Le parquet général français refuse l'extradition d'un ancien ministre algérien poursuivi pour "corruption"

11:096/03/2025, jeudi
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L'ancien ministre algérien de l'Industrie Abdel Salam Bouchouareb.
Crédit Photo : X /
L'ancien ministre algérien de l'Industrie Abdel Salam Bouchouareb.

L'ancien ministre algérien de l'Industrie, Abdesselam Bouchouareb, établi en France depuis 2019, ne sera pas extradé vers l'Algérie. La demande de la justice algérienne qui l'a condamné plusieurs fois pour "corruption" a été rejetée, ce mercredi, par le parquet général qui a informé la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (France) qui examinait, depuis plusieurs mois, ce dossier.

Selon des médias français,
"le parquet général a demandé à la cour d'appel d'Aix-en-Provence d'opposer un avis défavorable aux six demandes d'extradition vers l'Algérie d'Abdesselam Bouchouareb, ministre de l'Industrie et des Mines entre 2014 et 2017 sous la présidence d'Abdelaziz Bouteflika"
.

"L'éloignement de M. Bouchouareb, gravement malade, ferait courir à celui-ci, si ce n'est un risque de vie, (un risque) de déclin rapide et irréversible de son état de santé"
, a estimé l'avocat général, Raphaël Sanesi de Gentile, cité par les mêmes médias.

Pour lui, la justice algérienne n'a pas fourni suffisamment de garanties d'un traitement légal de l'ancien ministre.

Interrogées par la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence sur les conditions de détention qui attendaient cet homme de 72 ans, ont ajouté les mêmes sources,
"les autorités algériennes ont évoqué une incarcération au centre pénitentiaire d'El-Harrach, à Alger, dans des "salles de 120 à 145 m2", sans indiquer le nombre de détenus dans ces salles"
.

"J'ai du mal à imaginer qu'il puisse vivre dans une communauté de vie avec une quinzaine de personnes"
, a précisé l'avocat général.
"Plutôt 100 personnes"
, a rétorqué Me Benjamin Bohbot, avocat d'Abdesselam Bouchouareb.

Pour sa part, Me Anne-Sophie Partaix, Conseil de l'Algérie, a estimé que
"les autorités judiciaires, ont, le 13 février 2025, donné les garanties nécessaires à la justice française"
.
"M. Bouchouareb a volé de l'argent aux Algériens, il a été condamné et doit répondre de ses actes"
, a-t-elle insisté.

Dénonçant des propos
"honteux",
Me Bohbot a présenté son client comme une victime des
"purges"
de l'après-Bouteflika, contraint à la démission par le mouvement populaire de contestation du "Hirak", en avril 2019.

Lors de son audition, Abdeslam Bouchouareb s'est défendu. "
Je ne suis pas un voleur mais un grand industriel ..."
, a revendiqué Abdesselam Bouchouareb. Et d'ajouter:
"Mes collègues sont injustement incarcérés car ils ont voulu appliquer la loi"
.

La chambre de l'instruction rendra sa décision le 19 mars. En cas d'avis défavorable, la procédure d'extradition prendrait automatiquement fin.

Pour rappel, depuis la chute du régime de l'ancien président algérien, Abdelaziz Bouteflika en avril 2019, plusieurs de ses ministres et premiers ministres ont été poursuivis et condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement dans le cadre des affaires dites de lutte contre la corruption.


Par ailleurs, le contentieux historique entre l'Algérie et la France est très profond. En plus de la question des archives et la restitution des biens d'Algériens confisqués, l'Algérie réclame aussi des réparations sur les essais nucléaires français en Algérie et l'indemnisation des victimes. L'Algérie réclame aussi la reconnaissance des crimes coloniaux par la France officielle.


Les relations entre les deux pays se sont dégradées davantage, depuis l'été 2024, sur fond de reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. En réaction, l'Algérie a retiré son ambassadeur à Paris et le président Tebboune a annulé un déplacement en France, prévu initialement en septembre 2024.

Plus récemment, l'affaire de l'emprisonnement de l'écrivain algéro-français, Boualem Sansal et le refoulement de migrants en situation irrégulière, dont l'influenceur algérien Doualemn, ont suscité la colère des autorités françaises qui menacent désormais de recourir au
"rapport de force"
, selon les déclarations du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.

Côté algérien, le président Abdelmajid Tebboune a pointé
"des déclarations hostiles tous les jours de politiques français"
, qualifiant le dialogue avec le président Macron de
"perte de temps"
et mettant en garde contre
"une séparation qui deviendrait irréparable"
.

"Nous avions beaucoup d'espoirs de dépasser le contentieux mémoriel (...) Mais, plus rien nʼavance si ce nʼest les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu"
, a-t-il déploré.

Le 25 février 2025, Paris a décidé de restreindre l'accès au territoire français de certains responsables algériens pour
"défendre les intérêts des Français"
, alors que le Premier ministre François Bayrou a remis en question l'accord de 1968 entre les deux pays.

Le président Macron a dû intervenir pour recadrer ses ministres, appelant à
"engager un dialogue exigeant et respectueux". "C'est ensemble que l'on peut faire des choses intelligentes pour les deux côtés",
a-t-il noté.

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