Crédit Photo : YURIY DYACHYSHYN / AFP
Un garde d'honneur ukrainien se tient près des tombes des soldats ukrainiens dans le cimetière de Lychakiv lors de la "Journée des défenseurs" à Lviv, le 1er octobre 2024.
Quand l'Ukraine a lancé son offensive surprise dans la région frontalière russe de Koursk, ses militaires en étaient fiers, voire euphoriques. Deux mois plus tard, ils s'interrogent sur cette stratégie, alors que les troupes de Moscou avancent sur le territoire ukrainien.
"Je ne comprends pas quel est le plan suivant",
admet auprès de l'AFP Serguiï, un soldat ukrainien participant à l'opération.
Un des objectifs annoncés était d'alléger la pression sur la région du Donbass (est de l'Ukraine), où les forces de Kiev reculent depuis des mois.
"Peut-être que l'ennemi s'est retiré d'autres directions (...) mais nous n'avons pas ressenti de changements significatifs ici"
, commente Oleksandre, jeune soldat déployé près de Toretsk, ville du Donbass visée depuis des semaines.
Bogdan, un autre militaire, se souvient d'une courte accalmie au tout début de l'offensive de Koursk.
"S'il s'agit d'une opération à court terme, elle nous renforcera",
analyse-t-il, avant de nuancer:
"Si c'est une opération à long terme (...) cela épuisera nos principales ressources".
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a félicité ses militaires pour avoir
"prouvé qu'ils pouvaient pousser la guerre vers la Russie"
, dans un message dimanche marquant deux mois du début de l'opération qui a ralenti, selon lui, l'avancée russe dans l'est de l'Ukraine.
Selon les données fournies par l'Institut pour l'étude de la guerre (ISW) et analysées par l'AFP, Moscou a néanmoins réalisé ses plus grands gains mensuels depuis octobre 2022, avançant sur 477 kilomètres carrés de territoire ukrainien en août.
La semaine dernière, les troupes russes se sont emparées de la ville de Vugledar, et s'approchent de Pokrovsk, noeud logistique clé.
Malgré des pertes
"très importantes", "l'armée russe est dans une offensive"
qui
et
"on ne peut pas dire que l'offensive de Koursk ait rempli ses objectifs",
estime Yohann Michel, expert militaire et chargé de recherche à l'Institut d'études de stratégie et défense de Lyon (France).
Elle a seulement
"montré que quelque chose est possible avec les forces armées ukrainiennes et qu'il est possible de rentrer en Russie sans que ça ne provoque l'apocalypse"
, ajoute-t-il.
Pour Serguiï, le militaire ukrainien de retour de Koursk, les gains en valaient néanmoins le coup, permettant de créer
"une belle image de propagande montrant que l'Ukraine peut conquérir et mener des opérations offensives".
Dmytro, un artilleur de la même brigade, se rappelle sa
au début de l'opération de Koursk.
"La Russie, qui a envahi notre pays, ressentira la même chose que nous et verra ce qu'est la guerre"
, dit-il.
Combattre en Russie est aussi plus facile, ont dit plusieurs militaires, faute d'avoir à se soucier des destructions sur le terrain.
L'opération de Koursk visait également à montrer aux Occidentaux, qui traînent des pieds pour fournir davantage d'aide, que leur soutien peut avoir un impact visible.
D'autant que la situation risque de se compliquer davantage si Donald Trump remporte la présidentielle américaine de novembre, car il pourrait réduire la cruciale aide militaire pour Kiev.
En cas de pourparlers avec la Russie, détenir une portion de territoire russe pourrait renforcer la position de l'Ukraine, mais pour l'instant cette possibilité semble lointaine.
Olivier Kempf, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique estime:
Militairement, pas vraiment. Les gains de moral sont temporaires et s'estompent.
"Politiquement, c'est pas bête dans la perspective de négociations, mais (...) si on n'a pas de négociations en perspective, c'est absurde"
, juge-t-il.
Paradoxalement, Moscou pourrait profiter de l'appel d'air laissé par des troupes ukrainiennes figées à Koursk pour avancer dans l'Est ukrainien, transformant ainsi un
"revers initial en un véritable atout stratégique"
, prévient Olivier Kempf.
"La question est de savoir ce que nous faisons ensuite"
, dit un sergent ukrainien du Donbass s'identifiant comme Neznany.
"Où trouverons-nous les gens, la force et les moyens de poursuivre cette histoire ou de la finir?"
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