En août 2011, lorsque le régime a commencé à répondre avec des balles réelles et à encercler les villes avec des chars face aux manifestations pacifiques et non armées de la population civile syrienne exigeant des réformes politiques, le ministère des Waqfs de Syrie a lancé une chaîne satellitaire appelée "Nûru'ş-Şâm" (La Lumière de Damas). Cette chaîne, créée pour tenter d’arrêter l’opposition au régime par le biais des "textes religieux", avait comme l’un de ses premiers invités en direct le célèbre érudit Prof. Dr. Mohammed Saïd Ramadan al-Bouti, qui entretenait des relations personnelles étroites avec la famille Assad depuis de nombreuses années. Al-Bouti, fidèle à sa position habituelle, qualifiait l’opposition au régime de "fitna" (discorde) et soulignait la nécessité d'obéir aux dirigeants.
Dans les mois qui suivirent, alors que l’intervention des forces armées syriennes contre la population civile atteignait des proportions de massacre, le régime fit un pas de plus pour éviter des fissures dans la classe des oulémas et ainsi maintenir un contrôle plus facile sur les masses. Le 11 avril 2012, la création de l’"Union des Oulémas du Bilad al-Cham" fut annoncée. Comme on pouvait s’y attendre, la présidence de l’Union fut confiée au Prof. Dr. Mohammed Saïd Ramadan al-Bouti. Cette union, qui incluait également des membres du Liban, de la Jordanie et de la Palestine, avait été conçue comme un pendant et une alternative à l’Union Internationale des Savants Musulmans dirigée par le Prof. Dr. Yusuf al-Qaradawi depuis Doha, la capitale du Qatar. De cette manière, Al-Bouti devint un rival déclaré de Qaradawi, qu'il n'appréciait pas du tout.
Simultanément, le ministre des Waqfs, Mohammed Abd al-Sattar al-Sayyid, l’un des hommes les plus fiables de Bachar al-Assad, entreprit de restructurer les institutions religieuses de Damas. Al-Sayyid, qui avait prouvé sa loyauté en tant que mufti de Tartous – l’une des régions les plus critiques pour le régime Baas – entre 1985 et 2002, avait occupé le poste de vice-ministre entre 2002 et 2007 avant de devenir ministre. Peu après son entrée en fonction, dans l’une de ses premières déclarations, il annonça qu’il mettrait fin à "l’anarchie dans la hiérarchie religieuse". Cependant, il était en concurrence acharnée avec Sheikh Ahmed Badr al-Din al-Hassoun, récemment nommé mufti de Syrie.
Profitant du soulèvement populaire, le ministre al-Sayyid annonça la création de l’"Université des Sciences Islamiques du Bilad al-Cham", regroupant sous un même toit trois grandes et anciennes institutions religieuses de Damas : l’Institut Fath al-Islami, dirigé par la célèbre famille Farfour ; la Faculté Abou al-Nour, fondée par l’ancien mufti de Syrie Sheikh Ahmed Kaftaro ; et la Faculté Sayyida Rouqayya, affiliée au chiisme. Avec cette décision, pour la première fois depuis sa création en 1956, l’Institut Fath al-Islami fut officiellement reconnu par l’État syrien, permettant à ses diplômés et affiliés d’accéder à des postes de fonctionnaires. En revanche, la Faculté Abou al-Nour, qui avait été le joyau du régime Baas sous Sheikh Kaftaro, fut rétrogradée. Quant à la Faculté Sayyida Rouqayya, elle fut promue officiellement et placée sous la tutelle de l’État, visant à diffuser le chiisme à Damas et dans l’ensemble de la Syrie.
Alors que des massacres sanglants étaient perpétrés en Syrie par des milices iraniennes et du Hezbollah, une délégation d’oulémas dirigée par le ministre des Waqfs Mohammed Abd al-Sattar al-Sayyid se rendit à Téhéran, capitale de l’Iran, pour rencontrer le Guide Suprême Ayatollah Ali Khamenei le 1er mars 2018. Parmi les participants, on notait également cinq représentantes de la communauté féminine pro-régime des Kubaysiyat. Parmi les figures marquantes présentes à cette réunion figuraient : Sheikh Houssam al-Din Farfour, président du conseil d’administration de Fath al-Islami ; Mohammed Sharif Sawwaf, président du conseil d’administration de la Faculté Abou al-Nour ; Mohammed Tawfiq al-Bouti (dont le père Saïd Ramadan al-Bouti avait été tué à Damas en 2013) ; le mufti de Damas Adnan Afyouni (qui sera tué en 2020)... Le déplacement collectif des oulémas sunnites damascènes au pied de Khamenei illustrait la domination et la mainmise de l’Iran sur la Syrie.
La rivalité entre le ministre des Waqfs al-Sayyid et le mufti de Syrie Hassoun se termina en 2021 par la victoire de Sayyid. Un décret signé par Bachar al-Assad annonça l’abolition complète du poste de mufti et précisa qu’un conseil scientifique, dirigé par le ministre al-Sayyid, superviserait désormais la vie religieuse en Syrie. Un tiers des membres de ce conseil serait directement nommé par l’Iran et inclurait des personnalités chiites ou pro-iraniennes.
Le régime Baas a détruit la Syrie non seulement sur les plans politique, social ou économique, mais aussi sur le plan de la vie religieuse. Dans le prochain article, nous discuterons de la manière dont les anciens oulémas et institutions pro-régime ont pris position dans cette nouvelle période. Car les transformations en Syrie ont réservé les plus grandes surprises à ces derniers.
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