La meilleure réponse de l’OCI serait peut-être de reconnaître le Hamas

10:2017/09/2025, mercredi
Yasin Aktay

Le ciblage à Doha, au Qatar, par l’occupant sioniste et génocidaire Israël de la délégation du Hamas venue discuter des propositions de cessez-le-feu aux États-Unis signale à la fois une nouvelle étape dans son agressivité et l’entrée en choc des équilibres régionaux. Ce choc constitue d’ores et déjà un avertissement et un signal d’alarme quant au fondement de sécurité et de légitimité sur lequel reposent surtout les pays du Golfe. La réalité selon laquelle la grande puissance qu’ils considéraient

Le ciblage à Doha, au Qatar, par l’occupant sioniste et génocidaire Israël de la délégation du Hamas venue discuter des propositions de cessez-le-feu aux États-Unis signale à la fois une nouvelle étape dans son agressivité et l’entrée en choc des équilibres régionaux.


Ce choc constitue d’ores et déjà un avertissement et un signal d’alarme quant au fondement de sécurité et de légitimité sur lequel reposent surtout les pays du Golfe.


La réalité selon laquelle la grande puissance qu’ils considéraient comme alliée, voire protectrice, n’est pas seulement incapable de les protéger mais est elle-même à l’origine de la menace est devenue évidente avec cette attaque. Personne ne laisse entendre que l’attaque israélienne contre le Qatar se serait déroulée à l’insu des États-Unis. Qui plus est, le Qatar entretient des relations très étroites avec les États-Unis et la délégation de négociation du Hamas n’est pas à Doha pour s’opposer volontairement à Washington.


LES PAYS MUSULMANS À UN TOURNANT


Pour autant, le silence des États-Unis face à l’agressivité israélienne ne signifie pas nécessairement que les États-Unis soient l’otage d’Israël. Dans les relations Israël-États-Unis, c’est exactement l’inverse qui est vrai. On peut interpréter le fait que l’attaque israélienne ait été, au mieux, tolérée, comme la manière dont les États-Unis dictent aux parties les nouvelles limites de leur prétention à l’hégémonie régionale. Comme l’a souvent rappelé l’ancien officier américain Scott Ritter — remarque qui revient en force après l’attaque contre le Qatar — :


"Les États-Unis n’ont pas de véritables alliés : 'Ceux que nous appelons alliés ne le sont pas vraiment, parce que nous les trahirons et l’avons déjà fait... Avec les États-Unis, lorsque tu signes un accord, ils t’utilisent comme un outil ; nous ne sommes l’ami de personne'."

Ces paroles formulent, de façon crue et réaliste, ce que les États-Unis entendent par amitié, alliance et puissance. L’histoire des relations passées des États-Unis avec leurs alliés fournit d’innombrables exemples confirmant cette vision. Les États-Unis n’agissent ni par vertu, ni par bonté, ni par loyauté ; ils envisagent la relation comme une hiérarchie de domination. Ceux qui nouent une alliance avec eux peuvent entretenir d’autres attentes ou rêves — peu importe si cela plaît aux États-Unis.


Même au sein de l’opinion publique américaine, le soutien à Israël diminue progressivement ; les États-Unis n’ont donc aucune dette de loyauté envers Israël non plus. C’est pourquoi il faut adresser directement à Washington les critiques ou les appels à sanctions contre Tel-Aviv. Si l’attaque récente contre le Qatar constitue un test de limites, la réponse des parties mises à l’épreuve déterminera si elles acceptent leur position actuelle dans cette relation ou si elles manifestent la volonté de s’en extraire.


Comme l’exprime très bien l’écrivain palestinien Said el-Hajj dans un texte publié sur aljazeera.net :
"Soit cette agression manifeste se transformera en une opportunité pour arrêter le génocide à Gaza et les agressions régionales, soit Netanyahu et son gouvernement se sentiront encouragés à intervenir davantage dans la région."

QUI PEUT ARRÊTER ISRAËL SI CE N’EST PAS VOUS ?


L’opportunité semble s’être ouverte lorsque l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et la Ligue arabe ont tenu, à la suite de l’attaque contre le Qatar, un sommet conjoint extraordinaire. Tous les pays islamiques et arabes ont déclaré qu’ils considéraient l’attaque contre le Qatar comme une attaque dirigée contre eux et ont proclamé leur solidarité avec Doha. Ils ont témoigné d’un niveau de conscience plus élevé, reconnaissant que l’attaque contre le Qatar pouvait annoncer une série d’attaques visant également d’autres États.


Le président Erdoğan a déclaré que
"le monde islamique possède la détermination nécessaire pour faire échouer les ambitions expansionnistes d’Israël"
et, cette fois, il a proposé concrètement les contributions que la Türkiye pourrait apporter à une action commune :

"Nous savons que nous disposons des moyens pour empêcher cela. Il est désormais impératif que nous devenions autonomes dans certains domaines. En tête figurent une industrie de défense dissuasive et le développement économique. Nous souhaitons partager nos capacités et nos expériences avec vous, frères. Je pense que nous devons intensifier dès maintenant notre coopération dans ces domaines afin de gagner les prochaines décennies."

Tous les dirigeants ont vivement critiqué, maudit et condamné Israël. Pourtant, comme d’habitude, aucun résultat concret différent n’en est ressorti. Israël a lancé une attaque terrestre d’occupation sur Gaza pendant le sommet des pays islamiques à Doha : dans les premières heures, plus de 50 civils, dont des enfants, ont été tués, des dizaines de milliers de bâtiments ont été détruits, et Israël poursuit, avec insolence, sa provocation envers le monde islamique.


Le langage et l’attitude des sommets de l’OCI et de la Ligue arabe ne sont en rien dissuasifs. Ils ne peuvent pas l’être, parce que ce discours révèle d’abord un manque flagrant de confiance en soi, d’engagement et une certaine aliénation. À qui s’adressent des formules telles que
"Israël doit être arrêté"
,
"Que quelqu’un arrête Israël"
,
"La communauté internationale doit imposer des sanctions à Israël"
,
"Qu’on intervienne efficacement contre Israël"
? Même si mille déclarations de ce type étaient publiées et un million de réunions tenues, personne n’en serait dissuadé — est-ce si difficile à comprendre ?

Or, si l’on part de l’affirmation d’Erdoğan
"nous savons que nous avons la capacité de l’empêcher",
et si l’OCI et la Ligue arabe retrouvaient un peu de confiance en leurs propres forces, il ne serait pas nécessaire de demander l’aide de quiconque pour stopper Israël. Les pays islamiques pourraient l’arrêter directement.

L’ISLAM MONDIAL DISPOSE DE PLUS DE LEVIERS CONTRE LES ÉTATS-UNIS QUE L’ON NE LE PENSE


L’adversaire direct doit être les États-Unis. Ils pourraient dire :
"Toi, États-Unis, retire enfin ce chien enragé de la région ; sans ton appui, ce chien n’oserait même pas aboyer, nous le savons désormais !"
Peut-être ne pourraient-ils pas le faire seuls, mais s’ils adoptent une posture collective, ils feront sentir la gravité de leur position.

Il est injuste et inutile de présenter comme un succès propre le fait que la solidarité mondiale envers la Palestine, née de l’agression israélienne, conduise à la reconnaissance d’un État palestinien. Cette
"victoire"
découle en réalité du sacrifice du peuple de Gaza qui a rendu sa cause visible au monde. Les pays islamiques, jusqu’à présent, n’ont rien fait de concret pour la Palestine. En outre, la reconnaissance d’un État palestinien n’a, en l’état des rapports de force et des capacités de sanction,
aucun effet sur Israël.

À ce stade, il existe pourtant une mesure plus simple et plus efficace : puisque Israël a attaqué la délégation de négociation du Hamas et, par son action contre le Qatar, a défié de manière éclatante et collective le monde islamique, la meilleure riposte ne serait pas de reconnaître la Palestine mais de reconnaître le Hamas — exactement comme Erdoğan l’a décrit — en tant que
"Kuva-yı Milliye".

AUJOURD’HUI, LE SEUL ACTEUR QUI COMBAT SUR LE TERRAIN CONTRE CETTE PUISSANCE ENRAGÉE QUI A DÉCLARÉ OUVERTEMENT ET OUTRAGEUSEMENT SON HOSTILITÉ AU MONDE ISLAMIQUE, C’EST LE HAMAS.


Par conséquent, prendre officiellement le parti du Hamas et annoncer l’ouverture des portes au mouvement constituerait la meilleure réponse à adresser à Israël et à son maître, les États-Unis. Ni l’État génocidaire d’Israël, ni les États-Unis qui incitent ses crimes, n’ont aujourd’hui la position morale pour qualifier le Hamas ou toute autre entité de
"terroriste"
. Le Hamas se sacrifie et se bat au nom de tous les musulmans pour sauver l’honneur de la communauté musulmane.

Aujourd’hui, le soutenir est une démarche bien plus efficace et pertinente que la simple reconnaissance d’un État palestinien. Cela signifierait, de surcroît, que le monde islamique refuse d’accepter publiquement l’humiliation qu’on lui inflige.

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