce qui peut ressembler, de près ou de loin, à une demande de démocratie.
Ce n’est pas un modèle. C’est un avertissement.
Et les mosquées dans tout ça ?
En effet, pourquoi sont-elles toujours au centre des attaques ? Parce qu’elles sont visibles. Parce qu’elles incarnent l’existence des musulmans en France.
Parce qu’elles sont inscrites dans le paysage, comme n’importe quel lieu de culte.
Pour ceux que cela dérange, les mosquées représentent une réalité qu’ils voudraient effacer symboliquement… ou physiquement.
Malgré les incendies criminels, les menaces et les profanations, ces lieux resteront. Ils font partie de la France. Ils font partie des citoyens qui y vivent. Les autorités devraient s’en souvenir avant que les paroles ne se transforment définitivement en actes.
Et avant que la normalisation de la haine ne finisse par exploser, littéralement, au pied d’une mosquée.
Note: Vous pouvez faire un don pour la construction de la mosquée d'Eyyup Sultan à Strasbourg en se rendant sur le site