
En dépit d’un fort soutien populaire en Israël pour l’offensive militaire contre l’Iran, rien ne garantit que cette opération renforce durablement la position politique du Premier ministre Benjamin Netanyahu, une fois la tension retombée.
Attaquer l’Iran a longtemps été un objectif central pour Netanyahu. Pourtant, les frappes lancées le 13 juin et prolongées pendant douze jours interviennent alors qu’il fait face à une situation politique instable. Il est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour des crimes de guerre à Gaza, critiqué en interne pour sa gestion de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, et son procès pour corruption entre dans une phase cruciale.
Conscient du consensus national autour de l’attaque contre l’Iran, y compris au sein de l’opposition, Netanyahu a pu s’appuyer sur une opinion publique largement favorable. Un sondage de l’Institut israélien pour la sécurité nationale réalisé le 22 juin révèle que 73 % des Israéliens soutiennent les frappes, et 76 % jugent qu’elles étaient principalement justifiées par des raisons sécuritaires. Néanmoins, seuls 9 % estiment que la menace nucléaire iranienne est totalement éliminée. La majorité pense qu’elle a été atténuée dans une certaine mesure.
Dès les premiers jours de l’offensive, l’armée israélienne a publié de nombreuses vidéos des bombardements pour maintenir le moral de la population, alors même que plusieurs villes, dont Tel-Aviv, ont été touchées par des missiles iraniens. Malgré l’ampleur des destructions dans le centre du pays, responsables gouvernementaux et figures de l’opposition ont justifié les pertes comme un coût acceptable face à ce qu’ils considèrent comme une menace existentielle.
Effet temporaire sur la popularité de Netanyahu
La guerre a brièvement redynamisé la cote de popularité de Netanyahu, poussant certains de ses alliés à envisager des élections anticipées. Officiellement, son mandat s’étend jusqu’à fin 2026, mais l’opposition réclame depuis plus d’un an un retour aux urnes. Netanyahu refuse pour l’instant, invoquant le contexte de guerre.
D’après un sondage publié par Maariv, le Likoud, le parti de Netanyahu, gagne cinq sièges, passant de 22 à 27, son meilleur score depuis l’attaque du Hamas. Un autre sondage de Channel 12 confirme cette tendance: s’il y avait des élections aujourd’hui, le Likoud obtiendrait 26 sièges, devant un nouveau parti de droite dirigé par Naftali Bennett, crédité de 24 sièges. Avant la guerre, ce dernier dominait les intentions de vote.
Cependant, le bloc de droite de Netanyahu reste en dessous du seuil de 61 sièges nécessaire pour former une coalition majoritaire.
Une opposition prudente
Si les principaux partis, y compris ceux de l’opposition, qualifient la guerre de succès, ils en attribuent le mérite à l’armée, évitant de féliciter Netanyahu. Dans une déclaration enregistrée diffusée mardi, ce dernier a pourtant salué une “victoire historique” contre une menace existentielle.
Mais de nombreux analystes estiment que l’avenir politique de Netanyahu dépendra des résultats réels de l’offensive. Plusieurs sources américaines évoquent l’échec des frappes à détruire le programme nucléaire iranien.
Menaces persistantes et incertitudes
L’analyste militaire Ron Ben-Yishai estime qu’il faudra des mois pour évaluer l’impact des frappes sur les installations nucléaires et balistiques iraniennes. Il s’interroge aussi sur la capacité de Téhéran à reprendre rapidement son programme nucléaire, ainsi que sur sa volonté réelle de négocier avec Washington.
Selon lui, l’Iran n’a que partiellement engagé ses capacités balistiques et conserve probablement un arsenal important de missiles de croisière et de drones. Il alerte également sur les failles dans la défense civile israélienne.
Accords en coulisses et implications à Gaza
Certains observateurs suggèrent que Netanyahu aurait accepté des concessions concernant Gaza dans le cadre d’un accord global entre les États-Unis et l’Iran. L’analyste Amos Harel (Haaretz) avance que si le cessez-le-feu se maintient, il faudra observer si Washington parvient à imposer à Téhéran un accord nucléaire plus strict, et si des engagements secrets ont été pris sur Gaza.
Harel doute que les frappes israéliennes aient brisé l’ambition nucléaire iranienne, même si elles ont temporairement modifié l’équilibre de la dissuasion. Il évoque l’hypothèse d’un “pacte tacite” de non-agression, Israël et les États-Unis frappant uniquement en cas de violations flagrantes du cessez-le-feu.
Mais, prévient-il, “sans accord formel, qu’est-ce qu’une violation ? Et comment imposer des contrôles sans relancer une guerre totale ?”
Il critique aussi la guerre à Gaza, qualifiée de “plaie ouverte” et d’“échec coûteux”, soulignant que malgré les déclarations triomphantes, les otages sont toujours retenus, et le conflit reste sans issue.
Un triomphe prématuré ?
Dans un éditorial, Maariv appelle à la prudence face aux proclamations de victoire lancées par Netanyahu et Donald Trump. Le journal relève que le programme nucléaire iranien n’a pas été détruit, mais seulement ralenti.
“L’écart entre les discours politiques et la réalité militaire est préoccupant”, écrit le journal.
L’offensive israélienne, déclenchée le 13 juin, a visé des cibles militaires, nucléaires et civiles, tuant 606 personnes et en blessant plus de 5 300 en Iran. En représailles, Téhéran a lancé des missiles et drones contre des infrastructures israéliennes, causant 28 morts et plus de 3 200 blessés. Les États-Unis ont ensuite attaqué des sites nucléaires iraniens, avant qu’un cessez-le-feu, annoncé le 24 juin, ne soit conclu entre Israël et l’Iran.