La vague de répercussions du Déluge d’al-Aqsa: la guerre Iran-Israël

18:4128/06/2025, samedi
MAJ: 28/06/2025, samedi
Yasin Aktay

Lorsque Trump a appelé la guerre entre l'Iran et Israël "la guerre des 12 jours", il faisait d'une part référence à la précédente "guerre des 6 jours" et, d'autre part, il donnait aux parties un ordre implicite de ne pas laisser la guerre continuer un 13e jour, en disant en quelque sorte "ça suffit". Mais le chiffre 12 aura aussi une autre connotation mystique-symbolique pour l’Iran chiite qui croit aux 12 Imams. Cet aspect de l’affaire est peut-être l’un des reflets les plus simples de la guerre.

Lorsque Trump a appelé la guerre entre l'Iran et Israël "la guerre des 12 jours", il faisait d'une part référence à la précédente "guerre des 6 jours" et, d'autre part, il donnait aux parties un ordre implicite de ne pas laisser la guerre continuer un 13e jour, en disant en quelque sorte "ça suffit". Mais le chiffre 12 aura aussi une autre connotation mystique-symbolique pour l’Iran chiite qui croit aux 12 Imams.


Cet aspect de l’affaire est peut-être l’un des reflets les plus simples de la guerre. Mais la vérité est que, même si elle a perdu d’importantes figures et subi de lourds dégâts dans ses installations majeures, la partie la plus proche de produire une histoire de victoire reste l’Iran.


MAINTENANT LE RÉGIME EN IRAN EST PLUS FORT QU’AUPARAVANT


Dans un climat où l’authenticité de l’hostilité froide, en cours depuis 47 ans, était largement remise en question, cette guerre a permis pour la première fois de tester concrètement l’hostilité iranienne. L’Iran tentait de repousser autant que possible cette guerre, quitte à tomber dans des situations humiliantes. Mais quand l’échéance est arrivée, les réponses qu’elle a apportées dans cette guerre ont permis de faire comprendre que même sa passivité jusqu’ici était en fait un acte de patience et de sagesse. Il ne fait aucun doute que pour Netanyahu, qui répétait sans cesse vouloir renverser le régime en Iran, cette situation représente une véritable défaite du point de vue d’Israël. Netanyahu, qui mène depuis 620 jours une guerre profondément asymétrique contre le Hamas sans atteindre aucun des objectifs qu’il a déclarés, a répété ce même échec, cette fois contre l’Iran, en battant un nouveau record. Dans un climat de grande insatisfaction et d’opposition accumulées contre le régime, cet échec s’est transformé en un véritable souffle de vie pour le régime en Iran, loin de le faire chuter. Désormais, le régime iranien bénéficie, grâce à cela, du soutien populaire le plus fort depuis 20 ans.


Penser qu’Israël aurait fait cela par bienveillance envers l’Iran serait une simplification. L’Iran et Israël sont deux éléments d’équilibre cruciaux qui maintiennent l’ordre américain au Moyen-Orient. Mais il est aussi nécessaire qu’ils ne s’anéantissent pas l’un l’autre. Cela ne signifie pas qu’ils n’aient pas le désir de se détruire. Bien au contraire, Israël est extrêmement sensible à tout discours hostile, même uniquement sur le plan rhétorique, et voit dans ces discours une opportunité pour sa propre expansion sioniste.


MAINTENANT LES PAYS DE LA RÉGION ONT DAVANTAGE BESOIN DE LA PROTECTION AMÉRICAINE CONTRE LE DANGER IRANIEN


Un conflit réel entre ces éléments d’équilibre, pourtant indispensables à l’ordre américain, est même tolérable. On peut même en tirer un avantage. En effet, la guerre des 12 jours a permis à l’Iran de démontrer concrètement, par un véritable exercice, aux autres éléments de l’équilibre que sa capacité de guerre et de missiles n’était pas une plaisanterie. L’Iran, en montrant qu’il pouvait vaincre même Israël – considéré comme invincible, intouchable, à la coupole impénétrable – qu’il pouvait le toucher, réduire sa coupole en passoire, a vu sa fonctionnalité accrue. Désormais, les pays de la région ont un besoin accru de la protection américaine contre le danger iranien. C’est précisément cette situation qui permet de mieux comprendre le rôle des États-Unis dans cette guerre. Malgré l'affirmation de Trump selon laquelle la capacité nucléaire de l’Iran aurait été détruite, les rapports tant israéliens que ceux du Pentagone contredisent cette déclaration, montrant que chacun a ses propres calculs dans cette guerre.


Fondamentalement, un Iran dénucléarisé ou à régime renversé ne correspond pas du tout aux plans américains pour la région. Pour les États-Unis, l’hostilité contrôlable et la puissance nucléaire de l’Iran sont des éléments de jeu irremplaçables. Cela ne nécessite pas une théorie du complot impliquant un accord direct entre l’Iran et les États-Unis. De tels accords peuvent aussi naître de politiques où les parties, ayant appris les comportements de l’autre, s’en servent mutuellement. Pour les États-Unis, l’hostilité et la puissance iraniennes restent à un niveau contrôlable, et de cette puissance et de cette hostilité, on peut tirer profit.


LE DÉLUGE D’AL-AQSA A CONTRAINT L’IRAN À FAIRE LA GUERRE NON PAS AUX MUSULMANS MAIS AUX SIONISTES POUR LA PREMIÈRE FOIS


La vérité, c’est que si le Déluge d’al-Aqsa du 7 octobre n’avait pas eu lieu, la guerre froide entre l’Iran et les États-Unis, voire entre l’Iran et Israël, ne se serait jamais transformée en une guerre réelle et aurait continué éternellement dans le même style. Ici, le Déluge d’al-Aqsa a forcé toutes les parties à réévaluer leurs positions. Il a déplacé toutes les pierres. En ébranlant profondément la position d’Israël dans le monde entier, il lui a retiré l’exploitation de la Shoah, a détruit l’image d’une puissance intouchable et invincible. En même temps, il a confronté la modernité occidentale à toutes ses prétentions sur les droits de l’homme, la démocratie, l’humanisme et la laïcité, et a déclaré leur faillite.


Depuis le 7 octobre 2023, tous les développements politiques dans le monde ont un lien avec le Déluge d’al-Aqsa. L’un des effets les plus significatifs du Déluge d’al-Aqsa sur l’Iran, initié par un petit groupe de courageux héros, a été de forcer l’Iran, qui jusqu’alors combattait toujours les musulmans, vers une guerre contre le sionisme ou les croisés. Le Hezbollah, qui s’était plus acharné à combattre les musulmans sunnites en Syrie et au Liban qu’à lutter contre le sionisme, n’a montré aucune efficacité lors de sa première véritable confrontation avec le sionisme, malgré en avoir fait sa raison d’être.


Jusqu’à présent, l’Iran qui exprimait une hostilité verbale envers Israël mais qui, en pratique, ne faisait que combattre les musulmans sunnites et verser leur sang, s’est retrouvé confronté progressivement à Israël à partir du 7 octobre. La perte de positions en Syrie ne lui donnait, contrairement à ce que l’on pensait, aucun avantage contre Israël. Assad, en tant qu’allié dans cette guerre froide entre l’Iran et Israël, allait, dès la première épreuve de loyauté réelle, montrer sa fidélité non pas à l’Iran mais à Israël – ce qu’il a fait. Il ne fait désormais aucun doute que les renseignements ayant permis les assassinats ciblés contre des figures du Hezbollah et des responsables iraniens ont été majoritairement transmis par Assad à Israël. Puisque les seules victimes et cibles de cette guerre froide, qui dure depuis près d’un demi-siècle, étaient les musulmans sunnites, l’Iran ne ressentait même pas le besoin de tester la fidélité d’Assad vis-à-vis d’Israël.


Le 7 octobre a ainsi donné à l’Iran la chance de renouer avec la communauté musulmane en l’amenant à une véritable guerre contre le sionisme, en accord avec ses anciennes revendications et sa raison d’être. Comment il utilisera cette opportunité dépend de lui, bien sûr. Mais le grand succès et prestige obtenus lors de cette première guerre devraient déjà lui avoir transmis un message fort.

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