Bangladesh: dépouillement en cours pour des législatives sans opposition

19:387/01/2024, Sunday
AFP
Des fonctionnaires électoraux se préparant à compter les bulletins de vote dans un isoloir à Dhaka le 7 janvier 2024.
Crédit Photo : MUNIR UZ ZAMAN / AFP
Des fonctionnaires électoraux se préparant à compter les bulletins de vote dans un isoloir à Dhaka le 7 janvier 2024.

Le dépouillement a débuté dimanche après-midi au Bangladesh pour des législatives boycottées par le principal parti d'opposition, le BNP, et assurées d'offrir un cinquième mandat à la Première ministre Sheikh Hasina.

Si Mme Hasina, au pouvoir depuis 2009, est créditée d'avoir favorisé une croissance fulgurante dans le huitième pays le plus peuplé du monde, autrefois en proie à une extrême pauvreté, son gouvernement est accusé de graves violations des droits humains et d'une répression impitoyable de l'opposition.


Le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), que Mme Hasina a qualifié d'
"organisation terroriste"
devant la presse après avoir voté dans la capitale Dacca, a dénoncé
"un simulacre d'élection".

Le scrutin est également boycotté par d'autres partis, eux aussi décimés ces derniers mois par une vague massive d'arrestations.

Les bureaux de vote ont fermé à 16H00 (10H00 GMT), la commission électorale a annoncé le début du dépouillement, et les résultats sont attendus lundi matin.


Sheikh Hasina, 76 ans, a appelé les électeurs à se rendre aux urnes, en promettant des élections
"libres et équitables".

Son parti, la Ligue Awami, n'a pratiquement pas d'adversaires dans les circonscriptions qu'elle brigue. Mais elle a omis de présenter des candidats dans quelques autres, apparemment pour éviter que le Parlement monocaméral ne soit considéré comme l'instrument d'un parti unique.


"Honte"


Le chef de la commission électorale nationale, Habibul Awal, a estimé la participation autour de 40%, selon des premiers chiffres.

Beaucoup de Bangladais interrogés ont indiqué ne pas avoir voté car le résultat était joué d'avance.


"Pourquoi irais-je voter quand on a un parti qui participe et l'autre pas?",
a ainsi déclaré Mohammad Saidur, un chauffeur de rickshaw de 31 ans.

"Nous savons tous qui va gagner"
, a renchéri Farhana Manik, une étudiante de 27 ans.

Le chef du BNP, Tarique Rahman, a dénoncé un possible bourrage des urnes.


"Ce qui a eu lieu n'est pas une élection, mais plutôt une honte pour les aspirations démocratiques du Bangladesh"
, a-t-il jugé sur les réseaux sociaux, ajoutant avoir vu
"des photos et vidéos dérangeantes"
appuyant ses accusations.

De très nombreux témoignages ont fait état d'incitations diverses, voire de chantage, des autorités pour encourager la participation.


Certains électeurs affirment avoir été menacés de confiscation de leurs cartes d'allocations gouvernementales, nécessaires pour obtenir des prestations sociales, s'ils refusaient de voter pour la Ligue Awami.


"Ils m'ont dit qu'ils me la confisqueraient si je ne votais pas"
, a déclaré Lal Mia, 64 ans, qui vote dans le district de Faridpur, dans le centre du pays.

Ils ont dit que puisque le gouvernement nous nourrit, nous devons voter pour lui.

Arrestations


Le BNP et d'autres partis ont manifesté sans succès pendant des mois fin 2023 pour exiger la démission de Mme Hasina et un gouvernement intérimaire neutre pour superviser les élections.


Quelque 25.000 cadres de l'opposition, dont l'ensemble des dirigeants locaux du BNP, ont été arrêtés après ces manifestations, au cours desquelles plusieurs personnes ont été tuées dans des affrontements avec la police, selon le parti. Le gouvernement a pour sa part fait état de 11.000 arrestations.


Dans l'est du pays, à Chittagong, des policiers ont tiré dimanche, sans faire de blessés, pour disperser une soixantaine de militants de l'opposition qui avaient érigé un barrage routier pour protester contre le scrutin, selon la police locale. 


Près de 700.000 policiers et réservistes ont été déployés pour maintenir l'ordre pendant le scrutin, et près de 100.000 soldats, selon la commission électorale. 


Les forces de sécurité du Bangladesh sont depuis longtemps accusées de recours excessif à la force, ce que dément le gouvernement.


La scène politique du pays de 170 millions d'habitants a longtemps été dominée par la rivalité entre Sheikh Hasina, la fille du fondateur du pays, et Khaleda Zia, Première ministre à deux reprises et épouse d'un ex-dirigeant militaire.


Depuis son retour au pouvoir en 2009, Mme Hasina a renforcé sa mainmise après deux élections entachées d'irrégularités et d'accusations de fraude. 

Condamnée pour corruption en 2018, Khaleda Zia, 78 ans, est détenue dans un hôpital de la capitale Dacca, en raison de son mauvais état de santé.


Son fils Tarique Rahman dirige le BNP à sa place depuis Londres, où il vit en exil depuis 2008, après plusieurs condamnations dans son pays.


Ses succès économiques ont longtemps soutenu la popularité de Sheikh Hasina. Mais les difficultés se sont récemment multipliées, avec la hausse des prix et des pannes d'électricité généralisées.


Le refus des hausses salariales réclamées par les ouvriers du textile, secteur qui génère 85% des 55 milliards de dollars d'exportations annuelles du pays, ont déclenché des troubles sociaux fin 2023, avec des usines incendiées et des centaines d'autres fermées.


À lire également :



#Bangladesh
#élections législatives
#dépouillement
#Première ministre Sheikh Hasina