Cette orientation prolonge la loi sur la laïcité de l’État adoptée en 2019, qui interdit le port de symboles religieux à certaines catégories de fonctionnaires.
Le gouvernement du Québec a présenté, le 27 novembre, un projet de loi destiné à renforcer le cadre de la laïcité dans la province. Le texte prévoit notamment la fermeture des locaux de prière dans les universités publiques, sauf exception, à partir de l’automne 2026.
À l’université McGill, à Montréal, Lounes Azzoun, étudiant en informatique âgé de 21 ans, explique prier dans un espace aménagé sous un escalier lorsque le local principal est saturé.
"Quand notre lieu de rassemblement principal est plein, ce qui est souvent le cas, c’est ici que je viens prier. Dans notre local, on ne dérange personne, c’est discret, mais, visiblement, pour le gouvernement, c’est déjà trop"
, a-t-il déclaré au quotidien français Le Monde.
Le projet de loi prévoit également l’interdiction du port de signes religieux pour le personnel des crèches publiques ainsi que pour une partie des garderies et écoles privées.
Il annonce aussi la fin progressive des subventions publiques accordées aux écoles privées religieuses qui sélectionnent les élèves ou les membres du personnel selon leur appartenance religieuse ou qui transmettent des contenus religieux dans le cadre de l’enseignement. En outre, les rassemblements à caractère religieux dans l’espace public ne seraient autorisés qu’à titre exceptionnel.
Selon le quotidien français Le Monde, cette initiative s’inscrit dans un long processus de laïcisation amorcé lors de la
des années 1960, période marquée par le recul de l’influence de l’Église catholique dans les institutions publiques québécoises.
Cette évolution a également nourri les débats sur les
"accommodements raisonnables"
, qui ont culminé avec la Commission Bouchard-Taylor en 2008, laquelle recommandait un encadrement équilibré entre laïcité et liberté religieuse. Le projet de loi actuel entend aussi resserrer les critères de ces accommodements.
"Depuis plus de soixante ans, lentement mais résolument, le Québec a déconfessionnalisé puis laïcisé démocratiquement ses institutions et son modèle de vivre-ensemble"
, a déclaré le ministre responsable de la laïcité, Jean-François Roberge, le 27 novembre. Il a ajouté que les universités doivent demeurer des
"lieux d’apprentissage et non des lieux de culte"
.
"Supprimer ou restreindre l’expression religieuse personnelle"
Cette initiative s’ajoute à plusieurs textes récents encadrant plus strictement la laïcité. Une loi entrée en vigueur le 30 octobre oblige les élèves à se présenter visage découvert à l’école.
Un autre texte, adopté le 28 mai, stipule que l’intégration au Québec repose notamment sur la laïcité de l’État et la
"primauté des lois sur les diverses cultures"
.
Le projet de loi suscite toutefois de vives critiques. Le Forum musulman canadien estime que
"supprimer ou restreindre l’expression religieuse personnelle va à l’encontre même des fondements d’un Québec pluraliste et démocratique"
.
L’Assemblée des évêques catholiques du Québec considère, pour sa part, que le texte
"affectera la vie de millions de Québécois désirant simplement vivre leur foi"
.
Amnesty International Canada francophone voit dans ce projet un renforcement des attaques
"contre les personnes immigrantes (…) notamment arabes et musulmanes"
, dénonçant des arguments
d’un gouvernement fragilisé dans les sondages.
Le premier ministre François Legault, au pouvoir depuis 2018 à la tête de la Coalition Avenir Québec, avait fait de la laïcité un axe central de sa campagne.
"On se sent visés, simplement pour notre manière de pratiquer notre foi"
, a confié Lounes Azzoun, rappelant que 11 % des étudiants de l’université McGill s’identifient comme musulmans.
Le gouvernement affirme, de son côté, que la mesure ne cible aucune confession en particulier, bien que les réactions officielles les plus vives ces derniers mois concernent principalement des pratiques associées à l’islam.
Des experts cités par Le Monde estiment que le Québec se trouve à un moment charnière. La professeure de droit Pearl Eliadis considère que le gouvernement
"comprend mal la neutralité religieuse de l’État"
, tandis que le chercheur David Koussens observe une évolution vers une conception
de la laïcité, influencée par les débats français sur la visibilité des signes religieux.
Cette orientation prolonge la loi sur la laïcité de l’État adoptée en 2019, qui interdit le port de symboles religieux à certaines catégories de fonctionnaires. Ce texte doit être examiné par la Cour suprême au printemps 2026, et les opposants au projet de loi actuel annoncent déjà un nouveau recours judiciaire.
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