Le Chancelier fédéral d'Allemagne, Olaf Scholz. Crédit photo: MICHELE TANTUSSI / AFP
L'Allemagne place Moscou, "la plus grande menace pour la paix" et Pékin, "rival systémique", au cœur de sa Stratégie nationale de sécurité, un document inédit dévoilé mercredi.
Après des mois de discussions et de tensions au sein de la coalition, le gouvernement d'Olaf Scholz a présenté cette synthèse de près de 80 pages définissant les enjeux de sécurité auxquels est confrontée la première puissance économique européenne.
"Pour la première fois dans l'histoire de notre pays, nous avons élaboré une stratégie de sécurité nationale"
, s'est félicité devant la presse le dirigeant allemand, entouré de quelques uns de ses principaux ministres.
Maintes fois annoncé et reporté, ce document voit enfin le jour au sein d'une coalition en baisse dans les sondages et marquée par des tensions entre écologistes et libéraux sur le budget et la lutte contre le réchauffement climatique.
Ce document, moins ambitieux qu'initialement prévu par le contrat de coalition conclu fin 2021, dresse un panorama des enjeux de sécurité, des relations avec Moscou et Pékin à la cybersécurité, en passant par les menaces climatiques.
"La sécurité au XXIe siècle, c'est obtenir de manière fiable des médicaments vitaux à la pharmacie. La sécurité, c'est ne pas être espionné par la Chine lorsque l'on discute avec des amis ou ne pas être manipulé par des robots russes lorsque l'on navigue sur les réseaux sociaux
", a résumé la cheffe de la diplomatie allemande, l'écologiste Annalena Baerbock, lors de la présentation du document.
Sans surprise, la Russie est hissée au rang de
"plus grande menace pour la paix et la sécurité dans la région euro-atlantique dans un avenir prévisible"
. L'invasion russe de l'Ukraine le 24 février 2022 a marqué un
pour la politique étrangère et de défense allemande, selon Scholz, qui doit entraîner un réarmement du pays.
Berlin s'apprête ainsi à débloquer 4 milliards d'euros pour acquérir le système de défense antimissiles balistiques israélien Arrow.
Berlin confirme sa volonté de consacrer 2% de son PIB à la défense, bien que la trajectoire financière reste encore floue.
La Stratégie de sécurité cible aussi la Chine, à la fois
"partenaire, concurrente et un rivale systémique"
.
"La Chine tente par différents moyens de remodeler l'ordre international existant basé sur des règles, revendique de plus en plus offensivement une suprématie régionale et agit sans cesse en contradiction avec nos intérêts et nos valeurs"
, estime le gouvernement allemand.
"Nous constatons que les éléments de rivalité et de concurrence ont augmenté ces dernières années"
, note le document.
Une délégation de responsables chinois menée par le Premier ministre Li Qiang est attendue à Berlin la semaine prochaine pour des consultations gouvernementales germano-chinoises.
Pour Berlin, avec l'action de Pékin,
"la stabilité régionale et la sécurité internationale sont de plus en plus sous pression."
Les droits de l'homme ne sont pas respectés.
Malgré tout,
"la Chine reste en même temps un partenaire sans lequel de nombreux défis et crises mondiaux ne peuvent être résolus"
, souligne le document.
Pour Olaf Scholz,
"il s'agit de faire en sorte que la Chine continue à croître économiquement, que l'intégration de la Chine dans le commerce mondial et dans les relations économiques mondiales ne soient pas entravée"
.
"Mais il faut en même temps tenir compte des questions de sécurité qui se posent à nous"
, a-t-il expliqué à la presse.
Premier partenaire économique de l'Allemagne et marché vital pour son puissant secteur automobile, la Chine a longtemps été ménagée par Berlin, qui a toutefois durci le ton depuis plus d'un an face aux menaces visant Taïwan et les persécutions contre les Ouïghours.
L'Allemagne s'aligne sur la doctrine de l'Union européenne qui ne cherche pas à se
("
") complètement de la Chine, mais à réduire les risques ("
").
Cette Stratégie n'a pas convaincu les experts, à l'image d'Ulrich Speck, spécialiste des relations internationales, qui a éreinté sur Twitter
"un long catalogue d'objectifs vaguement formulés"
, regrettant que l'absence de
"plans d'action et de moyens concrets attachés à une poignée d'objectifs prioritaires"
.
L'idée de créer un Conseil national de la sécurité, sur le modèle américain, a ainsi été abandonnée.
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