Nucléaire: Orano suspend la production d'uranium de sa filiale au Niger

10:3524/10/2024, jeudi
AFP
Le groupe Orano a déjà enregistré une perte de 133 millions d'euros au premier semestre 2024, en grande partie à cause des difficultés rencontrées au Niger.
Crédit Photo : Média X / Archive
Le groupe Orano a déjà enregistré une perte de 133 millions d'euros au premier semestre 2024, en grande partie à cause des difficultés rencontrées au Niger.

Face à une situation "fortement dégradée", la filiale au Niger du spécialiste français de l'uranium Orano suspendra sa production à partir du 31 octobre, faute de pouvoir "continuer à travailler" dans ce pays dirigé par un régime militaire depuis quinze mois.

"L'aggravation des difficultés financières de la Somaïr contraint cette société",
installée dans la région d'Arlit, dans le nord du Niger,
"à suspendre ses activités",
a annoncé mercredi la porte-parole d'Orano à Paris.

Depuis le coup d'État de juillet 2023, le régime militaire nigérien a exprimé sa volonté de réviser en profondeur le cadre d'exploitation des ressources naturelles par les compagnies étrangères.


En parallèle, les autorités se sont rapprochées de nouveaux partenaires, tels que la Russie et l'Iran, tout en rompant avec la France, obtenant notamment le départ des militaires français et de l'ambassadeur.

Selon Orano, la production de concentré d'uranium sur le site sera
"à l'arrêt à compter du 31 octobre",
en raison de l'impossibilité d'exporter cette matière première.

"Malgré tous les efforts déployés"
auprès des autorités milit
aires "pour essayer de débloquer la situation", "toutes nos propositions sont restées sans réponse",
a expliqué la porte-parole.

Les frontières avec le Bénin étant toujours fermées, aucune exportation n'est possible, et des solutions alternatives, comme le transport aérien via la Namibie, n'ont pas abouti.

Après le 31 octobre,
"la maintenance se poursuivra, mais il n'y aura plus de production", a
précisé Orano. Les autorités nigériennes n'ont pas encore réagi à cette annonce.

En juin dernier, le Niger avait déjà retiré à Orano le permis d'exploitation du gisement d'Imouraren, l'un des plus grands au monde, avec des réserves estimées à 200.000 tonnes. Plus récemment, en septembre, un décret a été adopté pour la création d'une société d'État dénommée
"Timersoi National Uranium Company"
(TNUC), sans davantage de précisions.

Orano exploite l'uranium au Niger depuis 1971. Actuellement, seul le site de la Somaïr reste actif, après la fermeture en 2021 de la Compagnie des mines d'Akokan (Cominak).


Le groupe français détient 63,4 % de la Somaïr, le reste appartenant à la Sopamin, société d'État nigérienne. Les représentants de la Sopamin étaient absents lors d'un
"conseil d'administration extraordinaire"
consacré à la situation de Somaïr.

Le site de la Somaïr emploie environ
"780 collaborateurs et autant de sous-traitants",
dont
"99 % de Nigériens",
qui continueront à être rémunérés jusqu'à la fin de 2024, a précisé Orano. Actuellement, 1.050 tonnes de concentré d'uranium, issues des stocks de 2023 et 2024, sont bloquées sur place, représentant une valeur marchande d'environ
"300 millions d'euros",
selon le groupe.

"Nous sommes d'accord pour qu'Orano quitte" le pays "mais sous de nombreuses conditions",
a déclaré Amobi Arandishu, président de la coordination de la société civile d'Agadez (CRESCA), à l'AFP. Il réclame notamment un
"réaménagement des sites"
tels que celui de la Cominak, ainsi que des mesures contre la
"pollution de la nappe phréatique"
et pour la
"réinsertion des anciens travailleurs",
tout en exprimant des inquiétudes face aux
"tonnes de déchets radioactifs".

Ali Idrissa, secrétaire exécutif du Réseau des organisations pour la transparence et l'analyse budgétaire (ROTAB), une ONG nigérienne, estime que
"le Niger et Orano doivent mettre cette situation à profit pour renégocier une nouvelle convention"
permettant de concilier les intérêts des deux parties dans l'exploitation de l'uranium.

Le groupe Orano a déjà enregistré une perte de 133 millions d'euros au premier semestre 2024, en grande partie à cause des difficultés rencontrées au Niger. Toutefois, l'approvisionnement de ses clients reste
"assuré"
grâce à la diversité de ses sources, notamment au Canada et au Kazakhstan.

Le Niger contribue à hauteur de 4,7 % à la production mondiale d'uranium naturel, loin derrière le Kazakhstan, qui en représente 45,2 %.


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