Confrontée à une profonde crise immobilière et incapable de relancer la consommation des ménages depuis la crise du Covid, la Chine a enregistré l'an dernier l'une de ses plus faibles croissances depuis des décennies (5,2%).
Grand-messe politique annuelle, la session devrait comme à chaque fois voir les près de 3.000 députés de l'Assemblée nationale populaire (ANP) ratifier comme un seul homme les décisions du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir, dans le cadre solennel du Palais du peuple à Pékin.
La session débutera mardi et durera environ dix jours.
Malgré la morosité économique, les analystes ne s'attendent pas à un plan de relance d'envergure.
La session va plutôt se consacrer à
"renforcer les mesures de sécurité nationale sur tous les fronts",
prédit Ho-fung Hung, professeur d'économie politique à l'université américaine John Hopkins.
Certes, des investissements dans les sciences et les technologies, ainsi que de nouvelles mesures pour le secteur immobilier, lourdement endetté, pourraient être approuvés.
Objectif prudent de croissance
Mais le président Xi Jinping
"semble relativement peu inquiet des récents problèmes de croissance de son pays",
estime Neil Thomas, spécialiste de la politique chinoise au cercle de réflexion Asia Society.
Donc
"je ne m'attends pas à de changements majeurs sur les questions économiques"
, dit-il à l'AFP.
Une annonce est toutefois particulièrement attendue: l'objectif de croissance pour 2024, qui sera dévoilé par le Premier ministre Li Qiang. Les économistes s'attendent à environ 5%.
"L'objectif de PIB (produit intérieur brut, ndlr) sera probablement prudent, sans pour autant refléter l'ampleur de la pression sur l'économie",
indique Diana Choyleva, cheffe économiste au cabinet Enodo Economics.
Ces dernières années, les autorités chinoises ont écarté l'idée d'un plan de relance d'ampleur, craignant de mettre en difficultés les finances publiques.
Les analystes ne voient aucune raison que cela change.
"Les investisseurs et les consommateurs attendent des mesures pouvant leur redonner confiance",
note Diana Choyleva.
"Mais la priorité donnée par le gouvernement à la prévention d'un risque économique accru et à l'amélioration de la sécurité ne permettra pas de prendre le genre de mesures qui auraient un effet positif immédiat"
, estime Mme Choyleva.
La session parlementaire est
"un événement crucial en termes de réseau, avec des milliers de personnes influentes venant de toute la Chine pour se rencontrer et parler politique"
, explique l'analyste Nis Grunberg, de l'institut Merics basé en Allemagne.
Mais dans les faits, leur pouvoir est limité.
Toutes les décisions importantes ont été prises des semaines avant, lors de réunions à huis clos du Parti communiste, loin de l'attention des médias.
Le Parlement
"n'a jamais rejeté un projet de loi, un budget, un rapport ou une nomination qui lui avaient été soumis"
, rappelle Changhao Wei, chercheur associé au Centre Paul Stai China de l'Ecole de droit de Yale aux Etats-Unis.
Les sujets mis au programme des discussions donnent une idée des préoccupations des dirigeants chinois, avec en premier lieu: la défense et la sécurité nationale.
Une hausse du budget militaire, deuxième au monde après celui des Etats-Unis, est prévisible. Le chiffre sera dévoilé mardi.
Pékin a largement étendu l'an dernier sa définition de tout ce qui constitue de l'espionnage et a perquisitionné plusieurs sociétés étrangères de consultants, d'audit et de recherche.
Peu avant cette session parlementaire, la notion de secret d'Etat a elle aussi été élargie,
"un signal clair de l'importance de la sécurité dans l'agenda du pouvoir cette année"
, selon Diana Choyleva.
Entre relancer l'économie et renforcer la sécurité, le choix est vite fait, selon les analystes.
"Pékin ne changera rien à son approche de contrôle et de sécurité"
, prévoit Nis Grunberg.
"C'était quand, la dernière fois que (le président chinois) Xi Jinping a fait un compromis en matière de contrôle, au bénéfice de la croissance économique, sans même parler de réforme libérale?"
, feint-il de s'interroger.