La Cour de cassation doit se prononcer mardi sur la validité des inculpations du cimentier français Lafarge, accusé de mise en danger de salariés syriens et complicité de crimes contre l'humanité, pour avoir maintenu l'activité d'une usine en Syrie jusqu'en 2014 malgré la guerre civile.
Le groupe, désormais filiale du suisse Holcim, est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes terroristes, et à des intermédiaires, afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, alors même que le pays s'enfonçait dans la guerre.
La cimenterie avait été évacuée en urgence en septembre 2014, peu avant que l'EI ne s'en empare. Des ONG et plusieurs salariés syriens ont par la suite porté plainte.
Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en 2017, la société-mère Lafarge SA a été mise en examen en 2018 pour complicité de crimes contre l'humanité - rarissime pour une entreprise - financement d'entreprise terroriste et mise en danger de la vie d'autrui.
Si la Cour de cassation - qui est en France le juge du droit et ne réexamine pas les faits - a définitivement validé, en 2021, la mise en examen pour financement d'entreprise terroriste, la défense du groupe français peut encore espérer obtenir mardi un sursis pour les deux autres infractions.
"Connaissance" des crimes
Lors de l'audience devant la chambre criminelle le 19 septembre, l'avocat général s'est néanmoins prononcé pour le rejet total du pourvoi de Lafarge.
La défense plaide également l'annulation de sa mise en examen pour mise en danger de la vie d'autrui, en soutenant que le droit français ne s'applique pas aux contrats de travail des salariés syriens avec la filiale syrienne.
Les avocats de Lafarge n'ont pas souhaité s'exprimer avant la décision.
Dans cette information judiciaire, outre la personne morale, huit cadres et dirigeants, dont l'ex-PDG de Lafarge Bruno Lafont, mais aussi un intermédiaire syro-canadien ou un ex-gestionnaire des risques jordanien sont mis en examen.