Damien Chazelle, nostalgique du Hollywood d'antan

17:5913/01/2023, vendredi
MAJ: 13/01/2023, vendredi
AFP
Le réalisateur français Damien Chazelle assiste à la première mondiale de "Babylon" à l'Academy Museum of Motion Pictures de Los Angeles. Frazer Harrison . @AFP
Le réalisateur français Damien Chazelle assiste à la première mondiale de "Babylon" à l'Academy Museum of Motion Pictures de Los Angeles. Frazer Harrison . @AFP

Virtuose du 7e art à même pas 40 ans, Damien Chazelle confie à l'AFP son amour nostalgique pour les débuts du cinéma, quand tout semblait "plus brutal", mais aussi "plus comique".

Six ans après "
La La Land
", sa comédie musicale avec Ryan Gosling et Emma Stone aux airs de classique immédiat, Chazelle fait l'événement avec le démesuré et furieux
"Babylon
", de plus de trois heures, qui sort mercredi en France et en Belgique, après les Etats-Unis et le Canada.
Comme
"Chantons sous la pluie
" à l'aube des années 1950, ou "
The Artis
t" de Michel Hazanavicius il y a dix ans, c'est un hommage aux dernières heures du cinéma muet, un monde qui se sent condamné, et disparaît, devant la caméra de Chazelle, dans un feu d'artifice de fêtes, de musique, de sexe, de drogues et de violence.
"
Dans les années 1920, les règles n'étaient pas encore tout à fait écrites, le 7e art était encore dans sa jeunesse"
, un âge de tous les possibles, relève le réalisateur franco-américain, lors d'une interview, en français, à Paris avec l'AFP. 
"
On ne connaît pas tellement cette période, juste avant l'arrivée du son, où on trouvait une liberté que l'on dirait normalement correspondre plutôt aux années 1960
", poursuit-il.
"
Il y avait des qualités dans cette liberté -- même s'il fallait changer les mœurs sur les plateaux, et qu'il y avait des côtés affreux dans cette société
" souvent sexiste et raciste, poursuit-il.
A l'époque, sur les tournages, ajoute Chazelle, les choses semblaient
"peut-être un peu plus brutales, un peu plus violentes, un peu plus noires, mais aussi comiques. Il y avait quelque chose de riche et de complexe qui m'inspirait
".
Une liberté qui a fondu avec l'avènement du son, impliquant de faire régner le silence sur les plateaux et renforçant le pouvoir de l'industrie sur la création, comme le montre
"Babylon
".

"Beaucoup de peur"


Comme un écho à l'industrie hollywoodienne actuelle, bouleversée par la pandémie et l'émergence des plateformes ?

"On se trouve vraiment à un carrefour. C'est vrai que, pendant des moments de crise, et on a vu ça dans les années 1960, on peut trouver beaucoup de possibilités de renouvellement de l'art"
, convient-il.
"
Mais aujourd'hui, à Hollywood, il y a beaucoup de peur, et pas beaucoup de gens qui prennent des risques, à mon avis. Il y a toujours de grands films qui se font, heureusement, mais c'est un moment de crainte"
, enchaîne cet admirateur de grandes fresques, de "
La vie est belle
" de Capra aux "
Parrain"
de Coppola, en passant par le "
Napoléon
" d'Abel Gance.
Trouve-t-on désormais davantage de liberté sur les plateformes de streaming ? Chazelle y a goûté avec la série "
The Eddy
", sur un club de jazz parisien, pour Netflix.
"
Le grand écran, c'est toujours quelque chose de différent. L'expérience qui n'est pas interrompue, pas divisée en chapitres"
, souligne-t-il. "
Un peu comme un +drug trip+
", une expérience sous acide: quand on sort du cinéma, le monde a une apparence différente, quelque
chose est chang
é".

"Privilège"


Malgré l'aura de "
La La Land
", qui a propulsé Chazelle au sommet, en faisant de lui le plus jeune cinéaste auréolé d'un Oscar du meilleur réalisateur à 32 ans, monter "
Babylon
", avec ses hordes de figurants et ses tonnes de décors n'a pas été aisé.
"
Il y a trente ou quarante ans, ce n'était pas rare de voir des films comme ça. Mais l'économie de ce type de films n'est pas évidente aujourd'hui, ça devient de plus en plus difficile. Et donc de plus en plus important de montrer que ça peut toujours exister"
.
"Le défi aujourd'hui, c'est de faire quelque chose qui justifie le grand écran, on n'y met pas n'importe quoi"
, revendique-t-il. "
Les gens meurent mais Hollywood, l'industrie ou l'art ne meurent pas. (...) Le cinéma et l'art, c'est une histoire de mort et de renaissance"
.
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