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Le nouveau président du Guatemala, Bernardo Arévalo, prête serment lors de la cérémonie d'investiture au centre culturel Miguel Angel Asturias à Guatemala City, le 14 janvier 2024.
Bernardo Arévalo a tenu bon: malgré les multiples embûches semées par une élite politique et économique considérée comme corrompue, le dirigeant social-démocrate a été investi nouveau président du Guatemala dans la nuit de dimanche à lundi.
Depuis sa victoire surprise aux élections en août, l'ex-diplomate et sociologue de 65 ans a fait face à de nombreux obstacles dans le pays, qui figure au 150e rang sur 180 dans le classement de l'association anticorruption Transparency international.
Le parquet a multiplié les recours judiciaires (annulation des élections, suspension de son parti politique, levée de son immunité d'élu) vertement dénoncés par les États-Unis, l'Union européenne, l'ONU et l'Organisation des États américains (OEA).
Son investiture a même été retardée de plus de neuf heures par les débats menés au Parlement par les députés de droite alliés du président sortant Alejandro Giammattei.
Ce retard, qui a fait monter la tension, a même poussé les dirigeants internationaux présents, dont les présidents chilien Gabriel Boric et colombien Gustavo Petro ou encore le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell, à appeler dans un communiqué
"le Parlement à se conformer à son mandat constitutionnel pour remettre le pouvoir comme l'exige la Constitution".
Finalement, la nouvelle Assemblée a porté à la tête du Parlement monocaméral un membre du camp présidentiel, pourtant minoritaire avec 23 députés sur 160, Samuel Pérez, 31 ans. Une première victoire éclatante pour le camp Arévalo qui a été ceint de l'écharpe bicolore peu après au Théâtre national. Son arrivée a été précédée des cris de ses soutiens:
"Oui, c'était possible!".
Nous ne permettrons pas que nos institutions se plient à nouveau à la corruption et à l'impunité.
"Ces derniers mois, nous avons été confrontés à des tensions et à des défis complexes qui ont conduit beaucoup à penser que nous étions destinés à un repli autoritaire"
, a-t-il déclaré dans son premiers discours, remerciant
Votre appui a été fondamental dans la défense des institutions démocratiques et la préservation d'un État de droit.
M. Arévalo a également tenu à dire
"merci à la jeunesse du Guatemala qui n'a pas perdu l'espérance et merci aux familles qui ont cru à un futur différent et n'ont pas cru à la désinformation".
Merci à ceux qui ont fait que le Guatemala change.
Il a fixé
"l'éducation, la santé, le développement et l'environnement"
comme priorités de son gouvernement qui comprend
"le plus grand nombre de femmes dans l'histoire"
: 7 sur 14 ministres.
"Aujourd'hui, comme nation, nous sommes en train de faire l'histoire",
a-t-il lancé, estimant que le pays a
"une dette historique envers les peuples indigènes"
, qui représentent plus de 42% des 17,6 millions de Guatémaltèques.
"Il ne peut y avoir de démocratie sans justice sociale, ni de justice sociale sans démocratie",
a-t-il dit sous les hourras.
"Reconstruire la démocratie"
Fils du réformateur Juan José Arévalo, premier président démocratiquement élu du Guatemala en 1945 après des décennies de dictature, Bernardo Arévalo n'a eu de cesse de dénoncer un
visant à contrecarrer le résultat des urnes.
Il a remplacé dimanche le conservateur Alejandro Giammattei, pointé du doigt pour avoir soutenu la procureure générale Consuelo Porras, qui a dirigé l'offensive judiciaire contre M. Arévalo aux côtés du procureur Rafael Curruchiche et du juge Fredy Orellana. Tous trois figurent sur une liste de personnes corrompues établie par le ministère de la Justice des États-Unis.
M. Arévalo a annoncé qu'il allait
"convoquer (Mme Porras) pour demander sa démission"
car
"les conditions politiques dans lesquelles elle se sentait libre d'agir"
auront
Sous le mandat de M. Giammattei, plusieurs procureurs luttant contre la corruption, profondément enracinée au sein du gouvernement et des institutions, ont été arrêtés ou contraints à l'exil. Défenseurs des droits humains et journalistes critiques ont également été inquiétés.
Les défis auxquels le polyglotte joueur d'échecs et amateur de jazz devra faire face en tant que chef de l’État pour quatre ans ne seront pas moins éreintants que les 6 mois passés en tant que président élu.
"Il fera l'objet d'un harcèlement permanent. Son plus grand défi est de répondre au désir du peuple de ne pas être gouverné par le pacte mafieux. Il doit le démanteler pour pouvoir gouverner"
, a déclaré à l'AFP l'analyste Manfredo Marroquin.
Il a cependant prévenu
"qu'au moindre faux pas, ils voudront lever son immunité... et le destituer".
Bernardo Arévalo lui-même a reconnu qu'il devra affronter des
"difficultés, puisque ces élites politico-criminelles, au moins pour un temps, continueront à être retranchées dans certaines branches de l’État".
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