Les informations ayant fuité dans la presse à la suite d’un appel téléphonique entre le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont relancé dans les milieux économiques un nouveau débat mondial sur les taxes douanières additionnelles.
Les déclarations successives faites par les États-Unis concernant la mise en œuvre de nouvelles taxes douanières à partir du 10 avril 2025, annoncées dès le 2 avril, ont profondément secoué le commerce mondial.
Initialement ciblant la Chine, puis étendues à 185 pays avec des taux différenciés de taxes additionnelles sur la valeur, les mesures tarifaires, ayant atteint des niveaux particulièrement élevés, ont été partiellement suspendues à la suite d’un accord réciproque entre les États-Unis et la Chine, accompagné de restrictions mutuelles. Si cette réduction et ce report des surtaxes ont permis une reprise limitée des échanges dans le commerce mondial, ils ne semblent toutefois pas suffisants pour dissiper l’incertitude persistante.
Même si la situation semble être revenue à celle d’avant le 2 avril, la date du 9 juillet, jugée trop proche pour la production et l’expédition des commandes outre-mer, n’a pas suffi à apaiser les inquiétudes. Elle a même servi de point de départ à une nouvelle période d’incertitude au sein de l’Union européenne.
En réalité, les annonces réciproques d’application de taxes additionnelles, qui ont alimenté les tensions dans le commerce mondial depuis début avril, ont été suspendues avant même de pouvoir entrer en vigueur. Autrement dit, on peut dire que le monde est revenu au climat commercial en place avant le 2 avril. Toutefois, les déclarations mutuelles et t les doutes qu’elles ont semés ont déjà eu un effet significatif sur le commerce.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a souligné dans un message publié sur X, à la suite de sa rencontre avec Donald Trump, l’importance des relations commerciales avec les États-Unis. Elle a considéré comme une opportunité le report par Trump de l’entrée en vigueur des taxes de 50 % prévues au 1er juin. Elle a insisté sur la nécessité pour les 27 États membres de se préparer, en juillet, à des négociations commerciales bilatérales avec les États-Unis et de répondre de manière coordonnée, qualifiant ce report de succès et d’occasion favorable.
Comme on le sait, l’un des principaux risques dans le commerce international est l’incertitude. Produire pour un marché donné, calculer les coûts puis planifier l’exportation ne sont pas envisageables dans un contexte d’incertitude. Cela est particulièrement vrai pour les exportations vers des pays lointains, qui ne peuvent se faire à très court terme. À l’échelle internationale, le délai positif le plus court généralement accepté est de 90 jours. Or, il est impossible aujourd’hui de prévoir dans quelle direction évolueront les taxes additionnelles dans les 90 prochains jours. Surtout lorsque les décisions des principaux acteurs du commerce mondial, États-Unis, Chine et Union européenne, concernant ces taxes ont un impact considérable sur le reste du commerce mondial. Il est donc difficile de ne pas s’inquiéter ou d’échapper aux effets de cette période d’incertitude.
Surtout lorsque les principaux partenaires commerciaux d’un pays comme la Türkiye sont précisément des pays où les débats sur les taxes additionnelles sont les plus intenses, à savoir l’Union européenne, la Chine et les États-Unis, il n’est pas difficile d’imaginer les tensions que cela peut générer, notamment dans le secteur industriel. Déterminer la position des matières premières et des produits semi-finis importés, calculer le coût de production et, sur cette base, chercher des débouchés à l’exportation constitue une équation complexe à multiples inconnues. Il est important de souligner que cette incertitude risque de perturber l’évolution générale de nos exportations, ce qui justifie de persister dans la recherche de marchés stables, prometteurs et sûrs, comme ceux de l’Afrique.
Cela étant dit, il faut rappeler que nous avons une culture d’exportation habituée à naviguer dans des contextes à risque, ce qui constitue en soi un atout pour l’économie nationale. Cette capacité à persévérer malgré les incertitudes contribue à la stabilité et à la continuité de nos exportations.
Dans ce contexte, deux éléments importants se dégagent pour nos exportateurs. Le premier consiste pour le producteur-exportateur à ignorer les évolutions mondiales, en se concentrant exclusivement sur sa production et son marché, poursuivant ainsi son exportation de manière indépendante du reste du monde. Le second consiste, face aux conditions difficiles actuelles, à assumer tous les risques pour ne pas perdre de marchés et éviter toute nouvelle difficulté dans la concurrence, en continuant à exporter malgré tout.
La deuxième option est plus pertinente que la première, même si elle n’est pas exempte de risques. Cependant, le risque de perte de marché ou de clients y est moindre, ce qui en fait une approche préférable par rapport à la première. En revanche, dans le premier cas, une mauvaise évaluation pourrait entraîner pour le producteur-exportateur des pertes financières importantes et une détérioration de sa compétitivité dans les prochains mois. Il est donc impératif d’examiner cette question avec la plus grande attention et de choisir la bonne stratégie, qui constitue une nécessité pour la pérennité de nos exportations.
Selon ses propres statistiques, les États-Unis ont importé en 2024 pour 606 milliards de dollars (530 milliards d’euros) de marchandises en provenance d’Europe, principalement des produits pharmaceutiques, des automobiles, du vin, du parfum, etc. En retour, l’Union européenne a importé la même année des États-Unis des produits d’une valeur de 370 milliards de dollars, comprenant notamment du pétrole, du gaz, des voitures et des avions. Ces données indiquent un déficit commercial américain d’environ 235 milliards de dollars (205 milliards d’euros). Cependant, la Commission européenne avance un chiffre plus bas, estimant ce déficit à 150 milliards d’euros.
L’Union européenne souligne que les États-Unis, affiche un excédent important dans le secteur des technologies numériques, et que si le commerce des services était inclus, le déficit commercial se réduirait à environ 50 milliards d’euros. Toutefois, il convient de rappeler que, quel que soit le cas, le volume des échanges commerciaux entre ces deux blocs reste largement supérieur à celui des échanges que les États-Unis entretiennent avec le Mexique, le Canada ou la Chine.
C’est sans doute pour cette raison que les négociations commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne n’ont jamais abouti à un résultat satisfaisant, malgré des années de discussions. Le processus de négociation est en cours depuis longtemps, avec notamment un contentieux commercial profond entre la France et les États-Unis. À titre d’exemple, l’attitude américaine concernant les boissons alcoolisées françaises et celle de l’Union européenne vis-à-vis des produits génétiquement modifiés (céréales, lait, produits laitiers, oléagineux, etc.) illustrent clairement ces différends.
Dans le cadre des négociations sur les taxes douanières additionnelles avec les États-Unis, la Chine apparaît pour l’Union européenne comme un modèle important. La riposte directe de la Chine a inspiré la Commission européenne, qui adopte une posture ferme dans sa stratégie de négociation. Bien que l’UE ait déjà élaboré des listes de produits américains susceptibles d’être soumis à des taxes additionnelles, elle a choisi de garder le silence sur ces listes, probablement comme tactique de négociation. Bien que les États-Unis aient évoqué la possibilité d’instaurer des taxes douanières supplémentaires de 25 % sur les automobiles, l’aluminium et l’acier, l’Union européenne préfère faire preuve de patience, espérant parvenir à un accord en juillet.
Par ailleurs, la Commission européenne tire des leçons de l’accord conclu entre le Royaume-Uni et les États-Unis, espérant éviter le piège d’un droit de douane additionnel de 10 %. Elle souligne que l’approche américaine consistant à reporter les différends non résolus avec la Chine ne contribuera pas à une solution durable, et insiste sur l’importance d’un accord réaliste, fondé sur un consensus mutuel, qui faciliterait le commerce. De cette manière, l’Union européenne estime pouvoir, avec calme et sang-froid, neutraliser la posture conflictuelle de la Chine ainsi que les conséquences négatives résultant de la précipitation du Royaume-Uni.
Toutes ces évolutions constituent des éléments clés qu’il convient d’interpréter correctement, car elles impactent nos relations commerciales avec nos principaux partenaires: tant l’espoir d’une croissance de nos échanges avec les États-Unis, que la préservation et l’augmentation de nos acquis dans le cadre de la gouvernance commerciale avec l’Union européenne, ainsi que notre quête de nouveaux marchés, notamment avec la Chine et d’autres pays tiers.
Le nom et le logo BIST sont protégés sous le "Certificat de Marque Protégée" et ne peuvent être utilisés, cités ou modifiés sans autorisation.Tous les droits d'auteur des informations publiées sous le nom BIST appartiennent entièrement à BIST et ne peuvent être republiés. Les données de marché sont fournies par iDealdata Finansal Teknolojiler A.Ş. Les données des actions BIST sont retardées de 15 minutes.