Kawéni est devenu en vingt ans le plus grand bidonville de Mayotte, département français niché dans l'océan Indien.
Le dédale de cases où survivent 15.000 personnes, dont une forte concentration de jeunes Comoriens sans papiers, descend de la colline jusqu'à la route, frontière invisible.
De l'autre côté de la chaussée monte la colline verte et bruissante, qui disparaît sous un enchevêtrement de tôles ondulées et de raccordements électriques bricolés.
Tournée de "check" au poing jusqu'en haut de la colline, là où les garçons jouent pieds nus sur un mini terrain de foot en terre battue. Sur ce promontoire, les anciens boivent le café sur une natte, avec vue sur Mamoudzou, chef-lieu du département, et le sublime coucher de soleil sur l'océan Indien. Les ruelles foisonnent de jeunes.
Des affrontements ont éclaté, dont à Mamoudzou.
Anzline Salim reste à l'écart des fauteurs de troubles qui pavanent sur la place et les juge sévèrement. Mario, "bandit repenti", les a à l’œil.
Économie informelle
En ce moment, Kawéni est à l'écart. Doujani (sud) et Majicavo (nord) ont pris la relève. Mais Kawéni est pile au milieu du chemin de crête qui relie les secteurs. Alors on y reste sur le qui-vive.
Cette guerre a connu un nouvel épisode lorsque, le 12 novembre dernier, un jeune de Kawéni a été tué à la machette par une bande de Doujani, quartier allié à Majicavo. Puis un bus d'élèves de Kawéni a été attaqué à l'aide de pierres et des assaillants armés ont frappé à coups de sabre ses passagers.
Les jeunes sont désœuvrés, ils sont des proies faciles pour la délinquance.
A Kawéni, il n'y a pas grand chose à faire après l'école, qui fonctionne par rotation en raison de la surpopulation et du manque de places. Il y a bien le "plateau", le terrain omnisports, malheureusement monopolisé par "les grands" et les compétions officielles.
Pour les habitants, en immense majorité venus de l'île comorienne d'Anjouan et souvent en situation irrégulière, la survie s'organise autour de l'économie informelle et des petits boulots dans la construction, l'agriculture ou les services.
Culture gangster
Le soir tombé, les filles restent à la maison, dans une chaleur étouffante sous la tôle qui emprisonne les 35°C de la journée. Elles s'occupent des plus petits et des tâches ménagères, puisant l'eau au point d'approvisionnement pour se laver et cuisiner.
Pour eux, la violence devient un divertissement comme un autre, un jeu d'adrénaline.