Pakistan: les partisans d'Imran Khan craignent d'être empêchés de voter

15:447/02/2024, mercredi
AFP
L'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan a été condamné à 10 ans de prison le 30 janvier 2024.
Crédit Photo : Arif ALI / AFP
L'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan a été condamné à 10 ans de prison le 30 janvier 2024.

Les partisans de l'ex-Premier ministre emprisonné Imran Khan ont prévu quelques stratagèmes pour être certains de pouvoir néanmoins voter en faveur du parti de leur champion, jeudi lors des élections législatives au Pakistan.

Le sort réservé par les autorités à l'ancien joueur vedette de cricket, incarcéré depuis le mois d'août, déclaré inéligible pour 10 ans et condamné la semaine dernière à trois lourdes peines de prison, a jeté la suspicion sur la crédibilité du scrutin.


Son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), a aussi dû affronter une sévère répression. Il a été empêché de mener campagne sur le terrain, censuré sur les ondes et décimé par des arrestations de hauts responsables.

Craignant de rencontrer des problèmes jusqu'au sein des bureaux de vote, certains partisans du PTI ont prévu de se mélanger aux supporteurs d'autres partis afin de s'y rendre.


"Les drapeaux et les badges, c'est pour se la raconter. Mais le vote, ça vient du cœur"
, souligne Barkat Ullah, 22 ans, sur un marché d'Islamabad.

Ce vendeur de téléphones veillera à faire profil bas jeudi pour pouvoir voter en faveur d'Imran Khan, 71 ans, toujours immensément populaire dans le pays, en particulier auprès des jeunes.
"L'objectif, c'est de voter"
, dit-il.

Au Pakistan, les sympathisants d'un parti vont souvent voter en larges groupes, en portant haut les couleurs de celui-ci. Leur allégeance est ainsi facilement identifiable.


Mais cette fois-ci, Waseem Ali, 25 ans, assis derrière le comptoir de son épicerie, assure qu'il accompagnera les membres de sa famille
"un à un, pour éviter de former un groupe et d'attirer l'attention".

Masquer son identité


A ses côtés, Abdul Basit, 28 ans, prévoit d'aller voter avec les partisans de l'Awami National Party, un parti laïc pachtoune. Mais une fois dans le secret de l'isoloir, il entend bien placer un bulletin du PTI dans l'enveloppe.


"Cela me fait de la peine de ne pas pouvoir voter librement, mais je vais tout de même voter",
promet-il.

Le PTI affirme qu'il faudra des fraudes
"massives"
de la part de l'establishment militaire pour l'empêcher de sortir vainqueur des urnes.

"Il est recommandé (aux supporteurs du PTI) de masquer leur identité, leur affiliation pour aller aux bureaux de vote"
, a déclaré mardi à l'AFP Raoof Hasan, responsable de l'information pour le parti.

il affirmé:


L'accès aux bureaux de vote ne sera pas interdit aux gens qui appartiennent à l'un des autres partis.

Imran Khan avait bénéficié d'un fort soutien populaire lorsqu'il était devenu Premier ministre au terme des élections de 2018, remportées par son parti avec le soutien de l'armée.

Mais il a ensuite été évincé par une motion de censure en avril 2022, après s'être brouillé avec les militaires, qu'il a ensuite accusés de fabriquer de fausses inculpations à son encontre, dans le but de l'écarter des élections.


Peur de personne


L'affaiblissement du PTI a été mis à profit par Nawaz Sharif, qui a déjà été trois fois Premier ministre et s'est réconcilié avec les généraux. Il apparaît comme le favori des élections.


Le Pakistan a été dirigé pendant des décennies par l'armée, et même sous les gouvernements civils, les généraux ont été accusés de continuer à s'immiscer dans les processus électoraux.


Mais des observateurs ont indiqué à l'AFP que le pays n'avait pas connu depuis longtemps d'interférence aussi prononcée de l'armée dans une élection.

"Ces dernières années, les tactiques sont passées du grossier bourrage des urnes aux fraudes pré-électorales"
, aboutissant à ce que "les candidats n'ayant plus les faveurs de l'armée ne puissent pas faire campagne librement", observait la semaine dernière dans une analyse Farzana Shaikh, du groupe de réflexion britannique Chatham House.

"Sept Pakistanais sur 10 n'ont pas confiance dans l'intégrité des élections",
ce qui marque
"une importante régression par rapport à ces dernières années",
a pointé mardi l'institut de sondage Gallup.

"Beaucoup de monde craint maintenant que le retour du parti de (Nawaz) Sharif ne puisse avoir lieu que grâce à des niveaux intolérablement élevés de manipulations électorales"
, ajoutait Mme Shaikh.

A Islamabad, Hassan Ali, 28 ans, promet qu'il se rendra à son bureau de vote en portant drapeaux et badges du PTI, et en chantant ses slogans.
"A combien d'entre nous vont-ils pouvoir barrer le chemin ?"
, se demande-t-il, assurant n'avoir
"peur de personne".

Mais s'il est repoussé, il se joindra aux partisans d'autres partis pour pouvoir voter pour Imran Khan.
"Le pays est dirigé par le peuple"
, insiste-t-il.

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